Cannabis Social Clubs, acte II : premier bilan à mi-chemin

Cannabis Social Clubs, acte II : premier bilan à mi-chemin
Par mrpolo ,

Marseille, le 14 juin 2016. Depuis janvier, l’association Chanvre & Libertés-NORML France mobilise l’ensemble de la société civile pour construire un modèle viable de Cannabis Social Clubs. L’heure est venue d’un premier bilan à mi-chemin.

Le 10 juin dernier, l’association Chanvre & Libertés—NORML France a eu le plaisir d’organiser la quatrième session des assises “Cannabis Social Club, acte II au Palais du Pharo, dans la cité phocéenne (une ville devenue le symbole de l’échec des politiques de prohibition du Cannabis), au cours du #CongrèsAddictions, les 6èmes Journées Nationales de la Fédération Addiction.

 

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Après une participation fructueuse de chercheurs et expert-e-s du droit et des sciences sociales, ainsi que d’usager-e-s de Cannabis, aux sessions précédentes le 22 janvier 2016 à Nantes et les 5 et 7 février à Paris, nous avons poussé la réflexion avec une quarantaine de professionnels de la santé, travailleurs sociaux et autres experts des questions d’usage de drogues et d’addiction, dans une démarche visant à consolider le modus operandi pour des Cannabis Social Clubs esquissé lors des 3 sessions précédentes, au cours d’un atelier animé par Farid Ghehiouèche, Kenzi Riboulet-Zemouli et le Dr Olivier Bertrand.

 

Ce mode opératoire éthique, solidaire, social et sanitaire, conçu comme outil pour le développement des capacités d’organisation et d’autosupport des usagers et usagères de Cannabis de France, participe à créer un environnement juridique propice au développement d’une approche moderne et inclusive des politiques publiques portant sur le Cannabis, au delà de ce seul modèle de Cannabis Social Club.

 

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Les trois premières sessions des assises “Cannabis Social Club, acte II” avaient jeté les bases de cette nouvelle approche, à travers une réflexion sur la santé du droit pour essayer d’articuler au mieux le remède (les CSC) aux nombreux maux dont souffre la législation française sur les stupéfiants — ou sur les “substances vénéneuses”, comme les définissent encore les textes — partant du constat d’un manque d’accès à leurs Droits des personnes consommatrices de Cannabis (droit à l’usage, droit d’association, droit à la vie privée, droit à jouir du meilleur état de santé physique et mentale, etc.).

 

La session de Marseille a quant à elle plutôt permis de fortifier, avec les experts de la Santé, un modèle de Cannabis Social Club permettant d’offrir aux citoyen-ne-s usager-e-s de Cannabis un accès au droit à la santé, pour limiter efficacement tous les risques et les dommages potentiels liés à l’usage de Cannabis comme à son statut légal : droit à la santé par l’accès à l’information sur la composition, la teneur et la qualité de la substance consommée, comme l’information sur la plante, ses usages et leurs effets et conséquences ; droit à la santé par la possibilité de consommer de façon raisonnable, raisonnée et consciente ; droit à la santé par l’accès volontaire facilité et non-discriminant à la prévention, au suivi médical de consommation et au soin ; droit à la santé par un accès informé à des méthodes de consommation saines comme la vaporisation ou l’ingestion ; droit à la santé par l’accès à un produit cultivé de façon saine et écologique ; etc.

 

Alors que dans le monde entier, ce modèle de micro-régulation de la filière cannabicole, sans but lucratif et sans publicité, prend des marques de noblesse, se développe, s’affirme et séduit des usagers aux décideurs politiques (à l’instar de l’Espagne, de l’Uruguay, mais aussi du Canada, des Pays-bas et de la Suisse, où les autorités s’intéressent de près au modèle), en France l’immobilisme n’est plus tenable, et la ferveur générée par le processus participatif de construction d’un modèle alternatif à la prohibition déployé lors de ces assises en est un indicateur : les attentes sont fortes, et elles émanent de tous les secteurs de la société, de Marseille à Nantes en passant par Paris.

 

 

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Kenzi Riboulet-Zemouli et le Dr Olivier Bertrand lors de la session 4 des assises « Cannabis Social Club, acte 2 » au Palais du Pharo le 10 juin 2016.

 

Dans l’hexagone comme dans les DOM-TOM, où les statistiques de consommation de Cannabis sont alarmantes, l’heure est venue de prêter plus d’attention à des paroles comme celle de l’OMS qui, dans un rapport publié le 20 mai dernier, indiquait que « les cadres politiques actuels de la lutte contre les drogues ne prêtent pas suffisamment d’attention à la réduction des effets nocifs de la consommation de drogues pour l’individu et pour la communauté » précisant que c’était « souvent une question sensible sur le plan social et politique, car elle a pour but de maintenir les personnes en vie et en sécurité sans pour autant exiger l’abstinence.

 

Les lois, politiques et pratiques punitives limitent et parfois excluent l’accès des toxicomanes aux services de réduction des effets nocifs, compromettant l’effet des interventions fondées sur des bases scientifiques », avant d’ajouter que « des éléments probants montrent également que les programmes visant à réduire les effets nocifs à court et à long terme […] bénéficient à l’ensemble de la communauté grâce à la réduction de la délinquance et des troubles publics, outre les avantages dérivant de l’insertion dans la vie sociale de membres de la société précédemment marginalisés ». Plus loin, on y lisait « qu’une mise en œuvre efficace de ces programmes] […] exige […] l’examen de mesures […] telles que […] des approches faisant appel aux pairs pour réduire les effets nocifs associés à la consommation de drogues par un individu. »

 

Oui, en France, l’heure est venue d’aller au delà d’une certaine utopie de l’absolue abstinence, d’accepter que des adultes, majeurs et responsables, puissent consommer du Cannabis, et de mettre en place des programmes et des actions pragmatiques et concrets pour protéger la « sécurité des personnes », mise à mal chez nos concitoyens consommateurs, soumis à la pression et aux violences du marché illicite, à l’adultération des produits, à la répression par la force publique et à la marginalisation sociale au sens large.

 

Conçu par et pour les usager-e-s, dans une optique d’auto-support entre pairs et de réduction des dommages et des risques, le Cannabis Social Club offre tous les avantages socio-sanitaires d’intégration, de possibilité d’intervention précoce et d’accompagnement en cas de consommation problématique, en plus de fournir l’assurance de la connaissance de la composition sanitaire du produit consommé, ainsi que des possibilités d’études épidémiologiques accrues.

 

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Désormais, alors que le débat commence à s’ouvrir en France, des signes d’un début de changement de paradigme se notent, comme la déclaration de Danièle Jourdain-Menninger, présidente de la MILD&CA, en ouverture de ces Journées Nationales de la Fédération Addiction, affirmant que « nous sommes loin, désormais, de la guerre aux drogues » , ou encore l’intérêt accru porté par les professionnels de Santé aux outils de RDR au Cannabis comme les vaporisateurs, que nous avons présenté sur un stand, en marge des Journées Nationales.

 

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Alors que le débat est encore confus, et que les propositions avancées — dont celles remarquées de Terra Nova — se cantonnent à des modèles calqués sur l’économie classique, ou sur le modèle du distribution du tabac, peu compatibles avec les exigences sociales, ces dernières années à l’étranger, de nombreux travaux scientifiques sont venus confirmer les avantages de ce modèle alternatif que sont les Cannabis Social Clubs au point de vue de la santé publique, de la réduction de la criminalité, ou du vivre-ensemble d’une manière plus générale. Les résultats de ces études ont attiré l’attention des cercles intéressés par les politiques relatives aux drogues, et en particulier sur les point suivants :

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  • En Espagne, la prolifération de ces structures n’a pas attiré les critiques des deux organes internationaux gardiens des Conventions sur les stupéfiants (OICS et ONUDC), pourtant réputés pour leur conservatisme, vu que le modèle semble pouvoir se conjuguer avec les prérogatives internationales (voir notre livret « Cannabis Social Club, une politique pour le XXIème siècle, sur csc.faaat.net) ;
  • dans ce même pays, selon les données gouvernementales, sur la dernière décennie, alors que le nombre de CSC est passé d’une dizaine en 2007 à près d’un millier en 2016, la prévalence de l’usage de cannabis s’est réduite parmi la population générale (15-64 ans) et a également décru chez les adolescents (14-18 ans) ;
  • la méthode démocratique induite par les réglementations administratives relatives aux associations assure la possibilité effective d’un contrôle poussé du produit, de sa qualité, des quantités distribuées, des méthodes de consommation, etc., ne serait-ce que par l’Assemblée Générale des membres de l’association ;
  • les associations étant à but non-lucratif, le modèle de CSC ainsi organisé offre des garanties face au risque perçu de sur-commercialisation, ce risque constituant un facteur majeur d’adhésion aux politiques prohibitionnistes ;
  • le modèle facilite la recherche relative aux usages, rendant possible la conception d’outils et programmes de prévention, de promotion de la santé et de réduction des dommages plus ciblés, adaptés et factuels, et permet en outre l’étude, l’analyse et un suivi scientifique complet des effets, tant sur les usagers que sur leur environnement et les communautés ;
  • enfin, les CSC constituent un moyen de séparer l’offre de Cannabis de celle d’autres substances, et plus largement des dynamiques négatives du marché noir, dommageables en particulier chez les jeunes.

 

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Trois autres sessions des Assises “Cannabis Social Club, acte II auront lieu, jusqu’à l’automne 2016. Une participation importante, tant en qualité qu’en nombre, est attendue. Au delà, nous espérons que le processus même de ces Assises pourra trouver des échos dans la société civile, et que se multiplieront — sur d’autres pans de la question du Cannabis comme les importations ou le thérapeutique mais aussi sur d’autres questions sociales — ces formes de recherche-action issue de la base, mêlant les milieux universitaires, professionnels, citoyens, politiques, abreuvés d’exemples venus des quatre coins du globe, pour construire une société de demain plus inclusive et participative.

 

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Source: chanvrelibertes.org


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