Et si le cannabis était le tabac de demain ?

Et si le cannabis était le tabac de demain ?
Par Invité ,

Paris, le mercredi 18 juin 2014 – Partout, la position à adopter face au cannabis suscite de la part des gouvernement incertitude et circonspection. Faut-il fermement interdire un produit dangereux, alimentant des trafics maffieux, au risque de se priver de tout contrôle sur cette substance et notamment d’une prise en charge adaptée des consommateurs ?

Ou faut-il préférer la dépénalisation ou la légalisation, afin de limiter la criminalité associée à la vente de ce produit et de faciliter la demande de soins de ceux qui le nécessitent ? Les états ont diversement tranché face à cette question, mais ceux qui se sont orientés vers la voie de la dépénalisation ont dans la très grande majorité des cas laissé la production et la commercialisation du cannabis aux mains d’industries privées. Ces dernières deviendront-ils demain l’égal des cigarettiers d’aujourd’hui ?

 

Ce que cache l’argumentation sanitaire

 

C’est la question que soulèvent Kimber P. Richter et Sharon Levy du département de médecine préventive et de santé publique de l’Université du Kansas dans un éditorial publié en ligne sur le site du le New England Journal of Medicine. Ces deux spécialistes établissent de nombreux rapports entre le cannabis et le tabac afin de démontrer que le premier pourrait devenir demain un fléau semblable au second. Elles notent ainsi tout d’abord, qu’à la manière du cannabis, hier, les bénéfices du tabac sur la santé ont pu être évoquées. Elle rappellent en effet que les campagnes de publicités des cigarettiers ont ciblé « les femmes, les enfants et les populations fragiles en associant le fait de fumer à l’idée de liberté, de sex-appeal (…) et dans les premiers temps aux effets bénéfiques pour la santé ». Ce petit rappel fera peut-être écho à ceux qui aujourd’hui s’intéressent aux bienfaits du cannabis. « Il existe des preuves de l’effet du cannabis sur la réduction des nausées associées aux chimiothérapies (…) et on a observé des effets antispasmodiques ou analgésiques prometteurs. Cependant, les fabricants de cannabis et ses défenseurs lui attribuent de nombreux autres effets – par exemple face à l’anxiété – qui ne sont assortis d’aucune preuve », ajoutent-elles

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En ce temps là, le tabac n’était pas une arme mortelle

 

Outre cette mise en garde contre une trop grande importance accordée aux effets bénéfiques du cannabis, le parallèle des deux spécialistes invite à se souvenir que le « tabac n’a pas toujours été aussi dangereux et addictif qu’il l’est aujourd’hui ». Ils s’agit ici de lancer un avertissement à ceux qui affirment que le cannabis serait moins dangereux que le tabac et présenterait un risque de dépendance moins élevé, puisque par exemple seuls 9 % des consommateurs de cannabis répondent aux critères de dépendance contre 32 % des consommateurs de tabac. Cependant, les deux auteurs remarquent qu’avant la forte industrialisation de la production du tabac, ce dernier n’était pas le danger qu’il est devenu désormais. « Dans les années 1880, (…) seul 1 % du tabac était consommé sous forme de cigarettes manufacturées » remarquent-elles en guise de préambule. Cependant, l’industrialisation massive a fait exploser le nombre de fumeurs et le nombre d’utilisateurs de produits manufacturés. Cette évolution a contribué à la forte progression de l’addiction (puisque celle-ci est en grande partie liée aux produits ajoutés dans les cigarettes) et au fléau qu’est aujourd’hui le tabagisme. Aussi les deux spécialistes mettent en garde contre une évolution comparable pour le cannabis, s’il est laissé aux mains d’industriels ayant pour objectif naturel le développement de sa consommation. Elles notent en outre qu’aujourd’hui, ces producteurs disposent d’une arme redoutable qui n’existait pas lors de l’explosion du tabac : internet.

 

Cette démonstration n’est cependant pas un plaidoyer absolu pour le maintien des législations punitives. C’est une mise en garde contre un désengagement des institutions publiques dans la production de cannabis. A cet égard, Kimber P. Richter et Sharon Levy jugent intéressant le dispositif mis en place en Uruguay qui repose sur une nationalisation de la production de cannabis, même si elles notent que ce système devra faire ses preuves.

 

Aurélie Haroche

 

Source:https://www.jim.fr/medecin/actualites/pro_societe/e-docs/et_si_le_cannabis_etait_le_tabac_de_demain__145955/document_actu_pro.phtml


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