Marseille: Faut-il légaliser le cannabis pour tuer les trafics ?

Marseille: Faut-il légaliser le cannabis pour tuer les trafics ?
Par mrpolo ,

Faut-il légaliser le cannabis pour tuer les trafics ?

Sébastien Beguerie, expert des produits cannabinoïdes et Valérie Boyer, maire des 11e et 12e à Marseille, ont des avis partagés sur le sujet

 

 

 

La scène, étonnante pour les voyageurs, se déroule en haut des escaliers de la gare Saint-Charles. Nous sommes en août 2013. Depuis quelques mois, la cité phocéenne connaît une éprouvante série de règlements de comptes sur fond de trafic de cannabis et de concurrence sauvage pour le contrôle des points de vente. Eux sont élus, médecins, éducateurs regroupés sous la bannière de l’association "Quartier Nord-Quartier Fort" et pose à Saint-Charles derrière une banderole au message explicite: "Fumer tue! Prohiber le cannabis aussi".

 

Leur credo ? "Cette dramatique série de règlements de comptes trouve une partie de ses origines dans la prohibition". En effet, assène Mohammed Bensaada, l’un des animateurs du collectif, "la première logique des dealers c’est de s’armer avec les conséquences que l’on connaît pour contrôler un maximum de spots de vente". Et de souhaiter, sans faire l’apologie de la consommation, une légalisation du cannabis avec Marseille dans le rôle de laboratoire... "pour sortir les quartiers de la dépendance à cette économie parallèle".

 

En 2011, déjà, l’ancien ministre de l’Intérieur socialiste, Michel Vaillant, menait une enquête avec l’aide de 10 députés qui concluait que "le vrai laxisme, c’est le statu quo". "Il faut désormais ouvrir les yeux sur une réalité que personne ne veut voir : l’échec de la répression et de la prohibition du cannabis, avec une consommation qui explose en même temps que les trafics et la criminalité qui y sont liés. Pour lutter contre la consommation problématique et le trafic, il faut sortir de cette hypocrisie", estimait le rapport.

 

Mais à l’époque, déjà, cette position était loin d’être partagée par d’autres, beaucoup d’autres. Des travailleurs sociaux: "Ça ne va faire qu’aggraver la situation, les jeunes vont augmenter leur consommation et ceux qui mènent le trafic passeront à quelque chose de pire: il y a trop d’enjeux, trop d’argent (La Provence du 29/06/2011)". Ou encore des élues, telle la maire du 15e/16e Samia Ghali(PS): "Dépénaliser conduirait à mettre sur le marché parallèle du shit encore plus fort". Depuis, les règlements de compte n’ont jamais cessé.

 

Et la tension autour du contrôle des plans stups les plus rémunérateurs à connu son apogée, le 9 février dernier, à la Castellane, avec une spectaculaire fusillade en pleine journée, le jour de la visite de Manuel Valls à Marseille. Le débat est relancé...

 

 

 

20150202_2_3_1_1_0_obj8129456_1.jpg"Aujourd'hui, l'interdit protège"

Valérie Boyer, député-maire du 11e/12e (UMP)

 

"C'est typiquement une fausse bonne idée ! Dans les faits, tous les pays qui ont légalisé la vente de drogue n'ont pas connu une baisse des trafics ni d'ailleurs de la consommation ! Au contraire, même ! Et d'ailleurs, certains d'entre eux veulent revenir dessus... Je pense que tous les discours qui visent à légaliser et prônent la tolérance vis-à-vis de ces pratiques n'ont qu'un seul effet : celui d'augmenter le deal et la prise de substance en justifiant l'injustifiable...

 

La guerre contre la drogue, particulièrement à Marseille, n'est pas perdue. Elle doit être constante et s'intensifier ! L'arrêter, ce serait comme si on disait qu'on arrête de combattre une maladie parce qu'on n'a pas réussi à la guérir tout de suite. On me dit souvent que dans certains médicaments, on utilise du cannabis pour soigner. Mais il y a aussi d'autres produits dans les médicaments, tels l'arsenic, qui, s'ils n'étaient pas encadrés, pourraient être dangereux pour la santé. On ne va donc pas les mettre pour autant en vente en vente libre !

 

On me dit encore que cette vente légalisée par l'État permettrait de contrôler la qualité des produits consommés... Vous vous rendez compte du message permissif que ça donne ? On ne va faire fumer que des bons produits... Et surtout, comment avoir confiance dans un État qui vous dit : 'j'ai légalisé des produits toxiques, dont je sais qu'ils développent des addictions, des troubles du comportement, dont je sais qu'ils conduisent à l'isolement des jeunes et à l'échec scolaire'. Si je me suis engagé en politique, c'est à l'inverse pour faire en sorte que nous vivions dans une société qui permet de protéger les plus vulnérables.

 

Regardez les difficultés que rencontrent les parents pour essayer de faire sortir leurs enfants de l'enfer du cannabis . On me dit, enfin, que de plus en plus de Français fument ces substances . Et après ? Il y a aussi beaucoup de Français qui brûlent des feux rouges et font des excès de vitesse, ce n'est pas une raison pour autoriser ces pratiques. La société est là pour mettre un cadre. D'ailleurs, vous ne trouverez aucun médecin qui va être favorable à la consommation et la légalisation. Au contraire, les addictologues assurent qu'il faut empêcher cette consommation tôt dans l'âge...

 

D'autant plus, qu'à Marseille, le deal ne s'en tient pas au cannabis. Il y a tous les autres produits. On sait très bien que le trafic engendre le trafic, et que la consommation de cannabis, dans un certain pourcentage de cas, évolue vers la consommation d'autres substances... Aujourd'hui, je pense que l'interdit protège. Qu'il retient certaines personnes qui n'ont pas encore plongé. Je vais vous citer une phrase de Lacordaire : "entre le faible et le fort, c'est la liberté qui opprime et la loi qui protège."

 

 

 

20150202_2_3_1_1_0_obj8129451_1.jpg

"La politique de répression est un échec"

 

Le Marseillais Sébastien Beguerie, expert du chanvre et des produits cannabinoïdes, a créé Alpha-Cat, kit d'analyse du cannabis et fondé l'Union francophone pour les cannabinoïdes en médecine.

 

"En France, depuis 50 ans, force est de constater que la politique de répression de la consommation et de la vente de cannabis est un échec. Cette politique est extrêmement coûteuse et inefficace : non seulement les chiffres de la consommation ne cessent d'augmenter, mais elle encombre les tribunaux, mobilise un nombre incroyable de policiers qui pourraient s'occuper à autre chose. Les réseaux, malgré tout, sont toujours là, ils se sont structurés, gangrènent des zones entières des villes, contribuent à créer des ghettos.

 

Là, le commerce du cannabis rejoint celui d'autres drogues mais aussi les armes, le grand banditisme... Or prenez un état américain comme le Colorado : vendu, dans un premier temps, dans des dispensaires, le cannabis légalisé génère désormais 76 M€ de taxes, redistribuées aux différents services publics ! En parallèle, le nombre d'accidents, la délinquance et même la consommation d'alcool ont diminué. Ce serait aussi le cas à Marseille : à long terme, l'insécurité reculerait. Aux Pays Bas encore, les moins de 18 ans sont seulement 10 % à avoir déjà fumé un joint : en France, ouvrons les yeux, ce chiffre grimpe à 50 %. Il faut voir la réalité telle qu'elle est. Oui, on consomme dans ce pays, souvent des produits coupés, voir du cannabis synthétique dangereux que l'on trouve facilement sur Internet.

 

Les gens ne savent pas ce qu'ils achètent, ce qu'ils consomment, alors qu'en légalisant, on pose un cadre, on contrôle, on sécurise le marché. Pour que la France bouge, il faudrait que l'on crée un bureau national sur les cannabinoïdes, afin de légiférer, comme on le fait actuellement sur le tabac, l'alcool... La première étape, à mon sens, est en tout cas l'utilisation facilitée du cannabis à usage thérapeuthique : le Savitex, ce spray au cannabis dont la vente a été autorisée en pharmacie, sur ordonnance, et pour certaines pathologies seulement (c'était en début d'année, NDLR), n'est en réalité pas accessible. La Sécu n'a pas tranché la question de son remboursement, donc, de fait, on ne le trouve pas.

 

Un comble ! Il faut absolument combattre l'ignorance, et cela passe par la formation des policiens comme des cadres de santé qui, en réalité, n'ont pas du tout une approche pragmatique de la consommation de cannabinoïdes. Cette ignorance explique aussi que, pour l'instant, les choses n'avancent guère chez nous... Contrairement au Canada, par exemple, où le gouvernement accorde des licences aux vendeurs, et où médecins et infirmières peuvent prescrire du cannabis à leurs patients. En France, un million de malades pourraient en profiter ! Toute une filière du chanvre -qui à Marseille, autrefois, prospérait- est à réinventer."

 

par Laurent d'Ancona

 

Source: la provence


  Signaler Article


Retour utilisateur


Bonjour
Elle est drôle la Valérie Boyer avec sa succession d'inepties à des fins électoralistes. Ce qui est triste dans ce pays par contre c'est qu'aucun journaliste n'ose couper un politique pour lui prouver sa connerie.
Du genre : "Vous vous rendez compte du message permissif que ça donne ? On ne va faire fumer que des bons produits... Et surtout, comment avoir confiance dans un État qui vous dit : 'j'ai légalisé des produits toxiques, dont je sais qu'ils développent des addictions, des troubles du comportement, dont je sais qu'ils conduisent à l'isolement des jeunes et à l'échec scolaire'
- Ce n'est pas déjà le cas avec l'alcool et le tabac dont on connait déjà les forts risques de dépendance, les pathologies engendrées et qui ont un fort impact sur l'aggravation du fameux trou de la sécu ?"

Partager ce commentaire


Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Salut

 

Ben pas mieux , en lisant je me suis fait exactement la même réflexion que toi , l'alcool et le tabac sont déjà légalisés.

Surtout l'alcool , parce que niveau troubles du comportement c'est le top , désinhibition totale , encore pire que le cannabis je pense.

L'argument ne tient pas la route et cette femme est maire/député et ne réfléchit même pas aux énormités qu'elle dit a la presse ...

Elle a surement jamais fumé un joint de sa vie mais il doit pas lui rester grand chose entre les oreilles néanmoins .

 

A++

Partager ce commentaire


Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites