Le cannabis : une plante médicinale encore taboue

Le cannabis : une plante médicinale encore taboue
Par mrpolo ,

Originaire d’Indes et du Sri Lanka, le cannabis pousse désormais sur tous les continents. Il a été un composant de nombreux médicaments jusqu’à son interdiction dans plusieurs pays autour des années 1930. On le dit pourtant pourvu de nombreuses vertus.

 

 

La consommation médicale du cannabis se fait sous forme de tisane, vaporisateurs et spray buccal.

(Photo iStock : Zzvet)

 

 

En prescription médicale, le cannabis est autorisé dans plusieurs pays, notamment en Espagne, au Canada, au Royaume-Uni, en Australie, ou encore, dans certains Etats américains.

 

En France, bien que le débat politique sur la dépénalisation du cannabis reste ouvert (de nombreux Verts y sont favorables), la consommation de cannabis à des fins «récréatives» est illégale et son utilisation thérapeutique demeure très réglementée.

 

Cette dernière ne doit pas être confondue avec le cannabis fumé, qui augmente le risque de cancer du poumon. En effet, la consommation médicale se fait plutôt sous forme de tisane, vaporisateurs et spray buccal.

 

Cannabis et santé publique

 

 

Selon le Docteur Olivier Bertrand, Président de la coordination Chanvre & Libertés, Membre de la Commission Santé et Prévention, le cannabis (ou marijuana médicale) a un rôle primordial à jouer en matière de santé publique : «Aujourd'hui, certains travaux scientifiques réhabilitent l'usage thérapeutique du cannabis pour de nombreuses pathologies où il n'existe pas de traitements connus, voire pour atténuer les effets secondaires des traitements. Que ce soit pour le diabète, la lutte contre le cancer, l'amélioration de la vie quotidienne de personnes atteintes de troubles psychiatriques (hyperactivité, bipolarité, chocs post-traumatiques...), pour la prise en charge des parkinsoniens, le traitement d'Alzeihmer... la liste est longue de toutes les possibilités offertes par l'utilisation des cannabinoïdes».

 

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Si certaines personnes restent sceptiques devant l’intégration du cannabis dans les soins thérapeutiques, Farid Ghehiouèche, Porte-parole de Cannabis Sans Frontières et Tête de liste pour les élections régionales Cannabis Sans Frontières - Chanvre Ile-de-France, nous explique que les bienfaits de cette plante ont été prouvés à plusieurs reprises.

 

«Là où l'utilisation du cannabis médical s'est développée, des résultats remarquables attirent l'attention de la communauté scientifique. D'une part, la découverte en 1994 de notre système endocannabinoïde par le Pr Méchoulam a ouvert la voie pour une meilleure compréhension du fonctionnement de notre métabolisme, car les cannabinoïdes agissent directement sur de nombreuses fonctions vitales. D'autre part, l'expérimentation in vivo tirées par des centaines de milliers d'individus qui témoignent ne peut plus être ignorée.»

 

Et le porte-parole de Cannabis Sans Frontières de poursuivre : «Aux Etats Unis, l'histoire d'une petite fille Charlotte Webb est emblématique de ce mouvement migratoire de centaines de familles vers le Colorado, où elles peuvent utiliser une variété spécialement adaptée pour diminuer la fréquence et l'intensité des crises d'épilepsie (syndrôme de Dravet). Aux Nations Unies, tout en admettant qu'il est nécessaire que les recherches s'intensifient, le coordinateur du programme de recherche et traitements, Gilberto Gerra admettait que nous sommes face à un " trésor vert "».

 

Une légalisation délicate

Si les fins thérapeutiques du cannabis sont prouvées et soutenues par de nombreux représentants du corps médical, on peut s’interroger sur les raisons qui empêchent et freinent la légalisation, ou du moins, une prescription médicale moins restrictive.

 

Bien que favorable à la légalisation du cannabis médical, Jean-Pierre Couteron, Président de la Fédération addiction, en distingue les éventuels effets pernicieux. Selon lui, «les dangers de la légalisation d’un cannabis médical résulteraient d’abord de la possible confusion entre la légalisation du cannabis médical et celle du cannabis récréatif». Car «il y a deux cadres différents à penser, et se servir de l’un pour l’autre ne peut que prêter et aboutir à des problèmes de santé. Le cannabis médical concerne des personnes qui en attendent un effet bénéfique, en lien avec une pathologie dont ils souffrent. Ce cannabis, comme tout médicament, nécessite des règles pour en accompagner la prescription. Mais pour certains, le simple fait de légaliser du cannabis pour traiter une maladie serait dangereux car cela ‘banaliserait’ ce produit en lui donnant l’image d’une substance capable de ‘faire du bien’, alors qu’ils insistent sur ses effets négatifs pour dissuader un public jeune d’en faire usage.»

 

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Alors, pourquoi la légalisation peine-t-elle à s'imposer, malgré cette

distinction faite entre les deux usages de la plante ? Selon Farid Ghehiouèche, «l'explication tient en deux mots : le tabou». Une situation dommageable selon lui, puisque «d'un côté, cela a restreint l'investissement dans les recherches scientifiques et de l'autre, les centaines de milliers d'individus sont privés d'accès au cannabis avec un statut de délinquant.»

 

«Il n'est pas évident pour des responsables politiques d'admettre que les fondements de la prohibition sont racistes et que le système de contrôle international est en échec. Mais il y a un consensus grandissant pour dire qu'il faut réformer en urgence face aux nombreuses menaces. Bref, depuis 20 ans dans le berceau de la prohibition, aux Etats Unis en Californie, la peur a laissé place à l'initiative dédramatisante et compassionnelle, une approche pragmatique qui porte ses fruits aujourd'hui», relativise-t-il toutefois.

 

En fonction de l’échelle d’observation de cette légalisation, le Docteur Olivier Bertrand note lui une différence intéressante. Il constate les enjeux qui varient entre une approche internationale de cette question, une vision européenne et l’idée qu’en aurait la France : «Les véritables enjeux au niveau international se situent dans les tensions observées entre les obligations de respecter les droits humains fondamentaux tels le respect de l'intégrité physique et morale des individus, plus largement aux questions liées au développement et la stabilité des Etats. Au niveau franco-européen, les enjeux concernent les évolutions de la stratégie globale anti-drogues en prenant en compte la réalité sociétale avec une approche humaniste. Pour la France, l'enjeu véritable est de ne pas perdre de temps en restant arc-boutés sur des positions dépassées, mais plutôt de prendre le leadership de ce qui se décrit dans les médias aux USA comme la "révolution verte»

 

Une utilisation sous quotas

Pour l'heure, l'utilisation légale du cannabis thérapeutique est réservée à un petit nombre de personnes malades et nécessiteuses en France. L’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé) délivre les autorisations de prescription et d’utilisation. Ces autorisations (temporaires) sont attribuées au cas par cas par un examen des dossiers médicaux.

 

Dans le cas de la sclérose en plaques, où le cannabis montre pourtant une grande efficacité, les prescriptions sont délivrées par quotas. Olivier Bertrand s'indigne : «C'est scandaleux ! On observe dans cette logique, la volonté évidente de limiter au minimum l'accès à cette possibilité de prise en charge des patients pour lesquels les traitements conventionnels ne sont pas efficaces. C'est triste de constater que la santé humaine, et que l'urgence humanitaire soient tributaires de négociations entre des agents de l'Etat qui n'ont que pour objectif de limiter les dépenses de la Sécurité sociale et des laboratoires pharmaceutiques qui cherchent à tirer le meilleur profit des traitements qu'ils produisent et mettent sur le marché. Alors qu'il existe une solution très simple et vraiment efficace : il suffit de dépénaliser la culture de plantes, et reconnaitre que l'auto-médicamentation par les phytocannabinoïdes facilite et améliore les conditions de vie pour des millions d'individus.»

 

Jean-Pierre Couteron, lui, évoque un effet pervers : «Une indication trop restrictive peut participer au mésusage, au sens où les personnes exclues de l’autorisation cherchent quand même à accéder au produit qui les soulage».

 

La recherche ne cesse de progresser et les mentalités à l'égard du cannabis d'évoluer. Pourtant prescrit en France jusqu'au milieu des années 50, aujourd'hui, l'usage du cannabis médical devrait être amené à se développer et se (re)démocratiser. Si une grande partie de la société y est encore frileuse, le débat, lui, est chaudement ouvert.

 

Source: leparisien.fr


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