Canada - Fermeture de la boutique Weeds: professionnels de la santé soulagés


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(Québec) «Que ce soit légal ou non, je pense que les gens vont consommer de la mari quand même et que ça peut être mieux encadré si c'est légalisé. Mais justement : on commence à avoir un méchant problème avec ces histoires-là.»

 

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L'ex-propriétaire de Weeds, Michel Dumond, fait face à des accusations de trafic de stupéfiants.

Photothèque Le Soleil, Patrice Laroche

 

 

Comme d'autres professionnels de la santé du centre-ville, c'est avec un certain soulagement que Marc-André Roy, psychiatre à l'Institut universitaire en santé mentale de Québec, a accueilli la nouvelle de la fermeture de Weeds : Herbes et Curiosités.

 

Officiellement un dispensaire de cannabis «médicinal», la boutique a eu pignon sur rue sur Saint-Joseph pendant deux mois avant de cesser ses activités après une descente de police pour trafic de stupéfiants, la semaine dernière. Et le personnel du commerce prenait apparemment de grandes libertés avec les prescriptions de médicaments, au point de créer un certain malaise chez des médecins et des pharmaciens des environs, a appris Le Soleil.

 

«Dans un cas, j'ai un jeune patient qui a présenté ses prescriptions [au personnel de Weeds Québec]. Il prenait des antipsychotiques, alors c'était clair», dit DRoy, que le jeune homme avait un risque élevé de faire une psychose - soit une perte de contact avec la réalité - et qu'il devait se tenir loin du cannabis, un déclencheur bien connu. Mais malgré tout, le jeune homme, comme plusieurs autres dans la même situation, s'est fait dire à la boutique que le pot allait améliorer son état, dénonce le psychiatre dans une lettre ouverte publiée dans notre section Opinions, version numérique et papier.

 

«La SAQ peut pas empêcher les gens qui ont un problème d'alcool d'en acheter, mais de là à prétendre que c'est bon pour eux, il y a toute une marge», a illustré le Dr Roy, en entrevue.

Copropriétaire d'une pharmacie sur le boulevard Charest, près de l'intersection Langelier, la pharmacienne Marie-Hélène Gingras a connu une expérience similaire avec la boutique Weeds. «C'est par un de mes patients sous méthadone [un analgésique utilisé surtout pour remplacer d'autres opiacés, notamment l'héroïne] que j'ai appris que cette boutique-là existait. [...]

 

Et le patient m'a dit : "Je suis allé là et ils m'ont demandé d'apporter mon dossier pharmacologique et ils m'ont dit qu'ils allaient pouvoir regarder les médicaments avec moi et me dire ce qu'il en était".»

 

Acte médical réservé

 

Or, se prononcer sur l'usage d'un médicament et ses interactions avec d'autres substances est une tâche que seul un pharmacien a le droit d'exécuter au Québec. En outre, dit Mme Gingras, les gens qui doivent prendre des médicaments sont, souvent, «vulnérables à toutes sortes d'égards, du point de vue de leur santé mentale, de leur environnement, de leurs fréquentations. Alors si ces gens-là se substituent à des professionnels qui pourraient mieux les conseiller, c'est troublant.»

 

Joint par Le Soleil, l'ex-propriétaire de Weeds, Michel Dumond, qui fait déjà face à des accusations de trafic de stupéfiants, s'est défendu d'avoir voulu jouer au médecin. Les directives de son établissement étaient clairement expliquées aux employés, dit-il : «C'était d'être juste un accompagnateur, que jamais on ne peut informer le patient ou donner l'impression que le cannabis peut remplacer des médicaments, et qu'il faut rester humble, ne pas croire qu'on peut prendre la place d'un médecin ou d'un pharmacien.»

 

Mais M. Dumond admet aussi qu'il n'est pas impossible «qu'à l'occasion, des membres du personnel se soient un peu emportés. C'est arrivé qu'on doive reprendre des employés.» Notons que dans des entrevues antérieures avec Le Soleil, M. Dumond avait souligné ce même devoir d'humilité, mais avait aussi affiché une préférence claire pour les «produits naturels».

 

Mythologie autour du cannabis

 

Quoi qu'il en soit, il semble exister une certaine mythologie autour des bienfaits du cannabis chez les militants pro-mari et les boutiques comme Weeds. «J'ai un autre patient, témoigne le Dr Roy, qui avait contacté une boutique de pot à Montréal. Il fait de l'épilepsie et on lui a présenté le cannabidiol [un dérivé du cannabis différent du fameux THC et qui n'a pas d'effet psychotrope] comme une alternative à son anticonvulsivant.

 

Et c'est vrai que le cannabidiol est en investigation pour le traitement de l'épilepsie, mais ce n'est pas encore un anticonvulsivant reconnu. La personne du commerce qui m'a répondu n'avait aucune formation en santé, elle m'a dit que ça faisait 10 ans qu'elle faisait ça et que beaucoup de ses clients avaient arrêté leur anticonvulsivant sans problème.»

 

Au Collège des médecins du Québec (CMQ), on dit n'avoir pas reçu de plainte officielle pour pratique illégale de la médecine en lien avec des établissements comme Weed, «mais on constate que des boutiques voient un vide dans la réglementation et font des tests pour voir jusqu'où elles peuvent aller et s'il y a des occasions commerciales là-dedans. [...] Et effectivement, des patients peuvent en souffrir», a commenté la porte-parole du CMQ, Caroline Langis.

 

«Le cannabis peut avoir des bénéfices, mais il manque encore beaucoup d'études pour prouver tout ça», dit-elle. C'est pour cette raison que le CMQ n'approuve que les prescriptions de cannabis dans le cadre de projets de recherche.

 

Source: lapresse.ca

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