Cannabis - Que sait-on de l’opinion?


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La France se distingue de ses voisins européens par sa situation paradoxale. Malgré une loi très répressive, la consommation de cannabis est la plus importante des pays de l’Union européenne. 17 millions de Français disent avoir consommé du cannabis en 2014

 
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«Légalisation du cannabis : l’Europe est-elle condamnée à l’impasse ?»: Une journée de débats a eu lieu le 10 octobre 2016 au Sénat à l’initiative d’Esther Benbassa, sénatrice EELV du Val-de-Marne, vice-présidente de la commission des lois, directrice d’études à l’EPHE (Sorbonne) et auteure de la première proposition de loi «Légalisation contrôlée du cannabis», de Didier Jayle, professeur titulaire de la chaire d’addictologie du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), et d’Henri Bergeron, professeur, chaire santé à Sciences Po, et en partenariat avec la Fédération Addiction.

 

Une forte consommation française

 

Depuis 20 ans, l’Observatoire relève un nombre croissant d’usagers de cannabis (environ trois fois plus en 2014 qu’en 1992) et une nette augmentation parmi les 1864 ans entre 2010 et 2014 (figure 1).

 

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Figure 1. Évolution de l’usage actuel de cannabis parmi les 18-64 ans


Les hypothèses pour expliquer cette hausse sont: un net accroissement de l’offre de cannabis en France (autoculture et production locale d’herbe), un marché de la résine encore très dynamique et l’influence du débat sur la légalisation qui induirait une moindre sous-déclaration des usages.

La France est parmi les pays européens où l’on consomme le plus: elle est en tête en matière de prévalence/année (22% d’usage au cours de l’année parmi les 15-34 ans), à des niveaux proches de ce qu’on observe aux ÉtatsUnis.

 

Elle connaît une évolution différente de plusieurs pays européens: les pays nordiques partant de niveaux relativement bas sont sur une pente ascendante, tandis que le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Allemagne, des pays à forte prévalence au début des années 2000, ont tendance à se stabiliser ou enregistrer une baisse.

 

À l’adolescence, selon les résultats de l’enquête Escapad de l’OFDT en 2014, menée sur des jeunes de 17 ans (scolarisés ou sortis du système scolaire), on observe entre 2000 et 2014 une reprise à la hausse du tabagisme chez les jeunes, moins d’usage d’alcool au cours du mois, mais des alcoolisations ponctuelles à la hausse.

 

Pour le cannabis, la courbe est probablement l’expression d’un cycle: au début des années 2000, les prévalences étaient hautes, l’usage au cours de la vie concerne la moitié des jeunes, le fait d’en avoir eu un usage récent est à la hausse, sans rejoindre les niveaux les plus hauts de 2002 et l’usage régulier – le fait d’en avoir consommé dix fois au cours du dernier mois – concerne 10% des jeunes.

 

Mais des données plus récentes sur les lycéens (Espad) montrent une tendance à la baisse de la consommation de cannabis en seconde et en première. Il y a à la fois une consommation en hausse à la fin de l’adolescence et une tendance à la baisse au collège ou au lycée (figure 2)

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Figure 2. Usages de tabac, boissons alcoolisées et cannabis parmi les lycéens selon le niveau scolaire entre 2011 et 2015 (%)


Information sur le cannabis et opinions à son sujet

 

Le sentiment d’information des 15-30 ans est passé de 47 à 75% entre 2000 et 2010, selon le Baromètre santé. La perception du risque est plus complexe et fluctuante dans le temps que pour des drogues telles que l’héroïne ou la cocaïne. Les usagers mettent le risque à distance (comme pour le tabac ou l’alcool), avec un système de rationalisation. Un autre grand changement est l’apparition des cannabinoïdes de synthèse, assez différents du cannabis naturel, souvent plus forts et plus difficiles à utiliser.

 

Quelques décès liés à la consommation de cannabis sont apparus (30 en 2013), ce qui est peut-être lié aussi à la façon d’observer en toxicologie et en médecine légale. Enfin, il y a une évolution de la teneur en THC du cannabis en circulation en France, qui a triplé entre 2000 et 2014 (figure 3).

 

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Figure 3. Teneur moyenne en THC du cannabis en circulation en France 2000-2014, Inpes


 

Selon les enquêtes Espad menées auprès des jeunes de 16 ans depuis 1999 (quatre exercices), il y a une tendance à penser qu’il n’y a pas de «grand risque» associé au fait d’expérimenter le cannabis, mais le risque associé au fait de fumer régulièrement apparaît en hausse. La structuration de la perception des risques est en évolution, autour de quelque chose de plus rationnel (figure 4).

 

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Figure 4. Évolution de la perception des risques liés au cannabis parmi les lycéens


 

En ce qui concerne les politiques publiques, selon l’enquête Errop de 2013, les trois grands types de sanction (avertissement ou rappel à la loi, obligations de soins, stage d’information sur les drogues) remportent la majorité d’avis favorables, en revanche l’amende financière partage l’opinion (50% favorables et autant défavorables) et les deux tiers de la population sont en désaccord avec le fait d’emprisonner les usagers de cannabis.

 

Enfin, les opinions sur les politiques publiques montrent une évolution: entre 2008 et 2013, l’opinion favorable à la régulation croît et, en parallèle, l’opinion est plus flottante quant à l’idée de mettre en vente libre le cannabis, comme le tabac et l’alcool (figure 5).

 

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Figure 5. Évolution de l’opinion des Français sur les politiques publiques en matière de cannabis depuis 1999


En Europe, selon l’Eurobaromètre, un consensus très fort se dégage pour l’interdiction de l’héroïne, de la cocaïne et de l’ecstasy: 90% des jeunes Européens de 15 à 24 ans partagent cette idée. Mais s’agissant du cannabis, entre 2011 et 2014, les opinions sont partagées entre la régulation et l’interdit, la tendance étant à l’augmentation des opinions favorables à la régulation (de 34 à 45%). En Roumanie, plus de 80% des jeunes considèrent que le cannabis devrait être interdit ; en Italie et République tchèque, 71% sont favorables à la régulation, la France se situant tout près de la moyenne européenne, avec une faible majorité en faveur de l’interdiction (45%).

 

Par François Beck, OFDT

 

 

Source: vih.org



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