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Drogues : les Français mieux informés et plus ouverts


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Pour la cinquième fois en vingt ans, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies analyse la perception des drogues et des politiques publiques les concernant.

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Une personne roule un joint à Paris le 29 avril 2017, durant la Marche mondiale du cannabis. Photo Alain Jocard. AFP

 

Comment a évolué notre perception des drogues en cinq ans ? Via son Enquête sur les représentations, opinions et perceptions sur les psychotropes (Eropp), l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) permet d’observer la structuration des opinions et leur évolution par rapport aux drogues licites et illicites. Cinquième focus depuis 1999, cette enquête (réalisée sur un échantillon de 2 001 individus âgés de 18 à 75 ans) révèle à la fois une hausse du niveau d’information des Français sur les drogues en général mais aussi un plébiscite pour le cannabis thérapeutique.

Premier constat : si le tabac et l’alcool ne sont pas considérés par une majorité de personnes interrogées comme des drogues, les Français sont nettement plus au fait des dommages sanitaires liés à ces consommations. Deux tiers considèrent que l’abus d’alcool pose plus de problèmes à la société que la consommation de drogues illicites. Plus de la moitié pensent de même à propos du tabagisme. Au cours des vingt dernières années, la dangerosité de ces deux substances licites s’est accrue chez les individus sondés. Une personne sur deux estime que l’expérimentation ou la consommation occasionnelle de tabac constituent déjà des usages dommageables pour la santé, contre 22% en 1999, année de la première enquête.

«Le bon sens humain»

La vision du cannabis, elle aussi, a grandement évolué. Produit illicite le plus consommé en France, le cannabis reste la première substance spontanément citée comme «drogue» par les répondants. Mais ils sont désormais moins nombreux à considérer qu’une première fumette est un danger (48% contre 54% en 1999). Surtout, pour la première fois, l’adhésion à l’usage médical du cannabis est massive : 91% des sondés soutiennent le principe de prescription du cannabis par les médecins dans le cadre de certaines maladies graves ou chroniques. William Lowenstein, président de SOS addiction et addictologue, s’est dit «agréablement frappé par l’extraordinaire majorité de Français qui soutiennent le cannabis thérapeutique. Cela prouve que contrairement aux années précédentes, les Français sondés entendent plus l’occurrence "thérapeutique" que "cannabis" dans le cannabis thérapeutique. Il ne reste plus qu’à nos politiques et à l’ANSM [Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, ndlr] en juin prochain à aller dans le sens de cette grande majorité».

 

En décembre, le comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) réuni par l’ANSM avait en effet estimé «qu’il était pertinent d’autoriser l’usage du cannabis à visée thérapeutique pour les patients dans certaines situations cliniques et en cas de soulagement insuffisant ou d’une mauvaise tolérance des thérapeutiques, médicamenteuses ou non, accessibles». Les conclusions de l’ANSM sont attendues pour le mois de juin. Environ 40% des individus consultés soutiennent également l’idée qu’il faudrait permettre à ceux qui le veulent de cultiver de petites quantités de cannabis pour leur consommation personnelle. «Lorsqu’on sait que l’autoculture encadrée ou régulée est un des moyens pour ne plus s’approvisionner auprès de mafia sans frontière, on peut dire que cette perception est une bonne nouvelle. C’est comme si le bon sens humain l’avait finalement emporté, après un demi-siècle de prohibition contre-productive», ajoute le président de SOS Addiction.

«Changement net»

Au moment de l’enquête, réalisée à l’automne, le Canada venait tout juste de légaliser la production et la vente de cannabis. La France de son côté complétait la législation existante avec l’extension de l’amende forfaitaire pour les fumeurs de joint. Selon Stanislas Spilka, responsable du pôle Enquêtes et analyses statistiques à l’OFDT et rédacteur de l’enquête Eropp, «le cannabis se positionne de manière complètement différente par rapport aux autres drogues. C’est un changement net qu’il faut mettre en regard avec sa diffusion dans l’ensemble de la population. Les dernières grandes enquêtes ont montré qu’il ne s’agissait plus d’un phénomène générationnel ni un marqueur de la jeunesse».

 

Pour Fabrice Olivet, directeur de l’Autosupport des usagers de drogues (Asud), «cette tolérance française à l’égard du cannabis est liée aux changements qu’il peut y avoir à l’international». Ce dernier regrette que le problème de la perception des substances par rapport à l’économie souterraine et à leur vente n’ait pas été abordé dans l’enquête : «Si l’approche avait intégré les questions sociétales telles que l’économie, la criminalité et les banlieues, ou une question autour du cannabis comme conséquence sur la relation entre la jeunesse et la police, peut être que les résultats auraient été différents.» Et ajoute même que «cette tolérance à l’égard du cannabis va de pair avec la grande stigmatisation de la consommation d’héroïne et de cocaïne qui augmente

Dangereux pour leur entourage

En hausse dans leur consommation sur le territoire national, l’héroïne et la cocaïne sont jugées très dangereuses dès le premier usage. Plus de huit personnes sur dix déclarent être tout à fait ou plutôt d’accord avec le fait que ceux qui consomment de l’héroïne sont dangereux pour leur entourage. Même constat pour la cocaïne. Cela n’empêche pas quelque 98% des sondés à souhaiter que l’on parle ouvertement des drogues et de leurs effets avec les jeunes en vue d’en diminuer les risques. En outre,  82% des sondés considèrent comme positif qu’il existe aujourd’hui des trousses avec des seringues stériles et du matériel d’injection à la disposition des usagers de drogues afin de limiter les risques d’infection et de transmission de maladies. Pour William Lowenstein, cette proportion montre bien que «le principe de santé l’emporte sur une morale qui a longtemps été immorale en termes de protection sanitaire».

En préambule du sondage, il était demandé aux personnes interrogées de se positionner sur leurs motifs de préoccupations pour la société française. Elles se sont déclarées davantage soucieuses des problèmes économiques, environnementaux ou sociaux. Le thème de la drogue n’est ainsi cité que par une personne sur huit.

 
Charles Delouche

 

Source: liberation.fr

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