Luxembourg - Casse-tête juridique pour légaliser le cannabis récréatif


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La légalisation de l’usage récréatif du cannabis contrevient à plusieurs traités internationaux. Un obstacle à franchir pour le gouvernement qui a promis un projet de loi à l’automne.

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Le Luxembourg sera le troisième pays au monde à légaliser totalement l’usage récréatif du cannabis après l’Uruguay et le Canada. (Photo : Shutterstock)

Déjà évoquée dans l’accord de coalition en 2013, la légalisation du cannabis à usage récréatif semble désormais sur les rails, le projet de loi de la coalition étant prévu pour l’automne, comme l’annonçaient Étienne Schneider et Félix Braz , ministre de la Santé et ministre de la Justice, à l’issue de leur  visite d’étude au Canada au mois de mai .

Un principe qui continue toutefois d’interpeller l’opposition. Le député CSV  Claude Wiseler  a ainsi rédigé une question parlementaire soulignant la contradiction entre les projets du gouvernement et l’adhésion du Luxembourg aux trois grandes conventions internationales de l’Onu sur le contrôle des stupéfiants. Une contradiction qui pourrait amener le Grand-Duché à faire l’objet de sanctions de la part de l’Organe international de contrôle des stupéfiants chargé de surveiller l’application de ces traités.

Des contacts ont également été pris avec le Canada et avec les organisations compétentes au sein du système des Nations unies à Vienne et à Genève, compte tenu notamment des questions qui se posent en termes de droit international.

Étienne Schneider, Jean Asselborn et Félix Braz,  ministres de la Santé, des Affaires étrangères et européennes et de la Justice

Dans une réponse laconique, les ministres de la Santé, des Affaires étrangères et européennes et de la Justice évoquent des «discussions interministérielles» au sujet de la compatibilité entre la légalisation du cannabis récréatif et les engagements internationaux du Luxembourg.

«Des contacts ont également été pris au niveau bilatéral, avec le Canada par exemple, et au niveau multilatéral avec les organisations compétentes au sein du système des Nations unies à Vienne et à Genève, compte tenu notamment des questions qui se posent en termes de droit international», indiquent les ministres.

Déjà légalisé dans deux pays et huit États américains

Trois traités des Nations unies régissent les engagements des États en matière de stupéfiants: la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, la Convention sur les substances psychotropes de 1971 et la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988. 185 pays ont signé ces conventions dont l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) surveille l’application.

Ce dernier voit logiquement d’un mauvais œil la tendance actuelle à l’assouplissement de la prohibition du cannabis à usage récréatif. Dépénalisé dans 30 pays, en majorité sud-américains et européens, cet usage a été complètement légalisé par l’Uruguay en 2013, puis par plusieurs États et villes des États-Unis entre 2014 et 2018 (le Colorado et Washington en 2014, Washington DC, l’Oregon et l’Alaska en 2015, le Maine en 2016, le Nevada en 2017 et la Californie en 2018) et enfin par le Canada l’an dernier. Ce qui représente 109,8 millions de personnes dans le monde, en attendant la Nouvelle-Zélande qui compte organiser un référendum sur la question en 2020.

De retour du Canada au printemps, Étienne Schneider et Félix Braz avaient insisté sur la philosophie de la légalisation à la luxembourgeoise. «Il ne s’agit en aucun cas de faire de la promotion pour la consommation de cannabis, mais au contraire, de protéger et d’assurer la santé et la sécurité des citoyens et des jeunes en particulier», assuraient-ils. «Un accent fort sera ainsi mis sur la prévention, l’éducation et la prise en charge de l’addiction, financées en partie par les recettes fiscales générées par la vente de cannabis.»

Les agences de l’Onu en contradiction

Le cannabis à usage thérapeutique a par ailleurs été légalisé dans 24 pays – dont le Luxembourg – et partiellement dans 13 autres. Dans son rapport annuel de 2018 , l’OICS épingle toutefois ce concept. «Dans le cadre des programmes de cannabis médical mis en place au Canada et peut-être dans quelques autres États, ainsi que dans certains États des États-Unis, l’usage médical des cannabinoïdes n’est pas réglementé de façon satisfaisante», estime l’OICS. «Ces programmes ne sont pas conformes aux traités internationaux relatifs au contrôle des drogues, dans la mesure où ils ne permettent pas un contrôle adéquat de la production et de l’offre. Ils ne permettent pas de garantir la délivrance sous surveillance médicale de médicaments de qualité, et ils rendent possible le détournement du cannabis et de ses dérivés à des fins non médicales.»

Une position qui va à l’encontre de deux prises de position marquantes au premier semestre 2019: l’Organisation mondiale de la santé a demandé la reclassification du cannabis dans les traités internationaux dans une catégorie moins restrictive, et le Parlement européen a adopté une  résolution sur l’utilisation du cannabis à des fins médicales  intimant à la Commission et aux États membres de s’accorder sur une définition précise des différents usages du cannabis et de soutenir la recherche concernant les médicaments à base de cannabis.

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Source: paperjam.lu

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