Le cannabis thérapeutique: Une note de précaution


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Le nom du docteur Grinspoon est connu des fumeurs de cannabis surtout pour la variété nommée après lui, mais il est avant tout un militant respecté. Le Dr Lester Grinspoon est Professeur émérite associé en psychiatrie à la Faculté de médecine de Harvard. L'article proposé ici est une note de précaution qu'il a écrit pour mettre en garde les patients ainsi que le corps médical devant l'engouement suscité par les dernières découvertes scientifiques sur le cannabis. Il nous faut être prudent avant de pouvoir utiliser les propriétés médicinales du cannabis en parfaite connaissance de cause (et des effets bien entendu). Je trouvait utile d'avoir ce genre d'information à disposition dès lors qu'on cherche à s'informer sur les vertus médicinales du cannabis donc je le poste ici.

 

En vous souhaitant une bonne lecture!

 

 

Aujourd´hui l´un des partisans les plus respectés et honnêtes en faveur du cannabis, le Dr Grinspoon s´était à l´origine attaché à démontrer qu´il s´agissait d´une drogue nocive. En 1967, ses recherches se sont d´abord concentrées sur la démonstration scientifique des dangers de la marijuana. Ses études l'ont mené à une étonnante conclusion, à l´opposé de son hypothèse. Le cannabis n´était pas la drogue dangereuse qu´il imaginait, à l´instar du grand public.

Son livre « Marijuana Reconsidered » (1971) reflétait son renversement d´opinion et a été suivi de plusieurs autres livres, notamment « Marijuana: The Forbidden Medicine » (Marijuana – Médecine interdite) en 1993.

 

 

 

Medical Marijuana: A note of caution (titre original)

« Primum non nocere »

 

Au même titre que toutes les autres personnes qui ont travaillé pendant des dizaines d’années pour faire en sorte que la marijuana, avec tout ce qu’elle a à offrir, puisse obtenir le droit d’occuper la place qui lui revient légitimement dans nos vies respectives, j’ai été très encouragé par la rapidité avec laquelle elle semble être de plus en plus perçue comme étant un médicament polyvalent ne présentant aucun danger pour la santé. En plus d’offrir du réconfort à un très grand nombre de patients souffrant de multiples symptômes et syndromes (pour des coûts et un taux de toxicité inférieurs aux médicaments conventionnels auxquels elle offre une alternative), la marijuana permet à ces patients, à leurs proche ainsi qu’au personnel soignant de voir de leurs propres yeux que l’emploi de cette drogue est à la fois sans danger et très bénéfique. La campagne de « dédiabolisation » a été rude mais je pense que maintenant l’idée d’une marijuana médicale est acceptée sur un plan général (sauf par le gouvernement américain). L’évidence qui étaye ce statut de médicament relève, contrairement à pratiquement tous les autres médicaments modernes, de l’anecdote. Depuis le milieu des années 60, les médicaments nouveaux sont officiellement approuvés par des études avec répartition aléatoire. La même procédure aurait été suivie si la marijuana n’avait pas été placée aux États-Unis dans la Catégorie 1 de la Loi régissant les substances contrôlées (« Controlled Substances Act ») datant de 1970 et qui a rendu impossible la mise en place des études nécessaires pour qu’elle soit reconnue par l’Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA). L’évidence de nature anecdotique suscite de nos jours moins d’intérêt, quand bien même à l’origine d’une grande partie de notre savoir concernant les médicaments artificiels et les dérivés de plantes. Des expériences réalisées sous contrôle n’ont pas été nécessaires pour reconnaître le potentiel thérapeutique de l’hydrate de chloral, des barbituriques, de l’aspirine, du curare, de l’insuline ou de la pénicilline. Un bon nombre d’exemples plus récents mettant en exergue la valeur de l’évidence anecdotique pourrait encore être cité… C’est par le biais de l’anecdote que l’emploi du propanol pour l’angine et l’hypertension, du diazepam pour l’état de mal épileptique (état de crises constantes) et de l’imipramine pour l’énurésie de l’enfant (« pipi au lit ») ont été mis à jour alors que ces médicaments avaient été à l’origine approuvés officiellement pour le traitement de maux différents.

 

Aujourd’hui, la recommandation, émise ou non par un médecin, de recours à la marijuana médicale pour traiter un signe avant-coureur ou le symptôme d’une maladie se base presque totalement sur l’évidence v. Considérons par exemple le cas d’un patient, dont le diagnostic de la maladie de Crohn a été confirmé, qui souffre de crampes sévères, de diarrhée et de perte de poids et dont les symptômes ne sont pas soulagés par un traitement conventionnel (ou même après intervention chirurgicale). Son médecin, familiarisé avec le cannabis et les évidences anecdotiques qui démontrent l’utilité de la plante pour le traitement du syndrome, n’hésiterait sûrement pas à lui conseiller d’essayer la marijuana. Il dirait peut-être : « Écoutez, je ne suis pas certain que cela puisse vous aider mais il a été démontré à différentes reprises que la marijuana a été très bénéfique dans le traitement de ce trouble, et si vous l’employez correctement, cela n’aura aucune répercussion négative. Je vous conseille d’essayer et si ça marche « tant mieux ! » — sinon, cela n’aura aucune influence sur votre santé. » Si le patient suit ce conseil et en tire bénéfice, il relayera l’information à son médecin et expliquera que la drogue a éliminé les symptômes et qu’il reprend du poids, ou alors, que ça n’a pas marché mais qu’il ne perçoit aucune différence, positive ou négative, par rapport à la période précédant l’essai de traitement à la marijuana. Ce type d’échange entre patient et médecin n’est pas hors du commun, surtout dans les états où la marijuana est prescrite comme médicament. Parce que l’emploi du cannabis en tant que médicament est anodin par rapport à la plupart des autres médicaments avec lesquels il se trouve en compétition, les médecins qui se sont correctement informés sont moins hésitants à recommander l’essai de ce type de traitement.

 

L’un des problèmes rencontrés pour la reconnaissance d’un médicament dans le seul contexte anecdotique, particulièrement dans le cas d’une substance dont le profile de toxicité est moins élevé que celui présent dans les médicaments vendus en pharmacie, consiste dans le risque de le vendre de manière excessive. Pour ne citer qu’un exemple, la marijuana est recommandée pour le soulagement de douleurs diverses, certaines d’entre elles n’étant pas réceptives à ses propriétés analgésiques. Néanmoins, dans ce cas particulier, un essai raté de traitement par la marijuana ne pose pas de problème sérieux et le patient et le praticien peuvent pour le moins conclure que l’analgésique à la toxicité la plus faible n’a pas d’effet sur un patient présentant ce type de douleur. Malheureusement, ce genre d’essai ne se révèle pas toujours inoffensif.

 

Dans l’édition de janvier du magazine High Times, Steve Hager publie l’article intitulé « L’huile de chanvre, le médicament de Rick Simpson » dans lequel il chante les louanges des vertus thérapeutiques anti-cancer d’une forme concentrée de marijuana développée par un Canadien et baptisée « huile de chanvre ». Malheureusement, l’évidence anecdotique sur laquelle la capacité de guérir le cancer se base reste peu concluante et pose de ce fait un problème éthique sérieux.

 

Simpson, qui n’a suivi aucun enseignement médical ni scientifique (il a arrêté sa scolarité après le collège), ne demande apparemment pas que la personne désireuse de bénéficier de son traitement ait reçu un diagnostic officiel ou présente un type de cancer particulier, généralement confirmé par une biopsie, des tests de dépistage et des examens histopathologiques, des preuves cliniques et radiologiques fournies par un laboratoire. Manifestement, il assume que ses « patients » lui disent la vérité. Par ailleurs, après avoir soumis les personnes à son traitement d’« huile de chanvre », aucun suivi clinique ou en laboratoire n’est effectué ; il accepte tout simplement l’idée émise par le patient que ce dernier a été guéri. D’après Hager, son traitement atteint un taux de réussite de 70 %. Mais 70 % de quoi au juste ? Toutes les personnes qu’il a traitées à l’aide de ce médicament à l’huile de chanvre ont-elles obtenu la preuve médicale et suffisamment documentée qu’elles souffrent véritablement d’un cancer ou traite-t-il les symptômes, voire une constellation de symptômes, que lui ou le patient a conclu être la preuve de l’existence d’un cancer ? Et quelle est la nature et la durée du suivi qui lui permettent de conclure qu’il a obtenu 70 % de guérison avec son traitement ? De plus, ce groupe de « patients atteints du cancer » englobe-t-il les personnes ayant déjà suivi des traitements thérapeutiques réputés concluants dans la guérison de certaines formes de cancer ou qui permettent, parfois pendant de longues périodes, d’en tenir à distance beaucoup d’autres ?

 

Il y a des patients qui présentent de solides diagnostics de cancer au stade présymptomatique (comme dans le cas d’un cancer de la prostate en phase initiale) mais qui, pour une raison ou une autre, évitent le traitement allopathique et cherchent désespérément d’autres approches. C’est ce type de patients qui est également avide de croire que le nouveau traitement, comme dans le cas du médicament à l’huile de chanvre, est responsable de la guérison de leur cancer. Malheureusement, ce cancer qui était asymptomatique au moment de sa découverte, deviendra au final symptomatique et la possibilité d’une guérison s’en trouve alors considérablement réduite, voire irréalisable.

 

C’est la leçon que j’ai retirée lorsque l’institut américain de recherche sur le cancer me demanda au début de ma carrière médicale, alors que je me penchais sur la recherche dans ce domaine, de participer à une enquête concernant un citoyen du Texas qui prétendait que son grand-père avait découvert une herbe qui guérissait le cancer. Je réussis à retrouver deux femmes qui présentaient des diagnostics confirmés de cancer cervical au stade premier (asymptomatique), qui avaient décidé, au lieu de recourir à la chirurgie, de se rendre au Texas et de prendre le « médicament » en question. Lorsque je les revis quelques mois après qu’elles eurent reçu leur « traitement », elles étaient persuadées de ne plus souffrir du cancer. Je réussis à les persuader, après de nombreux efforts, de laisser notre service de chirurgie procéder à deux nouvelles biopsies ; chacune d’entre elles révéla alors un développement du processus pathologique par rapport aux biopsies d’origine. Les deux femmes furent alors convaincues de la nécessité de subir l’intervention chirurgicale qu’elles craignaient tant, et il va sans dire que c’est cette procédure qui les sauva.

 

Il ne fait aujourd’hui aucun doute que le cannabis joue un rôle important (mais non curatif) dans le traitement de cette maladie car il est très souvent bénéfique pour les personnes qui souffrent de nausées, d’anorexie, de dépression, d’anxiété, de douleurs diverses et d’insomnie. Néanmoins, et même si les études portant sur les animaux démontrent de plus en plus qu’il peut réduire la taille des tumeurs et avoir des effets salutaires dans certains cancers, il reste encore à prouver qu’il guérit effectivement le cancer, et ce, quelle qu’en soit sa forme.

 

Je pense que le jour viendra où la preuve sera faite que les dérivés des cannabinoïdes renferment des vertus curatives permettant la guérison du cancer, mais en attendant, nous devons rester vigilants quant aux promesses faites à ces patients.

 

Source: SensiSeeds Blog

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