Drogues: l'intolérable complicité des prohibitionnistes


Messages recommandés

De Marseille à Paris et ses banlieues, en passant par Grenoble, les quartiers populaires ressemblent de plus en plus au Chicago des années 1920 alors que régnait en maître le crime organisé.
 
1566283_3_9147_ill-1566283-e4c5-103mcove
 

L’État nord-américain avait alors choisi d’interdire la production, la vente et la consommation d’alcool. Tout comme la Nature, le monde des affaire déteste le vide. C’est donc la diaspora mafieuse venue d’Europe qui s’en chargea, tandis que les pays frontaliers non prohibitionnistes servaient très souvent de bases arrière à ces réseaux. L’on évoque peu souvent le rôle de certaines des colonies françaises comme St Pierre et Miquelon qui servit, durant toute cette époque, de plaque tournante à ce juteux buisiness.

De cette époque, les autorités politiques étasuniennes n’auront finalement retenu que peu de chose. Après avoir finalement renoncé à interdire l’alcool et repris le marché en main, c’est à un autre phénomène de société encore peu développé qu’elles choisirent de s’attaquer en décidant d’interdire certaines substances dont la plus emblématique désormais, le chanvre/cannabis.

Après avoir largement contribué à l’expansion mafieuse dans tout le pays, voici que l’État fédéral nord-américain offrait sur un plateau à ces mêmes réseaux, une nouvelle filière, de nouveaux débouchés pour accroître leurs profits et leur emprise sur la société. Bientôt appliquée par la plupart des pays occidentaux, la prohibition et ses conséquences désastreuses n’ont pas tardé à s’étendre au monde entier. Ça ne seront plus désormais des villes, des régions qui tomberont sous l’emprise de cartels criminels, mais des pays entiers avec parfois l’aval et la complicité des États les plus engagés dans la lutte contre la drogue.

De curieuses relations virent le jour entre les USA et l’Asie, mais aussi avec certains pays d’Amérique latine, certaines dictatures. En de nombreux fronts contrerévolutionnaires, le trafic d’héroïne et de cocaïne servit à financer les coups tordus des services secrets, largement démontrés depuis par les dossiers de la CIA rendus publics.

La France s’illustra, elle, dans la formidable tolérance qu’elle manifesta – et semble toujours manifester – à l’égard de « son ami le roi », le maître du Maroc dont la production de haschisch alimente depuis toujours le marché noir. Et de couvrir cette opportune absence en pointant du doigt la politique éclairée de certains de nos voisins européens en matière de drogues, et particulièrement les Pays-Bas.

 

Chacun se souvient ainsi des déclarations à l’emporte-pièce de M. Jacques Chirac à leur encontre, oubliant cependant les nombreux voyages qu’il fit au royaume chérifien, ou les tout aussi nombreuses réceptions de son bon roi en France.

Moins d’un demi-siècle de prohibition en France aura donc suffi à rendre certains quartiers populaires de nos banlieues aussi corrompues que le Chicago des années 1920. Des endroits où les habitant(e)s, après s’être senti(e)s abandonné(e)s, se sentent désormais en insécurité.

 

Délaissée par les services sociaux, en proie à un chômage galopant et surtout victime d’une stigmatisation des populations d’origine immigrée, leur jeunesse survit depuis longtemps des ressources que lui procurent différents trafics, dont celui des drogues et particulièrement du cannabis. Pour ce dernier, sans doute faut-il y voir une raison culturelle dans la mesure où son usage est répandu parmi une grande partie de la population originaire du Maghreb. Rien d’étonnant donc.

Mais en laissant à des réseaux criminels le soins de se charger de ce négoce, l’État a pris l’énorme risque de laisser aussi s’y développer d’autres réseaux peut-être bien plus dangereux encore. Car malgré leurs prêches vertueux, les radicaux religieux ou politiques ne se sont jamais privés de pratiquer toute sorte de trafics pour financer leurs activités. Les drogues n’y échappent pas.

Une sorte de chape de silence s’est abattue sur ces quartiers. Nos responsables politiques semblent préférer ignorer les faits. Feindre de ne pas voir qu’en certains endroits, les habitudes ont changé. Qu’il est devenu impossible aux jeunes filles d’observer les mœurs libérales que nous connaissons. Petit à petit, des barbus se sont infiltrés, répondant à l’absence de considération de notre société à l’égard de ces jeunes, par un message pseudo-religieux et crypto-autoritaire.

Nous n’avons donc pas fini de découvrir les inconséquences de la prohibition des drogues. Et ses adorateurs, les croisés de la guerre à la drogue qui continuent d’occuper les plateaux, de répandre leur dangereux dogme dans les médias, sans que personne n’ose leur opposer les arguments de bon sens qui s’imposent. Nul besoin de diplômes ou d’études supérieures pour comprendre et admettre l’intenable position des partisans de la prohibition qui, tout en prétendant vouloir débarrasser nos sociétés du « fléau de LA drogue », ont depuis toujours renoncé à en réguler les filières et par conséquent laissé à « Mafia sans frontière », le soin de s’en occuper.

Cette attitude fait d’eux les complices de ce qu’ils dénoncent et prétendent combattre. Les alliés objectifs de réseaux qui se perpétuent ne serait-ce que par l’absence de règles.

La prohibition n’est pas le stade ultime de la régulation mais bien un renoncement à réguler. La légalisation représente, elle, une volonté de contrôler et de limiter les risques encourus par les usagers, ainsi que ceux qu’un marché dérégulé fait courir à nos sociétés.

Devant cette évidence, on ne peut que s’interroger sur le fait que ces « vertueux prohibitionnistes » ne soient pas systématiquement dénoncés et ostracisés de par leurs positions ambigües. Sans doute devront-ils un jour répondre de leurs propos et de leurs actes.

 

Par KShoo

mediapart.jpg

 



Ce message a été promu en article
  • Like 5
Lien à poster
Partager sur d’autres sites