Cannabis légal : pourquoi New York octroie des licences à d'anciens condamnés


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La création d'une industrie légale du cannabis à New York s'accompagne d'une innovation sociale : favoriser ceux qui ont été condamnés pour détention de drogue - en grande majorité des minorités raciales.

 

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Jeremy Rivera est sorti de prison en 2018 après une condamnation pour détention de drogue, et il est désormais consultant dans le secteur de la construction. Les deux lignes de son CV lui seront peut-être utiles très bientôt : pour décrocher ces prochains mois une licence de vendeur de marijuana dans l'Etat de New York, il faut « avoir été condamné pour un délit lié à la marijuana » et « avoir détenu et exploité une entreprise rentable pendant au moins deux ans ».

Faire d'une condamnation en justice un bonus est défendu par l'Etat de New York comme une forme de réparation sociale. A New York comme dans le reste du pays, les Afro-Américains et les Hispaniques ont été historiquement surreprésentés dans les arrestations pour possession de cannabis, alors que la consommation de cette drogue est loin d'être aussi racialement marquée.

Compensation

« La logique, c'est que les Noirs sont exclus de la croissance économique du cannabis après avoir été incarcérés pour cette raison pendant si longtemps », note Rashawn Ray, professeur de sociologie à l'université du Maryland. « Il reste à voir quel sera l'impact de cette mesure. Ce n'est pas suffisant, mais c'est un début. Il est important de s'attaquer simultanément à l'incarcération de masse et aux inégalités économiques. »

D'autres initiatives de « justice sociale » ont été lancées. A Evanston, près de Chicago (Illinois), ce sont aussi les recettes issues du cannabis qui doivent financer des réparations pour les Afro-Américains victimes de la politique du logement dans les années 1960. A New York, l'ex-maire Bill de Blasio a créé avant son départ une Commission sur la justice raciale, qui fera l'objet d'un référendum lors des élections de novembre. A l'échelle nationale, des quotas réservent aussi depuis des années une part des contrats publics aux entreprises détenues par des minorités raciales (« Disadvantaged Business Enterprise »).

Dans un pays qui cultive les statistiques ethniques et mesure donc avec précision les situations comparées en fonction de l'origine, la question des conséquences de l'esclavage sur l'évolution socio-économique des Afro-Américains est toujours vive. « Je suis sceptique quant à l'attribution du label 'réparations' à tout programme local ou parcellaire, quel que soit son mode de financement », juge William Darity, professeur de politique publique à l'université Duke et partisan de mesures de réparations beaucoup plus larges.

Depuis plus de trente ans, un projet de loi - HR-40 - est sur la table au Congrès pour étudier un système de compensation, ses partisans rappelant notamment les dédommagements consentis aux Japonais internés aux Etats-Unis après l'attaque de Pearl Harbor en 1941. Il n'a toutefois pour l'instant jamais passé le seuil décisif du Sénat.

Véronique Le Billon (Bureau de New York)

 

Source : Les Echos

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