La pénalisation de la consommation de drogue s’est-elle avérée efficace ?

Par Invité ,

 

Par Liliane Maury Pasquier, Conseillère nationale - 15 décembre 2006

 

L'article 19a, al. 1, de la loi sur les stupéfiants prescrit depuis de nombreuses années que «celui qui aura consommé intentionnellement des stupéfiants (…) est passible des arrêts ou de l'amende». Cette pénalisation de la consommation de stupéfiants s'est-elle avérée efficace?

 

Source : tdg.ch

En pénalisant la consommation de certaines substances alors que d'autres sont considérées avec une certaine bienveillance, mène-t-on une politique cohérente? Manifestement non, si on pense que les Chambres fédérales ont accepté de dépénaliser l'absinthe et, le même jour, refusé d'entrer en matière sur une révision de la loi sur les stupéfiants qui intégrait la question du cannabis ou encore d'augmenter les taxes sur la bière dont la consommation excessive cause pourtant des dégâts importants chez les jeunes, du fait de son bas prix qui la rend très accessible.

 

Pour tenter de sortir de ces incohérences contre-productives, le groupe socialiste du parlement fédéral a élaboré un papier de réflexion sur la politique de la drogue qui devrait servir de base à un large débat pour une politique cohérente de la dépendance, centrée sur les effets négatifs des comportements addictifs.

 

Les spécialistes s'accordent à reconnaître que, plus que la substance elle-même, c'est le type de consommation qui devrait être au cœur du débat. En effet, une substance peut très bien être consommée de manière peu ou pas dangereuse - les médecins recommandent même de boire un verre de vin en mangeant - ou de manière problématique - par exemple quand on boit plus qu'un verre avant de prendre le volant - voire en devenant dépendant, c'est-à-dire en perdant le contrôle de sa propre consommation. Dès que la substance consommée ou le comportement problématique deviennent addictifs, la personne se laisse entraîner vers une véritable descente aux enfers: désinsertion sociale et professionnelle, pertes d'emploi voire de logement, déchéance et marginalisation.

 

Or, ce n'est pas en traitant les substances potentiellement addictives de manière incohérente - en banalisant certaines alors que d'autres sont diabolisées - que l'on pourra lutter efficacement contre la dépendance et ses dégâts.

 

Bien sûr, les personnes qui consomment de l'héroïne mettent leur santé et leur vie en danger. Mais c'est quand elles deviennent dépendantes de ce produit que le danger est le plus grand, pour elles évidemment mais aussi pour la société, du fait du besoin toujours plus impératif de se procurer l'héroïne par n'importe quel moyen, le plus souvent dans l'illégalité. Est-ce en pénalisant ces personnes pour leur consommation, au risque de les rendre plus vulnérables face à des dealers sans scrupule, que l'on combattra efficacement ce fléau? N'est-ce pas plutôt en s'attaquant aux réseaux criminels organisés qui font des profits faramineux sur leur dos?

 

De même, alors que la consommation d'alcool en Suisse entraîne des coûts plus de 6 milliards de francs par an, alors que l'on peut observer les souffrances des personnes alcooliques et de leurs proches, il ne viendrait à l'idée de personne de prôner l'interdiction de la consommation d'alcool, les politiques de prohibition ayant déjà prouvé leur inefficacité. Mais est-ce en faisant de la publicité pour l'alcool que l'on combattra efficacement ce fléau? N'est-ce pas plutôt en augmentant les taxes sur les boissons les plus prisées des jeunes, comme on l'a fait récemment avec succès avec les alcopops, que l'on atteindra les objectifs essentiels en santé publique?

 

Le groupe socialiste souhaite que la Suisse se donne les moyens de mettre en œuvre les quatre piliers qui ont fondé la politique de la drogue ces dernières années et qui doivent être élargis dans une optique de politique de la dépendance. Il convient de développer la prévention pour toutes les substances susceptibles d'entraîner une dépendance, en particulier chez les jeunes, en leur offrant la possibilité de recourir à l'aide de professionnels compétents dans les moments les plus à risque (conflits familiaux, ruptures amoureuses, échecs scolaires ou professionnels). Il ne faut pas abandonner les différents programmes mis sur pied sous le terme d'«aide à la survie» et qui ont réellement permis de sauver des vies. Il ne faut pas couper les vivres, en ces temps d'austérité budgétaire, aux différentes institutions qui offrent des programmes de thérapie et de réinsertion qui constituent le plus souvent la seule perspective de sortir d'une vie de galère. Il faut enfin mener une politique de répression envers tous ceux qui amassent des fortunes sur le dos des personnes dépendantes.

 

La répression doit particulièrement porter sur les réseaux internationaux du crime organisé, ne serait-ce que pour protéger les consommateurs de produits frelatés donc encore plus dangereux. Nous ne voulons pas, comme cela a été faussement écrit, dépénaliser les drogues, nous voulons les rendre moins accessibles mais venir en aide à toutes les personnes qui souffrent de dépendance à un produit ou à un comportement, quels qu'ils soient.

 


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