Kouchner dit oui à la légalisation du cannabis

Kouchner dit oui à la légalisation du cannabis
Par Baron Vert ,

 

L'ancien ministre de la Santé et des Affaires étrangères, partisan d'une approche pragmatique dans la lutte contre la toxicomanie

REUTERS/Alessandro Bianchi

Dans un livre, l'ancien ministre et quatre autres spécialistes prennent position au nom de la réduction des risques.

Il s'y sont mis à cinq. Cinq experts du sujet, avec Bernard Kouchner comme tête d'affiche, réunis sur le papier afin d'apporter leur tribut aux débats toujours aussi vif autour de la légalisation du cannabis. Ces cinq-là sont clairement pour : aux côtés de l'ex-ministre et cofondateur de Médecins sans frontière et de Médecins du Monde, les addictologues William Lowenstein, Jean-Pierre Daulouède, Bertrand Leibovici, ainsi que le cardiologue et ancien président de Médecins du Monde, Patrick Aeberhard. La petite bande - ils se connaissent tous très bien - raconte dans Toxic (Odile Jacob) son long combat pour une meilleure prise en charge des toxicomanes. Des toxicomanes qui, dans l'esprit de la loi de 1970 - inchangée à ce jour - ont longtemps été considérés comme des délinquants et soumis à l'injonction de se sevrer.  

Il aura fallu des décennies, et l'investissement passionné de ces cinq médecins aux côtés d'autres professionnels "engagés", pour que la France adopte une conception moins moralisatrice et plus pragmatique du problème : puisque la drogue est un fléau dont on ne parvient à se défaire ni à coups de grands principes ni au moyen de législations prohibitionnistes, autant prévenir et limiter ses effets létaux en traitant les consommateurs comme des malades dignes de soin. "Nous pensions qu'il fallait avant tout [les] aider à rester en vie, écrit Bernard Kouchner et ses confrères. A échapper au sida, aux hépatites, aux overdoses."  

 

des-plants-de-cannabis-dans-une-maison-p

Des plants de Cannabis dans une maison près de Tours, le 4 janvier 2013

afp.com/ALAIN JOCARD

 

Si cette stratégie de réduction des risques a fini par s'imposer après bien des résistances, c'est en effet en raison de l'épidémie du VIH, notamment, qui a conduit la ministre de la Santé Michèle Barzach, membre d'un gouvernement de droite (Jacques Chirac) à autoriser la vente libre de seringues dans les pharmacies, en 1987. Il s'agissait de limiter au plus vite les contaminations du virus entre toxicomanes. La méthadone, traitement de substitution aux opiacés - l'héroïne et ses dérivés - a été autorisée en 1995. "Pour les autres drogues, il n'y a pas d'autre solution que le sevrage et les traitements psychothérapeutiques", rappellent les auteurs.  

Une régulation protectrice

Près de 80% des usagers d'opiacés reçoivent aujourd'hui un traitement. Avec 343 overdoses en 2015, pour 2500 au Royaume-Uni et plus de 1000 en Allemagne, d'après l'Agence nationale de sécurité du médicament, la France "fait donc mieux que ses voisins", se félicitent les cinq compères. Lesquels alertent, néanmoins, sur le fléau des overdoses aux opioïdes - des molécules contenues dans l'opium, présentes entres autres dans la morphine et la codéine, elles-mêmes à la base de médicaments anti-douleurs auxquels les patients deviennent accros.  

 

C'est toujours en vertu de leur logique de "réduction des risques" que Bernard Kouchner, William Lowenstein et leurs trois autres co-auteurs en appellent à une légalisation du cannabis, tout en prenant soin de préciser qu'ils ne font la promotion d'aucune drogue. Leur argument est connu : le cannabis étant de plus en plus répandu chez les jeunes, et consommé par 3,5 millions de Français à l'échelle du pays, la politique actuelle de prohibition aboutit à une impasse. Il serait plus utile, estiment-ils, de mettre en place un système de régulation permettant de protéger les plus faibles, dont les ados. Le gouvernement n'est pas sourd à toute évolution : il a annoncé l'instauration d'une contravention - le consommateur pris en flagrant délit écoperait d'une amende de 300 euros -, mais pour les auteurs de Toxic, cette mesure n'est qu'un pis-aller, inefficace, de surcroît.  

Selon eux, seule la légalisation permettrait d'encadrer la production, la vente et la consommation, comme pour le tabac et l'alcool. Le trafic - estimé à un million d'euros annuel par l'Insee - s'en trouverait lourdement entravé, et la qualité des substances consommées, enfin contrôlée. Dans un monde parfait, la drogue n'existe pas. Dans le nôtre, elle résiste à la prohibition et fait des ravages. On peut vouloir masquer cette réalité parce qu'elle effraie. Mais elle n'en demeure pas moins la réalité. Que l'on opte ou non pour la légalisation, il est grand temps de mettre tous les arguments sur la table. Le livre de Bernard Kouchner et ses confrères incite à le faire. 

 

 

source : https://www.lexpress.fr/actualite/kouchner-dit-oui-a-la-legalisation-du-cannabis_2013589.html


  Signaler Article


Retour utilisateur


Il n’y a aucun commentaire à afficher.



Invité
Cet élément ne peut plus recevoir de commentaires supplémentaires.