En Amérique Latine, l'Uruguay est un pays qui innove. Divorce, droit de vote des femmes et maintenant... légalisation du cannabis. Une mesure qui pourrait faire évoluer les mentalités en Amérique, mais également en Europe. De quoi inspirer la France?
Sur le papier, les intentions de l'Uruguay et de son président José Mujica en matière de légalisation du cannabis, semblent réalistes et pourraient même être applicables dans d'autres pays. Dans les faits, il est encore trop tôt pour émmètre un jugement, puisque si les députés ont validé cette mesure, la décision du Sénat est encore attendue.
Les principaux contours de cette loi sont toutefois déjà connus. Une fois inscrits dans un registre sous contrôle de l'Etat, les consommateurs uruguayens pourront acheter jusqu'à 40 grammes de marijuana par mois qu'ils pourront se procurer en pharmacie spécialisée.
Ces citoyens pourront également faire pousser eux-même de "l'herbe"à titre privé. C'est ce pan du texte de loi qui suscite le plus d'inquiétudes.
Le premier objectif de cette mesure reste d'endiguer le trafic de drogue dans le pays. Et surtout, permettre à l'État d'en prendre le contrôle. Parce que cette loi représente une manne financière estimée entre 30 et 40 millions de dollars (l'Uruguay compte trois millions d'habitants), qui pourraient être immédiatement réinvestis dans la lutte contre l'addiction des drogues.
Néanmoins, le président uruguayen concède qu'en cas d'échec, il sera prêt à faire marche arrière sur le projet. Mais il croit, et veut faire évoluer les mentalités sur le sujet. José Mujica considère d'ailleurs que l'Uruguay fera office de laboratoire-test à échelle mondiale.
France: entre malaise et hypocrisie
François Hollande a été clair pendant la campagne présidentielle de 2012: la légalisation du cannabis est inenvisageable sous son mandat.
Ainsi, en juin 2012, Cécile Duflot, ministre EELV, en charge du Logement, rallumait la polémique sur le sujet lors de la matinale de RMC. À l'époque favorable à la dépénalisation du cannabis, elle avait provoqué un tollé général à droite et la colère du président de la République.
La France connait quelques avancées sur le sujet, même si les avis restent mitigés (63% des Français contre la dépénalisation). En juin dernier, presque un an jour pour jour après la déclaration de Cécile Duflot, le cannabis thérapeutique a fait son entrée dans les pharmacies.
Mais les Français restent sceptiques. Pourtant, un sondage en date de juin 2011 montre qu'une majorité de Français sont pour la légalisation du cannabis. Plus exactement 71% d'entre eux selon un sondage effectué par Mingle Trend.
Sur les 71% de français favorables à la légalisation, 10% sont pour une légalisation sans contrôles pour tous les usages, 34% seulement s'il y a des contrôles actifs, 27% uniquement si l'usage du cannabis est réservé aux cas thérapeutiques.
Des chiffres surprenants quand on sait qu'entre 60 et 70% des Français sont opposés à la dépénalisation.
Des enjeux politiques?
François Hollande affaibli par les manifestations sur le mariage pour tous, sa cote de popularité au plus bas, prendrait un risque important en changeant de position sur le sujet. Avec le chômage et la dette publique, le cannabis n'apparait pas comme une priorité politique de premier plan. Et pourtant...
En 2007, Christian Ben Lakhdar, de l'Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies, estimait à 832 millions d'euros les gains du trafic de cannabis. Un chiffre appuyé plus récemment par Libération. Plus édifiant encore, la pénalisation coûterait 919 millions d'euros à l'État par an. En dépénalisant, 420 millions d'euros pourraient être économisés. En légalisant purement et simplement le cannabis, 832 millions d'euros seraient injectés dans l'économie légale de l'État. Pour relancer l'emploi?
>>L'étude complète de Christian Ben Lakhdar disponible ici
En savoir plus sur https://www.lexpress....E6XdHhrDZyhe.99
Par Samuel Botton
Photo REUTERS/Jorge Duenes
source L'Express