La justice tente d'enrayer le commerce de graines de chanvre

Par Invité ,

«Au début, on vendait le matériel pour cultiver le cannabis. Les jeunes allaient en Hollande pour les graines, fumaient et revenaient en voiture. C'était dangereux... Alors je l'ai fait pour eux», confiait, il y a quelques semaines, Jean-Charles Petit-Jean, président de Baracanna, association antiprohibitionniste rennaise. «C'est de la réduction des risques : l'autoproduction en alternative à la rue.» Mais la douane s'en mêla : «Quand ils ont vu les graines, je leur ai expliqué qu'elles étaient légales... Et je suis reparti avec.»

 

Source: LiberationJeu d'enfant. Fort de ce sauf-conduit, Baracanna a développé l'activité. Jusqu'à ouvrir, en février, un site web dédié au commerce des semences. Paiement par chèque, livraison sous quinze jours. Une première en France. Mais ce qui devait arriver arriva : suite à la dénonciation d'un jeune cannabiculteur, Jean-Charles a été mis en examen lundi 5 juillet pour «importation» et «cession» de stupéfiants (des graines) ainsi que pour «incitation» et «facilitation de l'usage». Il a été placé sous contrôle judiciaire, comme le trésorier et les quatre salariés de l'association. En juin, trois growshops (1) bretons avaient déjà été fermés pour les mêmes motifs. Le parquet explique cette action soudaine par le fait que «le chiffre d'affaires de l'association était devenu trop important» : 150 000 euros l'année dernière. Pour Jean-Charles c'est clair, «ils veulent notre peau».

 

Les autorités françaises réagissent en ordre dispersé, multiplient arrestations et procès pour tenter d'enrayer un commerce en plein essor : la vente de graines de cannabis. Depuis deux ans, s'en procurer est un jeu d'enfant. Sur le Net, les sites néerlandais livrent désormais en France. Mais ces derniers ne peuvent «garantir que la douane ne confisquera pas la commande». De plus en plus de cannabiculteurs vont donc sur les sites anglais ou espagnols, dont les colis sont plus discrets.

 

En France, à la différence de Jean-Charles, quelques-uns des 200 growshops recensés exploitent une faille pour contourner la loi. Officiellement, ils vendent des «graines à oiseaux», friands de chanvre. Mais, au prix où elles sont vendues (de 1 à 10 euros pièce), ces graines-là s'assimileraient à du dopage pour canaris ! Ces espèces, si elles venaient à germer, produiraient du très bon cannabis. Mais, sur les paquets, il est «interdit de faire germer». «Si un client le fait, c'est lui qui enfreint la loi.» Pour les commerçants, ces graines sont soumises aux seules règles sur l'alimentation animale. Donc, c'est légal. A l'exportateur néerlandais de garantir la conformité avec le droit européen. «Et on paie la TVA.»

 

Certificats. «Il y a une faille, admet un professionnel du chanvre industriel. Les graines pour oiseaux peuvent être importées librement... si elles sont vendues mélangées à d'autres graines.» Les boutiques vendent donc depuis juin des mélanges de chanvre, tournesol, millet... Canaris ou pas, pour la police, ce commerce est illicite. Idem à la direction des douanes : «Pour pouvoir importer des graines de chanvre, il faut un certificat. Sinon, la marchandise n'est pas autorisée.» Sur le terrain, des policiers rendent pourtant ces graines à leurs propriétaires. Quant aux certificats, l'organisme qui les délivre clôt le débat : «Nous n'avons jamais reçu la moindre demande.» Dans les animaleries, on vend des graines de chanvre importées sans certificat. Ce «chanvre-là» n'est soumis à aucune règle. Et sans traçabilité, rien ne distingue les graines à oiseaux des «dopants pour canaris». Pour pouvoir les différencier, il faudrait que la plante fleurisse.

 

Raccourci. La Cour de cassation a donc pris un raccourci : «Par deux fois, elle a appliqué la prohibition édictée pour le cannabis, dès lors que les graines contiennent du THC [principe actif]», explique Yann Bisiou, coauteur du Droit de la drogue. Or, il n'y a pas de THC dans les graines. Bisiou conclut que seule «la culture de stupéfiants, même pour un seul plant, est un acte de trafic assimilable à de la production». Risque : jusqu'à vingt ans de prison et 7,5 millions d'euros d'amende.

 

Auteur: Arnaud AUBRON

 

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