"Je travaille de façon 100% légale" : un producteur de cannabis thérapeutique du Vaucluse réclame une loi

"Je travaille de façon 100% légale" : un producteur de cannabis thérapeutique du Vaucluse réclame une loi
Par Canna meric ,

"Je travaille de façon 100% légale" : un producteur de cannabis thérapeutique du Vaucluse réclame une loi

De plus en plus de magasins français vendent du CBD, une molécule extraite de la plante de chanvre et qui aurait des vertus thérapeutiques. Dans le Vaucluse, où nous nous sommes rendus, Yohan déplore le vide juridique qui entoure sa production.

 

 

Au pied du massif du Luberon, sous un soleil de plomb, deux amis de Yohan sont venus lui donner un coup de main. Ce vendredi 1er juin, dans sa ferme du Vaucluse, cet agriculteur de 39 ans ne sait plus où donner de la tête. Quand il parle du succès grandissant des produits à base de cannabidiol, plus connu sous le nom de CBD, ce producteur de chanvre est soudain ému. "On l'avait rêvé", lâche-t-il, le sourire jusqu'aux oreilles.

Un aboutissement pour cet ancien Parisien, ex-commercial dans de grandes entreprises, qui a effectué son "retour à la nature" il y a quatre ans, en reprenant les terres familliales. Mais il déplore aussi le flou qui encadre sa production, que beaucoup confondent encore avec le THC, la substance psychotrope également contenue dans le cannabis.

Si la consommation du CBD n'est pas interdite, aucun cadre légal ne précise les conditions de son utilisation. Une situation "intenable", selon plusieurs producteurs de chanvre interrogés par franceinfo. Mais depuis que la ministre de la Santé Agnès Buzyn s'est exprimée en faveur de recherches sur le sujet, l'espoir de voir une évolution à moyen terme renaît. D'autant que l'opinion publique semble favorable à une évolution de la loi sur le sujet. Selon une étude* révelée par franceinfo, 82% des sondés seraient favorables à une régulation du cannabis afin de permettre un "usage médical encadré".

 

"J'ai retrouvé le sommeil"

Si Yohan refuse de révéler les chiffres de ventes de son site internet, il affirme avoir du mal à faire face à la demande. Son amie Jade, atteinte de spondylarthrite ankylosante, une maladie douloureuse des articulations, est venue lui rendre visite pour acheter une fiole d'huile de CBD, à 39 euros les 20 ml.

Le cannabidiol aurait des propriétés anti-inflammatoires et des effets antidépresseurs, selon des "preuves préliminaires" d'études "très sérieuses", rapporte L'Express"Les médicaments que je prenais contre la douleur n'étaient pas satisfaisants, affirme Jade. Lorsque j'ai commencé à prendre du CBD, j'ai retrouvé le sommeil et une vie sociale presque normale". 

 

Des plants de chanvre en période de floraison poussent sur la parcelle de Yohan, un producteur d\'huiles de CBD et de fibres de chanvre, dans le Vaucluse, pendant l\'été 2017.

Des plants de chanvre en période de floraison poussent sur la parcelle de Yohan, un producteur d'huiles de CBD et de fibres de chanvre, dans le Vaucluse, pendant l'été 2017. (Canebounes / Franceinfo)

 

Yohan hoche la tête. "C'est aussi pour eux que je fais ça, ajoute l'agriculteur. J'ai de la compassion pour les gens". L'ancien commercial déplore le vide juridique autour de la molécule, qui empêche selon lui les médecins de profiter du CBD pour "soigner les gens". Il espère que des cliniques pourront prochainement "se spécialiser autour du cannabis". 

 

Le nom botanique du chanvre est Cannabis sativa L, d'où la confusion qui existe parfois entre la plante aux effets psychoactifs, habituellement appelée "cannabis", et la production de chanvre industriel, qui est utilisé dans le bâtiment, le textile, etc.

Il s'agit de variétés différentes de la même plante. La loi française interdit la culture et l'utilisation industrielle de cannabis à fort taux de THC, considéré comme stupéfiant. La "culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale" de la plante sont autorisées, à condition que le taux de THC, une molécule psychotrope, soit inférieur à 0,2%, précise l'arrêté du 22 août 1990.

 

"On travaille avec les gendarmes"

Autre condition édictée par le texte : seule l'exploitation des fibres et des graines est autorisée, ce qui pose problème pour l'extraction du CBD. Les fleurs contiennent plus de molécules actives que la tige et les graines. Yohan, lui, l'assure : "Je travaille de façon 100% légale", précisant même qu'il "travaille avec les gendarmes". "On veut travailler la plante légalement dans son intégralité", ajoute-t-il. Pour ce qui est des fleurs, il élude : "On ne va pas les jeter".

D'autres producteurs ont eu plus de mal à s'entendre avec les gendarmes. En février dernier, deux tonnes d'huile de CBD étaient saisies dans les Alpes-de-Haute-Provence. Dans une autre exploitation du sud-est de la France, deux propriétaires d'une exploitation de chanvre ont vu leur production saisie et ont été placés en garde à vue pour fabrication illicite de stupéfiants en bande organisée.

La justice leur reproche d'avoir dépassé le taux légal. Si la procédure est toujours en cours, un employé contacté par franceinfo affirme avoir vécu "un traumatisme" lorsqu'il est emmené "pour la première fois de sa vie" à la gendarmerie, en décembre 2017. "Ils nous ont reproché de produire des plants avec un taux supérieur à 0,2% et de vendre des fleurs", rapporte-t-il à franceinfo.

 

Briser la barrière psychologique

Pour briser la barrière psychologique que constitue encore le travail du cannabis, qui peut traîner une image liée de près ou de loin à la drogue, les associations veulent surtout informer. Pour ces organisations, le succès du CBD prouve que les idées évoluent de jour en jour, surtout dans les régions où le cannabis thérapeutique apparaît comme une aubaine économique. Le 23 mai dernier, l'association NormL organisait une réunion publique à Guéret, dans la Creuse. L'événement a fait salle comble.

Leurs efforts semblent porter ses fruits. A l'Assemblée, de plus en plus de parlementaires s'intéressent à la question. Le député du Vaucluse Jean-Claude Bouchet, "pas spécialiste de la question", affirme à franceinfo être en train de rédiger "une question écrite" au gouvernement sur le sujet. "On est entre deux univers, déplore-t-il. A la fois on peut commercialiser le CBD et, d'un autre côté, ce n'est pas considéré comme un médicament. Il faut donc alouer des moyens de recherche pour évoluer sur la question".

Yohan envisage quant à lui de s'associer avec d'autres producteurs et de convaincre des amis agriculteurs de se lancer dans la production de chanvre, "qui fait tout mieux que les autres plantes", répète-t-il, en bon commercial.

 

Source : francetvinfo.fr

 

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