Quand le cannabis fait le buzz sur les marchés financiers

Quand le cannabis fait le buzz sur les marchés financiers
Par Frett ,

A Toronto et même à Wall Street, les « pot stocks » poussent comme des mauvaises herbes. C’est que le cannabis n’est désormais plus un investissement « honteux ». Pour les leaders du tabac et de l’alcool, il est même un potentiel futur relais de croissance.

 

Le 17 octobre 2018, le Canada devient le premier pays du G20 à légaliser le cannabis. Ce matin-là, il y fait un froid de canard. Peu importe, dès l’aurore, ils sont des milliers dehors, déjà euphoriques, à braver la météo, pour être les premiers à s’acheter « quelques grammes » dans une des toutes nouvelles boutiques d’Etat.

Mais la marijuana légale ne réjouit pas que ses consommateurs : les investisseurs, en quête de diversification de leurs placements et, plus récemment, les grands groupes producteurs des drogues légales les plus populaires de la planète – cigarettiers et fabricants de spiritueux – voient, eux aussi, dans la fleur de cannabis le potentiel d’un avenir « paisible ».

A la Bourse de Toronto, à Wall Street aussi, les « pot stocks », surnom donné à ces start-up actives sur le segment, poussent d’ailleurs comme des mauvaises herbes (on en compte une petite centaine). Et surperforment généralement le marché, résultante de cette nouvelle ruée vers l’or vert. Un mini krach a même déjà été observé !

De AB InBev à Malboro

Preuve qu’il n’y a plus de « politiquement incorrect qui compte » : quelques géants, tous à l’origine producteurs de marijuana médicale et donc fournisseurs des entreprises pharmaceutiques, commencent à émerger sous l’effet de lourdes prises de participation. L’actuel leader mondial ? Canopy Growth, qui possède des filiales éparpillées un peu partout sur le globe (dont Spectrum, lire ci-contre). Quinze ans d’existence à peine… Et près de 13 milliards d’euros de capitalisation ! En 2007, une action de l’entreprise canadienne valait 9,1 dollars canadiens (6 euros). Aujourd’hui, le titre cote autour de 55 dollars (36,6 euros). Quant à son actionnaire principal (Constellation Brand), il vient d’injecter 3,6 milliards d’euros dans son poulain, portant sa participation à 37 %. Ce nom ne vous évoque peut-être pas grand-chose mais l’Américain est le distributeur de la bière Corona et du troisième producteur de vin sur ses terres.

 

Altria, qui possède la marque Malboro, a préféré miser sur la société Cronos, elle aussi canadienne. Tandis que Coca-Cola serait en discussion avec Aurora (numéro deux en terme de valorisation boursière). ABInbev a misé sur Tilray via une injection de 100 millions d’euros pour lancer des boissons infusées au cannabis. Tilray qui peut aussi compter sur Novartis. Et ainsi de suite.

Les Etats-Unis, le véritable enjeu

Le futur du business – entendez par là sa taille critique – dépendra pourtant de l’évolution de plusieurs paramètres. D’abord, la propension des pays à légaliser. Si le Canada a aiguisé les appétits, le vrai enjeu est aujourd’hui les Etats-Unis, premier consommateur mondial. Dix états y permettent déjà la consommation pour usage récréatif (bien plus lucrative que la vente pour usage médical), mais au niveau fédéral, le cannabis n’a pas été dépénalisé et sa consommation comme sa production restent donc techniquement une infraction. Ensuite, le glissement de l’intérêt des consommateurs. Il n’est pas innocent que les leaders mondiaux de l’alcool et du tabac investissent dans la plante verte : ces entreprises sont positionnées sur des marchés à risque. Mais si la drogue douce est un potentiel relais de croissance, elle est encore loin de supplanter les deux premières catégories

 

La Belgique prête à autoriser la production

X.C.

Si Spectrum a choisi Odense pour installer sa première usine européenne, c’est avant tout parce que le cadre légal danois permet à une usine de cannabis de s’installer librement. Elle a « juste » besoin de l’accord des autorités sanitaires avant de commercialiser son produit.

Ce modèle semble inspirer la ministre belge de la Santé, Maggie De Block, qui veut rendre légalement possible la culture du cannabis à des fins médicales et de recherche dans notre pays. « Cela devrait se faire sous la supervision stricte de l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé », détaille le cabinet De Block. « Ainsi, les entreprises belges qui souhaitent mener des recherches et/ou produire des médicaments sous licence avec du cannabis n’auraient plus besoin d’importer leur matière première. De plus, nous serons en mesure d’exporter nous-mêmes la matière première stable vers d’autres pays ».

La Convention des Nations Unies impose à chaque pays souhaitant cultiver du cannabis de disposer d’une Agence spécifique. Or un projet de loi permettant la création de cette agence a été approuvé en février 2019 par le Parlement belge. Les choses pourraient donc évoluer rapidement, dans ce dossier. L’entreprise limbourgeoise (Rendocan) a déjà fait part de sa volonté de produire 5 tonnes de cannabis thérapeutique par an à Kinrooi, à quelques pas de la frontière hollandaise

 

24.000 m² de culture de cannabis en plein coeur de l’Europe

Mis en ligne le 26/04/2019 à 18:39

Par Xavier Counasse

 

On y cultivait des tomates, sous serre. On y cultivera désormais de l’herbe. Plusieurs tonnes par an, pour l’exporter dans les pays européens qui en autorisent l’usage médical.

Le Danemark a lancé une expérience pilote de quatre ans, depuis janvier 2018, pour autoriser l’usage d’herbe sur prescription médicale.
Le Danemark a lancé une expérience pilote de quatre ans, depuis janvier 2018, pour autoriser l’usage d’herbe sur prescription médicale. - DR.

Depuis Odense (Danemark)

De prime abord, ça ressemble à une serre. Une serre des plus banales, comme il en existe des dizaines dans la région d’Odense, troisième ville danoise spécialisée dans la culture en pépinière. Mais une fois la porte franchie, on se rend compte immédiatement que l’endroit est bien plus original qu’il n’y paraît. D’abord parce que toutes les portes sont ultra-sécurisées. On n’entre pas ici comme dans un moulin. Puis parce qu’il faut se protéger, des pieds à la tête, pour avoir le droit de pénétrer dans l’antre. Enfin, l’odeur qui monte au nez ne laisse aucun doute : ici, c’est le temple du cannabis. Dix serres. 24.000 m².

Mais – surprise- pas la moindre trace de marijuana dans la première serre. Ni dans la seconde. « Nous sommes toujours en phase de test, car nous n’avons pas encore reçu l’autorisation de l’autorité sanitaire danoise pour lancer la production », explique Lisbeth Kattenhøj, directrice commerciale de Spectrum Cannabis Denmark, la société propriétaire du site. Dans un couloir, un tas de poubelles dégagent un puissant fumet. « Tout le cannabis produit lors de ces tests doit être détruit. Il y en a pour un paquet d’argent, là-dedans », déplore René, notre guide du jour, en regardant ces poubelles.

La société Spectrum, filiale du leader mondial Canopy Growth, s’est spécialisée dans la production et la commercialisation de cannabis à usage médical. Ça tombe bien, le Danemark a lancé une expérience pilote de quatre ans, depuis janvier 2018, pour autoriser l’usage d’herbe sur prescription médicale. Spectrum a donc décidé d’établir son premier site européen en terre danoise. Ils ont racheté des serres où l’on cultivait des tomates, pour les transformer en une culture de cannabis. Vu l’aspect thérapeutique, il y a en effet des standards de qualité à respecter avant de pouvoir mettre le premier gramme d’herbe sur le marché. Et ce sont les autorités danoises qui ont le pouvoir de certifier que la chaîne de production respecte bien ces standards médicaux. « On espère obtenir le feu vert d’ici la fin de l’année », dixit Lisbeth. Pour l’instant, la firme a déjà investi plus de 25 millions d’euros, sans dégager le moindre centime de recettes.

Au sein du coffre-fort

Dans la dernière serre, des plantes de différentes tailles. « Ici, c’est un peu comme le coffre-fort de la banque », sourit Lisbeth. Devant nous, les 18 types de plantes-mères. Chacune produit un cannabis différent. Elles sont chouchoutées, pour les faire se reproduire un maximum. Les jeunes pousses sont ensuite empotées, et démarrent leur parcours du combattant. Les deux/trois premières semaines, elles réclament un maximum de lumière. Jusqu’à 23 heures par jour. Si la lumière du jour n’est pas suffisante, un éclairage artificiel – qui consomme bonbon- prend le relais. La ventilation, l’arrosage, la lumière : tout est réglé automatiquement, pour que les conditions soient optimales au développement de l’or vert. Et le résultat est convaincant. « Ça pousse comme des mauvaises herbes », plaisante René. Plusieurs centimètres par jour !

Après deux/trois semaines, via un système de plateaux sur roulettes, les plantes passent à la serre suivante. Là, elles sont exposées 12 heures consécutives à la lumière, puis plongées dans le noir les 12 heures suivantes (les serres sont équipées de rideaux). Et, à chaque étape de croissance, elles filent vers la zone suivante.

Actuellement, 50 personnes travaillent dans la filiale danoise. « On compte doubler nos effectifs d’ici la fin de l’année », renchérit Lisbeth. Dans les allées, des « growers » (cultivateurs) circulent. Ils doivent vérifier que chaque plante se porte bien. Car si l’une d’entre elles est malade, toute la production est détruite. « Il faut marcher 2,2 kilomètres pour contrôler les allées d’une seule serre », reprend René. Soit plus de 22 kilomètres de marche pour faire le tour des dix. Il est temps d’avoir de bonnes jambes…

Après avoir été bichonnées 15-16 semaines, les fleurs séchées sont prêtes pour la récolte. Tout se fait à la main. On tire entre 50 et 85 grammes de cannabis par pied. A ce stade, Spectrum refuse de livrer ses projections de production. Mais on parle de plusieurs tonnes par an.

7,4 millions de patients potentiels

L’herbe produite à Odense servira à alimenter le marché danois. Spectrum ne peut en effet par y importer sa production canadienne. « Les Danois refusent l’utilisation de pesticides dans la chaîne de production, alors que le Canada en autorise certains », explique Lisbeth. C’est l’une des raisons qui a poussé notre société à choisir le Danemark pour y installer sa première usine européenne. « Les autorités sanitaires danoises sont réputées pour leur exigence. Une fois l’autorisation danoise obtenue, 95 % de la production pourra être exportée dans les pays d’Europe qui autorisent le cannabis à usage médical, comme l’Allemagne, la Pologne ou la République Tchèque ». Et Spectrum est convaincu que cette liste ne va faire que s’allonger, dans les prochaines années. Car la tendance est clairement à la légalisation… « Selon nos statistiques canadiennes, où le cannabis médical est légal depuis 2001, environ 1 % de la population en consomme. Si on transpose ce chiffre à la population européenne, cela fait un potentiel de 7,4 millions de patients », analyse la directrice danoise.

Autres raisons qui ont dicté le choix du Danemark : le faible taux de criminalité de la région (une production de cannabis peut en effet attirer des personnes mal intentionnées) ; ainsi que la grande stabilité du réseau électrique. On ne craint pas de pénurie un hiver sur deux, ici. Ce qui rassure Spectrum, dont les lampes artificielles consomment un paquet de courant (la société ne nous a pas fourni de chiffre).

Reste à convaincre les médecins locaux de prescrire de l’herbe à leur patient, pour pouvoir écouler le futur stock. Dans un pays où la publicité pour ce type de produit est totalement interdite.

 

Source: plus.lesoir.be

 

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