Comment les trottinettes électriques contribuent à la légalisation du cannabis

Comment les trottinettes électriques contribuent à la légalisation du cannabis
Par mrpolo ,

[Tribune] Et si les Lime, Bird et autres Bolt aidaient à légaliser les Haze, Kush et autres Skunk?

 

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La Prévention routière réclame une formation pour les plus jeunes, qui pourrait être un module à ajouter au brevet de sécurité routière (BSR). | Marek Rucinski via Unsplash

 

L'ubérisation de la mobilité douce est en pleine explosion. Mais si le vélo en libre-service ne posait pas de problème outre mesure, 98% des Français adultes sachant faire du vélo et sa pratique répondant au code de la route, il n'en est pas de même pour la dernière arrivée: la trottinette électrique.

Est-elle tout d'abord autorisée? Il semblerait que le législateur n'ait pas pensé à elle lors de la rédaction des différents codes. Considérée comme un équipement de déplacement personnel (EDP) à assistance électrique, elle:

 

  • Est interdite de circulation sur la voie publique. Le code de la route n'autorise la circulation qu'aux véhicules définis à l'article R311-1. Or les EDP ne figurent pas dans la nomenclature du code. La trottinette électrique ne serait reléguée qu'aux espaces privés et aux espaces publics autres que ceux de la voirie.

 

  • N'est pas pas considérée comme un piéton, et donc interdite de circulation sur les trottoirs, l'article R 412-34 du code de la route recensant de manière explicite ce qui peut être assimilé à un piéton. La directive européenne 2002/24/CE du 18 mars 2002, relative aux véhicules à moteur à deux ou trois roues sous-entend néanmoins que les engins «conduits par des piétons» ne dépassant pas une vitesse maximale par construction de 6 km/h pouvaient être assimilables à des piétons, restreinte par une question ministérielle en 2010 qui la limitait aux cas des personnes à mobilité réduite.

 

Le développement des trottinettes électriques se fait donc hors cadre juridique et uniquement sous la pression des applis de trottinettes. Comme souvent, le marché devance la loi.

 

Des risques quotidiens

Autre facteur à charge: la dangerosité de la trottinette. Lancée à 30 km/h parmi la circulation automobile, parfois sur le trottoir au milieu des passants, sans protections appropriées et sans carrosserie, le conducteur de trottinette est à la merci des autres usagers de la route.

 

Malheureusement, le premier mort a été annoncé le 11 juin dernier. Un refus de priorité et un camion n'ont jamais font bon ménage, même à faible vitesse, et surtout sans carrosserie. Une personne âgée est aussi décédée à Levallois-Perret, fauchée par une trottinette électrique. Le conducteur de l'engin sera jugé pour homicide involontaire. On a aussi pu voir une pianiste de l'Opéra de Paris renversée et ne pas savoir si elle pourra rejouer ou une trottinette se bloquer seule.

 

En réponse à ces accidents, qui font partie des risques quotidiens de la route, la Prévention routière réclame une formation pour les plus jeunes, qui pourrait être un module à ajouter au brevet de sécurité routière (BSR). Et la Mairie de Paris a demandé aux fabricants de limiter la vitesse des trottinettes à 20 km/h.

Dans la foulée, le gouvernement a annoncé préparer un décret pour prendre en compte ces engins et définir leur usage sur la voie publique. Il se calquera sur les règles applicables aux cyclistes, avec quelques spécificités (circulation interdite sur la chaussée hors agglomération, par exemple).

 

À l'arrivée d'un nouveau véhicule, avec un cadre juridique incertain et une demande existante malgré la potentielle dangerosité de l'activité, le gouvernement a donc décidé de créer un cadre régulatoire pour les trottinettes électriques.

Quel rapport avec le cannabis? Il est pourtant assez limpide. Le cannabis est potentiellement dangereux, largement démocratisé, avec un marché existant, comme la trottinette électrique.

Le cannabis, toujours interdit

Le cannabis est aujourd'hui expérimenté par dix-sept millions de Français, consommé chaque année par cinq millions et quotidiennement par près d'un million.

La consommation de cannabis n'est pas sans risque, mais moins dangereuse que celle de l'alcool ou de la cigarette, deux produits légaux. La surconsommation de cannabis n'est pas létale, contrairement à l'alcool, et les conséquences d'une consommation saine sont moindres pour une personne adulte.

Selon les estimations qui circulent, le cannabis est cultivé par quelque 200.000 Français et en fait vivre autant, pour un chiffre d'affaires de plus d'un milliard d'euros par an.

 

Malgré cette pénétration dans la société, le cannabis est toujours interdit. Ses consommateurs risquent un an de prison et 3.750 d'euros d'amende, en plus d'une récente amende de 200 euros en cas d'infraction à l'usage simple sur la voie publique, alors que ses autocultivateurs risquent vingt ans de prison et 7,5 millions d'euros d'amende.

 

Comment comprendre alors qu'on réglemente une activité dangereuse et potentiellement mortelle comme la trottinette électrique, et qu'on continue à interdire le cannabis, laissé de fait entre les mains du marché noir, qui en récolte tous les bénéfices sans souci pour la sécurité ou la santé publique?

Comment expliquer encore une fois ce deux poids, deux mesures?

Le think tank Terra Nova avait procédé à une réflexion similaire il y a quelques années, en proposant une légalisation contrôlée du cannabis sur le modèle de la régulation des jeux en lignes, là aussi un marché contesté, émergent et présentant un risque d'abus.

 

Et plus encore, repensez aux magasins de CBD à l'été 2018. Ceux-là mêmes qui vendaient de la fleur de chanvre à moins de 0,2% de THC, extrêmement loin des doses stupéfiantes du cannabis dit «de rue», mais chargées en cannabidiol (CBD), l'une des molécules apaisantes du cannabis. Ceux-là mêmes qui se basent sur une directive européenne qui autorise l'utilisation de toutes les parties du chanvre et sur la loi française qui ne restreint pas la présence de THC dans le produit fini tant qu'elle est sous les 0,2%.

 

Face à ce «cannabis light», la réaction a tenu en deux mots: prohibition et perquisitions. Perquisitions pour des fleurs de chanvre, mais aussi pour de simples produits au CBD. Les entrepreneurs les plus chanceux n'ont fait que de la garde à vue, là où certains ont pris des peines de prison ferme.

Comment expliquer encore une fois ce deux poids, deux mesures? Certainement pas par des arguments rationnels.

Mais si l'on peut légaliser les trottinettes électriques, on doit aussi pouvoir légaliser le cannabis.

 

Aurélien Bernard

 

Source: slate.fr


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