La légalisation, une « urgence sociale » ?

Par Invité ,

En France, depuis plus de quarante ans, la question de la dépénalisation des drogues douces reste taboue. Les rares partis ayant osé aborder le sujet se sont vus accuser de laxisme, quand ce n’est pas d’irréalisme. Aujourd’hui, pourtant, le débat ressurgit sous un angle nouveau : celui de la lutte contre l’insécurité…L’échec de la politique répressive

 

 

Malgré la très restrictive loi de 1970, la France est l’un des pays européens au plus fort taux de consommation de cannabis. L’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies estime à 4 millions le nombre d’usagers, dont 1,2 millions d’usagers réguliers et 550 000 usagers quotidiens. Une consommation bien plus répandue qu’aux Pays-Bas ou au Portugal, qui en ont pourtant dépénalisé l’usage : le dernier bulletin de l’European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction estime que 21,7% des Français âgés de 15 à 24 ans sont concernés, contre 11,4% aux Pays-Bas et 6,6 % au Portugal.

 

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En mai dernier, un rapport publié par la fondation Terra Nova constatait l’échec de « quarante ans d’inflation répressive de la part de gouvernements de gauche comme de droite ». Face à un taux de consommation en augmentation constante, cette étude met l’accent sur le coût que cet appareil répressif fait peser sur la collectivité : en moyenne, le coût d’une interpellation serait de 3300 euros, pour un montant annuel qui avoisinerait les 3 milliards d’euros. Or, entre 2002 et 2008, les « peines pour usage ont doublé alors que, dans le même temps, les condamnations pour trafic ont baissé ».

 

En bref, si la police sanctionne de plus en plus de fumeurs occasionnels, elle peine à remonter aux sources de ce trafic. La politique « du chiffre » actuellement en vigueur se révèle inutile et contre-productive, comme le conclut le rapport Reuter réalisé à la demande de la Commission Européenne : « la lutte anti-drogue a [eu] pour effet de renforcer la corruption et la grande criminalité, et de multiplier les risques sanitaires, parfois mortels, pour les consommateurs ».

 

Et pourtant la classe politique française semble comme tétanisée lorsqu’il s’agit d’évoquer la question de la dépénalisation. Dès qu’un mouvement politique souhaite s’emparer du sujet, il est décrédibilisé et taxé d’irresponsabilité. Les Verts, à ce titre exemplaires, ont longtemps prêché dans le désert pour imposer un débat public. En vain…

 

Prince Vaillant

 

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Il aura fallu attendre que Daniel Vaillant aborde la légalisation du cannabis comme une solution à la recrudescence des trafics pour que cette question revienne sur le devant de la scène. Associer la dépénalisation à la lutte contre l’insécurité, il est l’un des premiers à y avoir pensé, déclarant dernièrement que « la police a mieux à faire que de courir après la fumette ». Compte tenu de son passé Place Beauvau, il semblait difficile de faire passer l’ancien Ministre de Lionel Jospin pour un doux utopiste…

 

Sous l’impulsion de cette approche nouvelle, l’idée d’une dépénalisation se fraie timidement un chemin au sein du camp socialiste. Un groupe de travail parlementaire a même été ouvert dans le but de pouvoir réfléchir sereinement à cette question. Le député socialiste Dominique Raimbourg sans vouloir « anticiper sur les conclusions du rapport » pense que le groupe se « prononcera certainement en faveur de la dépénalisation… ». Daniel Vaillant continue d’espérer que ces travaux pourront déboucher sur une « proposition assumée par le PS dans l’hypothèse d’un contrat de gouvernement en 2012 ».

 

Dans le même temps, Manuel Valls, représentant de la ligne la plus hostile à la dépénalisation des drogues douces au sein du PS, confiait qu’il restait favorable à « l’ouverture d’un débat public » sur le sujet, ce qu’avait déjà proposé Ségolène Royal lors des dernières élections présidentielles.

 

 

La dépénalisation, une « urgence sociale » ?

 

 

Sous la pression de ses élus locaux, Europe Écologie s’est également emparé de la question, dont il compte faire l’un de ses thèmes de campagne en vue des élections de 2012. Dans la droite ligne de Daniel Vaillant, les écolos abordent désormais le sujet de manière décomplexée, puisqu’ils le font sous l’angle de la lutte contre l’insécurité.

 

A Nantes, lors des Universités d’été de son mouvement, Daniel Cohn-Bendit a martelé qu’il « ne suffira pas de réinstaller la police de proximité pour régler les problèmes d’insécurité ». Et de citer la « dépénalisation » comme un moyen « d’assécher les économies souterraines ».

 

Pour Stéphane Gatignon, maire de Sevran et conseiller régional d’Europe Ecologie, en première ligne sur ce front depuis de nombreuses années, la question de la dépénalisation est centrale dans la résolution des problèmes d’insécurité. Confronté aux réalités du terrain, il explique que « les trafiquants assurent le contrôle social dans les quartiers, et les petits délinquants d’hier côtoient désormais le grand banditisme (…) Les trafics de stups et d’armes sont totalement poreux, ce qui fait que les gens s’arment très rapidement. Dans ma ville, nous avons récemment trouvé un lance-roquette… »

 

Il explique qu’il n’y aura « pas de résultats concrets tant que nous ne nous attaquerons pas aux problèmes des drogues douces. C’est un problème de santé publique et de sécurité globale ». Face à cette mainmise des dealers, le rôle de l’État est de « refaire société au sein des quartiers, (…) créer un monde parallèle à celui du trafic, qui serait celui de la vraie vie, afin de combattre la peur et le repli communautaire ». Avec émotion, il reconnaît : « c’est dur, ce que je dis, mais on ne pourra pas éradiquer le trafic. Cela fait dix ans que je suis maire, quarante ans que je vis dans les cités. On est dans une société qui est en plein chaos, où tout a explosé en vol. Le trafic n’a fait qu’augmenter et se structurer. Lorsque des dealers sont retirés du circuit, d’autres les remplacent le lendemain, deux fois plus nombreux. La répression ne changera rien, il faut changer de paradigme…»

 

 

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« la dépénalisation n’est pas une solution miracle »

 

 

Emilie Therouin, adjointe au maire d’Amiens en charge de la sécurité, partage ce constat et signale « l’urgence d’une légalisation et d’un encadrement de la production de cannabis par l’Etat ». « Énormément de violences urbaines sont liées de près ou de loin aux trafics de stup’. Nous sommes face à des trafics assis sur des multi-produits, mais 90% de la production réside dans le trafic de cannabis. »

 

Pour cette jeune élue qui siège au sein de la Commission Justice des Verts, « la dépénalisation n’est pourtant pas la solution miracle ». Selon elle, « nous achetons quelque part la paix sociale en maintenant la règlementation en l’état ». S’y attaquer risque de créer « de gros problèmes, puisque beaucoup de familles dans ces quartiers vivent de l’apport financier engendré par le trafic. Ce ne sera pas avec la rénovation urbaine qu’on va pouvoir pallier ce manque, il faudra créer d’autres ressources, des emplois, et cela risque d’être très difficile, il ne faut pas se faire d’illusions là-dessus… »

 

Alexandre Delaigue, co-auteur de « Sexe, Drogue et Economie », avertit lui aussi des risques et « conséquences inattendues » qu’une telle décision pourrait engendrer. Il évoque un possible « déplacement de la consommation vers l’héroïne sous l’effet de la concurrence, qui fera baisser les prix, et du besoin des vendeurs de trouver des substituts ».

 

D’ailleurs une étude du CEDRO (Centre d’information et d’éducation pour la prévention de l’abus de drogue) tend à prouver que les variations de consommation d’un pays à un autre ne sont pas forcements liés à la loi mais plutôt à des facteurs socioculturels.

 

L’exemple portugais est en cela instructif. La réussite de leur politique de décriminalisation de la possession de drogue en dessous d’un certain seuil (mais pas de la consommation) tient dans le traitement médical et social accordé au consommateur. De même, la police portugaise perd moins de temps à interpeler les petits consommateurs pour se concentrer sur la traque des dealers. Les moyens importants investis dans la prévention, le traitement des addictions et la réinsertion constituent autant de leviers sur lesquels il faudra jouer pour réussir ce changement de politique globale.

 

Si la lutte contre l’insécurité semble avoir débouché sur une prise de conscience d’une partie de notre classe politique de la nécessaire révision des réponses jusqu’ici apportées au problème des drogues douces, cela ne fait pas de la dépénalisation du cannabis une solution miracle. L’ouverture d’un débat public autour de cette problématique est un grand pas en avant, et il nous faudra méditer sur les exemples hollandais et portugais, autant que sur les particularités de notre pays, pour réussir le double tour de force de convaincre d’une part l’opinion publique du bien-fondé de cette mesure progressiste, réaliste et modérément répressive, et d’autre part de s’attaquer sérieusement aux problèmes d’insertion sociale et de santé publique liés aux addictions au cannabis, une drogue que l’on trouvera peut-être en vente libre dans la France de demain.

 

 

Source : Reversus.fr


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Salut à toutes & à tous,

 

C'est tous des faux et des opportuniste depuis qu'ils voient que cela évolue même au USA !!

 

Mais c'est un bien pour un mal !!

++

 

"Post édité Merci Rorschach"

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[...] Mais c'est un bien pour un mal !! [...]

 

Ne convient-il pas de dire : "c'est un mal pour un bien" ?

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La dépénalisation...moui..c'est pas mal, c'est vrai...j'espère qu'on y viendra vite. Mais j'y vois surtout un marche-pied vers la suite: la légalisation.

Bref. En attendant, la dépénalisation, c'est un joli mot, mais si elle a lieu un jour, faudra bien lire les petits caractères. Car en fonction, on pourrait très bien se retrouver avec un texte plus contraignant qu'autre chose. Imaginez: La dépénalisation arrive, wouhou ! Champagne !...mais avec elle, une législation encore plus draconienne sur la production personnelle et surtout une loi appliquée par les tribunaux.

Tout ça sous prétexte que dans le cadre de la dépénalisation, c'est à l'état de prendre en charge exclusive la production, vérification et distribution du produit pour des raisons de santé publiques. Gasp ! :s

Résultat, une situation encore pire que ce que nous connaissons.

 

Va falloir ouvrir l'œil quand ça pointera le bout de son nez, et le bon.

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Ouais... Tout ça en fait c'est une question de mise en oeuvre.

Dans le cadre d'une légalisation, pourquoi ne pas demander aux dealers des cités (et d'ailleurs) de continuer à faire leur "métier" mais en conformité avec la loi, le fisc, les contrôles sanitaires, etc, le tout s'exerçant dans des conditions d'accueil et de sécurité dignes d'une officine légale ?

On sélectionnerait les meilleurs "spécialistes", capables de gérer une vraie entreprise, petite formation, et roule ma poule !

P'être que ça ne mettrait pas le feu comme ça ?

Bien sûr, l'état doit contrôler les approvisionnements.

 

Ouais, je sais, je dis n'importe quoi...

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