Addictions : des politiques de santé publique à géométrie variable

Par Invité ,

 

Depuis une vingtaine d'années, la France a vécu de profondes mutations dans les modes de consommation de substances psychoactives. Les deux produits dont l'usage est le plus fréquent, le tabac et l'alcool, ont connu une importante tendance à la baisse. Parallèlement, l'usage de cannabis, produit illicite le plus fréquemment consommé, s'est stabilisé, après avoir enregistré une forte hausse.

 

Source : Le Monde

Tabac. Les quantités de tabac consommées par les Français ont augmenté jusque dans les années 1980, pour baisser ensuite de façon notable, surtout sous l'effet de l'augmentation du prix de vente des cigarettes. Aujourd'hui, parmi les 18-75 ans, plus d'un tiers des individus se déclarent fumeurs de tabac, dont 29 % de fumeurs quotidiens et 5 % d'occasionnels. Les hommes sont plus souvent fumeurs que les femmes (35,5 %, contre 27,5 %), même si la consommation de ces dernières a fortement augmenté, avant de se stabiliser depuis 2000. La mortalité liée au tabac reste forte : en 2000, elle était estimée à 60 600 décès par an.

 

Premier indicateur de diminution de la consommation, la baisse des ventes des cigarettes a été continue depuis 1990, et est devenue particulièrement sensible en 2003 et 2004 (respectivement 14 % et 21 % de cigarettes vendues en moins), et ce sous l'effet d'importantes hausses de prix. La baisse est cependant stoppée depuis 2005, les ventes ayant même très légèrement augmenté en 2006.

 

Depuis le 1er février 2007, les pouvoirs publics font appliquer l'interdiction de fumer dans tous les lieux publics, à l'exception des bars, restaurants, discothèques et bureaux de tabac. Cette dérogation temporaire devrait prendre fin au 1er janvier 2008, ainsi que l'a rappelé Roselyne Bachelot. "Il y aura évidemment la suppression du tabac dans tous les lieux de convivialité. Je souhaite qu'il n'y ait aucune dérogation", a affirmé la ministre de la santé le 7 novembre. Les buralistes ont prévu de manifester le 21 novembre contre l'entrée en vigueur de la mesure.

 

Alcool. Malgré une baisse continue de la consommation depuis quarante ans, l'alcool reste la substance psychoactive préférée des Français. Seulement 5 % déclarent n'en avoir jamais bu, 28 % en consomment régulièrement et 17 % tous les jours. Les consommateurs réguliers excessifs sont très nombreux : plus d'un homme sur cinq (20,2 %) et près d'une femme sur quinze (6,3 %) dépassent quotidiennement les seuils de consommation à risque.

 

Fixés par l'Organisation mondiale de la santé, ces seuils (trois verres d'alcool maximum par jour pour les hommes, deux pour les femmes) sont mal connus : un Français sur deux sous-estime le danger lié à une consommation excessive. La mortalité liée à l'absorption d'alcool est ainsi estimée entre 40 000 à 45 000 décès par an.

 

Depuis quelques années, les politiques de santé publique visant à prévenir la consommation excessive semblent au point mort. Depuis 2002, les pouvoirs publics ont surtout multiplié les gages en direction des lobbies de l'alcool. Un Livre blanc valorisant la place du vin dans la société française a été rendu public en 2004 et un "Conseil de la modération", où siègent les représentants de la filière alcool, créé. Les Etats généraux de l'alcool, organisés par le gouvernement Villepin en décembre 2006, n'ont débouché sur aucune mesure concrète. En revanche, un pictogramme déconseillant toute consommation pendant la grossesse figure sur toutes les étiquettes de bouteilles d'alcool depuis le 3 octobre.

 

Cannabis. La France figure parmi les pays européens les plus consommateurs tant chez les jeunes adultes que chez les adolescents. En 2005, 12,4 millions de Français de 12 à 75 ans déclaraient avoir consommé du cannabis au moins une fois dans leur vie. Parmi ces expérimentateurs, 3,9 millions en ont fumé dans l'année, 1,2 million sont des consommateurs réguliers (au moins dix fois par mois) et 550 000 sont des usagers quotidiens. Depuis le début des années 1990, l'expérimentation n'a cessé de se répandre, mais le mouvement semble toutefois se stabiliser depuis 2002.

 

Chez les jeunes, toutes catégories sociales confondues, la consommation du cannabis s'est banalisée, au point que son usage régulier atteint presque le niveau de l'alcool. Un jeune sur deux de 17 ans (49,5 %) déclarait ainsi avoir expérimenté le cannabis en 2005. A cet âge, la moitié des consommateurs réguliers sont considérés comme problématiques.

 

Malgré sa banalisation, la consommation du cannabis est toujours sous le régime de la loi de 1970 sur les stupéfiants, qui punit l'usage de produits illicites d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. Le gouvernement, qui exclut toute dépénalisation de la consommation, devrait mettre en place, début 2008, une nouvelle sanction contre les usagers. Tout consommateur de cannabis ou de toute autre drogue, arrêté en flagrant délit, devra participer à des "stages de sensibilisation" payants, dont le tarif ne pourra excéder 450 euros. Ces stages seront imposés à l'usager dans un cadre pénal, un tribunal étant appelé à trancher en cas d'opposition du contrevenant à y participer.

 


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