Aller au contenu

Dans l’Eure, les positions du procureur et d’élus divergent sur la question du cannabidiol (CBD)

Dans l’Eure, les positions du procureur et d’élus divergent sur la question du cannabidiol (CBD)
Par mrpolo (modifié) ,
 
Stupéfiants. Fin juin, deux magasins ont fermé. Pourtant, le député LREM Fabien Gouttefarde avait visité le magasin de Conches-en-Ouche, sous les conseils de son suppléant, Jérôme Pasco, qui regrette un « flou juridique » et exige « un débat » sur le cannabidiol.
     
     

    Deux boutiques spécialisées dans les produits contenant le fameux cannabidiol (CBD), un dérivé du cannabis, ont fermé coup sur coup dans l’Eure, les 27 et 30 juillet, à Évreux et Conches-en-Ouche. Leurs gérants sont poursuivis pour trafic de stupéfiants. Selon le procureur adjoint de la République d’Évreux, Éric Neveu, qui s’exprimait hier vendredi 3 août 2018, le sujet est clos : « Toute commercialisation de produits contenant du THC est prohibée. »

    Le CBD ne peut être vendu que sous deux conditions : « Le cannabidiol doit avoir été obtenu à partir de fibres et graines de cannabis Stiva L », et non pas à partir de « feuilles, fleurs ou têtes de plants de cannabis ». De plus, les produits finis ne peuvent en aucun cas contenir du THC. Le fameux taux de 0,20 % n’est applicable qu’à « la plante elle-même ».

     

    À Conches, le propriétaire « franc jeu »

    La messe ne semble toutefois pas près d’être dite. Suppléant de Fabien Gouttefarde, député LREM de l’Eure, et premier adjoint de Conches-en-Ouche, Jérôme Pasco « comprend la position de la ministre de la Santé », mais regrette la fermeture d’Histoire de graines, le magasin ouvert dans sa ville depuis février. « C’est un travailleur honnête, qui vendait tout sauf de la drogue », indique l’élu à propos de Julien Gourc’hant, le gérant. Un établissement visité par le député lui-même début juin, et fréquenté occasionnellement par Jérôme Pasco, qui y a acheté « une crème musculaire et des gélules antidouleur à base de CBD ».

    Selon l’élu, le vendeur de CBD avait joué « franc jeu avec les autorités locales. Il a présenté ses produits à la gendarmerie et les a même laissés prendre un échantillon pour analyse en preuve de sa bonne foi. » Le premier adjoint souhaite un « vrai débat autour du CBD et du cannabis. On vit dans un pays qui souffre d’une vraie hypocrisie sur le sujet. » Le gérant du magasin d’Évreux, Ishaq Aboudrar, fermé après moins de trois jours d’exploitation, n’a pas pu être joint.

     

    Source: paris-normandie.fr

     

     

     

    et dans Liberation :

     

    des fleurs de CBD ..... :boulet2:

     

    :ptdr:

    Cannabis light : la fin des plants sur la comète

    Par Clarisse Martin
    Ex-gérant d’une boutique de produits à base de CBD, une molécule non psychotrope, Thomas Traoré, qui pensait agir dans la légalité, a été mis en examen pour «trafic de stupéfiants». Des procédures contre des magasins comme le sien sont en cours.
     

    Au 39 de la rue de Clignancourt, dans le XVIIIarrondissement de Paris, le rideau de fer est baissé et la discrète mention «scellé - ne pas ouvrir» enjoint de ne pas s’aventurer au-delà. Thomas Traoré, ex-gérant de l’éphémère Bestown Shop qui occupait ces murs, admet avoir un pincement au cœur à cette vue. Après trois semaines d’ouverture, sa boutique spécialisée dans les produits à base de cannabidiol (CBD, une molécule non psychotrope du cannabis) a dû fermer ses portes. Visé par une information judiciaire ouverte par le parquet de Paris, le quadragénaire a été mis en examen le 12 juillet pour «trafic de stupéfiants» et «provocation à l’usage de stupéfiants». «Tout était en règle et puis patatras», résume-t-il.

     

    Le CBD est une molécule du cannabis que certains ont jugé légal, à partir du moment où le taux de THC (tétrahydrocannabinol, psychotrope), une autre molécule, était inférieur à 0,2 %. «C’est le THC qui est le stupéfiant, le CBD n’est pas classé comme tel. Le THC a des effets hallucinogènes alors que le CBD a des effets relaxants», explique l’addictologue Jean-Pierre Couteron. Si posséder, vendre ou consommer du cannabis est illégal en France, le pays reste le plus gros consommateur européen de produits (herbe ou résine) chargés en THC, selon la dernière étude de l’Observatoire européen des drogues et toxicomanies. Plusieurs millions de Français sont ainsi des consommateurs plus ou moins réguliers.

    Miel et marmelade

    Attablé dans un café au pied de la butte Montmartre, Thomas Traoré égrène les péripéties des derniers mois. Tout a commencé au printemps, lorsqu’un ami de Besançon lui parle de la boutique qu’il a ouverte dans le chef-lieu du Doubs. La spécialité ? Le CBD. Première réaction : «C’est illégal, t’es complètement fou.» Puis petit à petit, face à l’assurance de son ami, le Parisien se renseigne et finit par se dire «pourquoi pas moi ?». Il prend conseil auprès d’avocats qui le rassurent sur la légalité de la chose et décide de se lancer : le 13 juin, une nouvelle échoppe ouvre ses portes. Pas un «coffee shop», insiste Thomas à plusieurs reprises, car selon lui cela porterait à confusion avec les établissements d’Amsterdam.

     

    A défaut de pouvoir faire le tour du propriétaire, on se contentera de photos sur Instagram. Thomas décrit les lieux : un espace de vente d’environ 25 mètres carrés aux murs clairs et à la décoration épurée, qu’on jurerait d’inspiration scandinave. Un peu à l’image des nombreux concept stores de la capitale. Sur une photo, on voit quelques fleurs de CBD exposées sous une cloche en verre. «Quand on passait devant la boutique, c’était difficile de savoir ce qu’on vendait. C’était voulu», poursuit l’ex-gérant. Sur les étals, des petits pots de miel, de marmelade, du chocolat, des huiles et des sachets de tisane. Des produits alimentaires contenant tous du CBD et fabriqués en Suisse.

    Cancer et arthrite

    «Le jour où j’ai ouvert, raconte Thomas Traoré, j’avais alerté le commissariat du XVIIIe. Le chef de la BAC 18 [brigade anticriminalité, ndlr] est venu me voir le premier jour. En trois semaines d’ouverture, j’ai eu deux contrôles policiers et aucun n’a constaté de trouble à l’ordre public ou trouvé à redire.» Mais quand une dizaine de policiers déboulent le 10 juillet en fin de matinée, ce n’est plus un contrôle de routine. Perquisition de la boutique, mise sous scellé des lieux et des stocks, Thomas Traoré est placé en garde à vue pendant quarante-huit heures. Le 12 juillet, il est déféré devant un juge et mis en examen. «Pendant trois semaines j’ai une boutique légale, et le jour d’après je suis un trafiquant de drogue. Je n’ai rien à me reprocher. Je n’ouvre pas un magasin ayant pignon sur rue en sachant que c’est illégal. Tout était clean !» affirme-t-il avec vigueur.

     

    «On avait des tables où les gens pouvaient prendre une infusion et un petit carré de chocolat au CBD», poursuit le mis en cause. Dans sa clientèle, il estime que 40 % des acheteurs étaient des malades atteints de cancer, d’arthrite ou de sclérose en plaques. «La plupart achetaient de l’huile de CBD et disaient que ça soulageait leurs douleurs. Je ne conseillais rien, je ne suis pas médecin. Certains venaient et me montraient des messages de leur médecin qui préconisait la dose à prendre.» Toujours selon ses estimations, 40 % étaient des «vieux fumeurs», des gens qui consomment du cannabis depuis dix ou quinze ans et qui «cherchaient l’apaisement et le sommeil sans la défonce». Le reste, 20 % de curieux et de tout-venant. «J’interdisais les mineurs et les femmes enceintes. En l’absence de règles, j’ai posé les miennes. Un jour, des dealers du quartier sont venus. Ils ont compris en trois secondes qu’on ne vendait pas le même produit.» Il estime être victime d’une injustice : «Je ne me considère pas comme un militant de la cause [la légalisation du cannabis]. Je suis un entrepreneur, même si je n’aime pas le terme, j’y ai vu une possibilité.»

     

    Ces derniers mois, le nombre de boutiques commercialisant du CBD en France a culminé à 120, selon les estimations de l’association Norml (National Organization for the Reform of Marijuana Laws France). La législation sur la question n’a pourtant pas été assouplie, mais le ministère de la Justice croit savoir que cette floraison est due à l’arrivée sur le marché de produits (pharmaceutiques ou liquides pour cigarettes électroniques) contenant du CBD. Au départ mutiques, les pouvoirs publics ont sifflé la fin de la récré en juin.

    Fibres et graines

    Reconnaissant que la législation sur la question était «peut-être un peu floue», la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a estimé le 17 juin sur RTL que ces boutiques auraient fermé d’ici quelques mois. «Ces coffee shops se sont ouverts sur une zone grise du droit», admet la ministre au cours de l’interview. Cette «zone grise», c’est l’arrêté du 22 août 1990, qui édicte plusieurs conditions cumulatives pour que la «culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale des variétés de cannabis sativa L» soient autorisées. Pour que ce soit légal, il doit s’agir de l’exploitation des fibres et des graines de la plante seulement, avec une teneur initiale inférieure à 0,2 % de THC :21 variétés de cannabis sativa autorisées sont répertoriées.

     

    0,2 %, le chiffre où le bât blesse. Est-ce le produit fini ou la plante à la base de la préparation qui doit afficher un taux de THC inférieur à 0,2 % ? Vendeurs de CBD et pouvoirs publics font une lecture différente. Le 11 juin, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) s’est fendue d’une note aux airs de rappel à la loi, tranchant les divergences : «La présence de THC dans les produits finis, quel que soit son taux, est interdite.» Le 23 juillet, la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) en remet une couche et adresse une dépêche aux parquets de France, enjoignant de donner des réponses pénales «avec une particulière fermeté». Depuis, les procédures s’accumulent, notamment dans les zones qui relèvent des parquets de Paris, Marseille, Dijon, Chalon-sur-Saône et Evreux.

     

    Selon les tests réalisés par les enquêteurs sur les produits de Bestown Shop, deux dépassaient le seuil de 0,2 % avec respectivement 0,24 % et 0,32 % de THC, relate Thomas Traoré, qui assure ne pas avoir été interpellé à cause de la teneur excessive de certains produits mais en raison des fleurs de CBD proposées à la vente, qui ne sont ni des fibres ni des graines visées par l’arrêté de 1990.

     

    Spécialiste du droit des drogues et maître de conférences à l’université Paul-Valéry de Montpellier, Yann Bisiou estime que le débat n’a aucun sens : «La législation n’a pas changé, mais la question revient tous les dix ans.» Pour le juriste, l’arrêté de 1990 n’est pas applicable aux boutiques précitées mais concerne seulement les produits pharmaceutiques, que ne prétendent pas vendre les magasins de CBD. «Ce qui me choque, c’est que c’est une application extensive de la loi, qui porte atteinte au principe de légalité : on ne peut pas vous accuser de faits qui ne sont pas expressément prévus par la loi pénale.»

     

    Yann Bisiou souligne aussi le fait que le cannabidiol ne fait plus partie de la liste de produits interdits par la Convention internationale contre le dopage dans le sport depuis janvier 2018. «Un footballeur pourrait en prendre, mais pas une mamie pour une tisane ?» s’insurge-t-il, jugeant que cette répression ne devrait «pas être une priorité, alors que la France est le premier pays européen en termes de consommation de cannabis».

     

    Contacté par Libération, l’avocat de Thomas Traoré évoque une affaire qui «dépasse complètement» son client. «Il n’a aucun casier, il pensait sincèrement que c’était légal», défend Me Michaël Bendavid, qui souligne, dans une allusion aux propos d’Agnès Buzyn, que «le droit pénal ne s’accommode pas des zones grises. Cela doit bénéficier au mis en cause». Thomas Traoré encourt une peine de dix ans d’emprisonnement et 7,5 millions d’euros d’amende.

     

    Clarisse Martin

    Source: liberation.fr

     

    On en parle sur le forum

     

    Modifié par mrpolo

      Signaler Article


    Retour utilisateur


    Il n’y a aucun commentaire à afficher.


    ×
    • Créer...