Une série télé baptisée Weeds (« herbe »), des livres vendus au Furet du Nord pour aider à faire pousser le cannabis chez soi, des articles floqués de la feuille de cannabis vendus chez le buraliste. Le cannabis est partout. Le tribunal d'Arras jugeait jeudi le patron d'une entreprise dainvilloise, suspectée de vendre des articles de fumeurs considérés comme des provocations à l'usage de produits stupéfiants.
Un à un, le président du tribunal, Pascal Gastineau, exhibe les différents articles litigieux autrefois vendus par l'EURL Noza Distribution, spécialisée dans la vente d'accessoires pour fumeurs. Dans la besace du magistat, des sucettes « Cannabis Pops », une lampe en forme de feuille de cannabis, une pipe à eau (avec la feuille, notre photo), des fausses canettes de soda à double fond, des boîtes à effriter siglées, des balances de précision... Mais à quel type de fumeur sont destinés ces objets ? Des amateurs de clopes normales ou « qui font rire » ? Les articles vendus par Internet de 2007 à 2010 incitent-ils à fumer des joints ou viennent-ils faciliter le passage à l'acte ? Vaste débat.
Pour autant, S. C. a réponse à tout. Les sucettes ? « C'est vendu à l'unité, elles sont au chanvre, il n'est pas écrit cannabis, seulement sur la boîte, non vendue ». La lampe ? « C'est artistique, ça peut être une feuille d'érable ». La pipe à eau ? « Pour fumer, on y met du tabac aromatisé. C'est un filtre, l'emblème dessus est décoratif ». Les canettes à double fond, utilisées par les fumeurs de joints pour transporter leur herbe ? « C'est pour dissimuler des objets précieux, des bijoux ». Le broyeur ? « Par confort, le tabac à rouler peut percer la feuille ». Les balances ? « Pour ceux qui vendent de l'or ou les chasseurs pesant les cartouches ». Le président souligne que la proximité entre les articles de fumeurs et les balances de précision est ambigüe.
Énervé de la tournure du débat, Stephan Squillaci, avocat de S. C., bondit de sa cage : « S'il est déjà jugé, je m'en vais ! » Puis, reprenant son calme après une incartade avec le procureur : « Ces objets litigieux ne représentent que 5 % des objets sur 4 000 articles ! Le site est interdit aux moins de 18 ans. Depuis, mon client a retiré les objets de son catalogue ». « Et j'ai doublé mon chiffre d'affaire ! » se réjouit S. C. (le CA est passé de 2 M € à 4 M € pour 300 000 € de dividende annuel).
« Si vous êtes dans votre bon droit, pourquoi retirer ces articles ? » insiste le procureur Chodkiewicz. « Parce que j'en ai marre, je suis encore devant un tribunal (c'est la deuxième fois après 2006 NDLR) et ça ne m'apporte que des ennuis. » « Le maître mot, c'est l'hypocrisie, tonne le procureur. Jamais on ne dira que ce sont des feuilles de cannabis. À l'entendre, comme tout le monde vend ces articles, lui aussi peut. Et si c'est utilisé à d'autres fins, ce n'est pas sa faute ! On ne lui reproche pas la représentation de la feuille mais l'élément intentionnel de provocation. Voir sur le catalogue une pipe à eau à côté d'une balance de précision, ça me met mal à l'aise. On est dans le faux semblant. Pourquoi indiquer que les objets ne servent qu'à fumer du tabac ? » Il requiert 15 000 € d'amende. Jugement le 1er décembre.
Source : La voix du Nord