A sa sortie de prison, Bernard Rappaz espère «voyager et cultiver du chanvre»


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Jugé mardi prochain, le célèbre militant valaisan encourt une nouvelle peine ferme. A 59 ans, il se dit serein. Interview:

«Libérez Rappaz», proclame son T-shirt noir. Le détenu le plus célèbre de Suisse savoure une bière sur une terrasse de Monthey (VS). Bernard Rappaz, qui purge une peine de 5 ans et 8 mois au pénitencier de Crêtelongue, profite d’un congé pour rendre visite à son avocat, Me Aba Neeman. Mardi, à Sion, le chanvrier valaisan fera face au Tribunal cantonal. Presque la routine: il doit répondre de violation grave de la loi sur les stupéfiants, de blanchiment et faux dans les titres. Entre 2002 et 2006, alors qu’il était en liberté provisoire, le militant avait vendu du haschisch et du chanvre pour plus de 1 million de francs. L’affaire a déjà été jugée il y a un an. Le Tribunal de Martigny avait condamné le citoyen de Saxon à 12 mois supplémentaires de réclusion. Me Neeman, qui plaidait l’acquittement, a fait appel. Le ministère public, lui, avait requis 28 mois de détention à l’encontre de Rappaz. A trois jours du procès, l’accusé à l’improbable crinière grise se confie.

 

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Bernard Rappaz, devenu végétarien en prison, pèse aujourd’hui 89 kilos.



En pleine grève de la faim, son poids était descendu à 65 kilos. «Je vais bien», confie-t-il.



Image: Odile Meylan

Comment allez-vous après vos grèves de la faim?

Bien. Du moment que je mange, je peux endurer beaucoup de choses. Je me mets dans la peau d’un moine, je pratique le bouddhisme. Et j’aide les autres prisonniers.

 

Vous les aidez à faire quoi?

A écrire des lettres, à chercher du boulot. Je leur donne aussi des conseils juridiques. On est une quarantaine à Crêtelongue, et il y a pas mal de va-et-vient. Et je me retrouve parmi mes voleurs! Une quinzaine de gars m’ont avoué avoir volé dans mes champs, à l’époque… (Rires.)

 

Moralement, vous vous sentez comment?

Je me réjouis de voir le bout du tunnel. Le 18 juillet, d’après mes calculs, j’aurai accompli la moitié de ma peine. J’aurai donc droit à un régime de semi-liberté. Je pourrai travailler à l’extérieur pendant la semaine, tout en dormant en prison. Je vais essayer de bosser dans l’agriculture biologique.

 

Pour l’instant, comment se passent vos journées?

J’aurais pu travailler au domaine agricole de la prison, vu mes compétences. Mais ils ont préféré me mettre à la buanderie. Il y a du boulot! J’ai enfin appris à plier le linge… Vous avez tenté d’améliorer les conditions de détention.

 

Ça a marché?

Pour la nourriture, oui. On mangeait souvent mal. Des surgelés trop salés, presque pas de fruits, pas assez de salade. On a fait une pétition, et ils ont fait un effort. L’imam que j’ai réclamé pour mes camarades musulmans, par contre, on l’attend toujours.

 

Vous recevez toujours beaucoup de courrier?

Énormément. Dans ma cellule de 16 m2, une paroi est couverte de cartes postales. Les messages sont presque tous positifs. Une seule personne a pris la peine de m’écrire pour me critiquer. En répondant à tout le monde, je me suis fait de nouveaux amis. Vous avez déjà eu quatre congés de 24 et 36 heures. Qu’avez-vous fait en sortant? Comme je n’ai plus de maison, je suis allé voir ma fille.

 

Et ce week-end, pour votre première sortie de 48 heures?

J’ai envie d’aller pêcher à la mouche. Ça me manque beaucoup.

 

On vous fait passer des contrôles d’urine en rentrant. Pas d’inquiétude?

Non. Je ne consomme rien du tout. Après avoir fait neuf grèves de la faim, je me passe très bien de ma tisane de chanvre.

 

Avez-vous des regrets aujourd’hui?

Non. Vous savez, je suis un humaniste. Malgré ma formation d’œnologue, je ne me voyais pas faire du vin toute ma vie en sachant que l’alcool fait des milliers de morts chaque année. C’est une drogue dure, comme le tabac. Le chanvre est une drogue douce, qui n’a jamais tué personne. Si cela avait été dangereux, je n’aurais jamais mené ce combat. Aujourd’hui, l’actualité me donne raison. L’utilisation thérapeutique du chanvre est autorisée à certaines conditions. Et en Valais, on a désormais le droit de cultiver quatre plants sur son balcon!

 

Vous avez 59 ans. Comment envisagez-vous votre vie une fois votre peine purgée?

J’essaie de voir le côté positif des choses. Être privé de ferme, cela veut aussi dire ne plus avoir à lutter contre le gel, ne plus entretenir de machines… J’ai envie de voyager.

 

Mais de quoi allez-vous vivre?

Ma première source de revenus sera le livre que je termine. J’adore écrire. Il me reste juste à ajouter des anecdotes sur la vie en prison. Je songe aussi à organiser des sessions de jeûne collectif ou à ouvrir une ligne téléphonique payante pour les gens qui cherchent divers conseils.

 

Pourriez-vous vous remettre à cultiver du chanvre?

Oui, mais pour gagner ma vie cette fois. Moins en tant que militant. Les gens n’ont pas oublié mes variétés. Je maintiens des contacts.

 

Le Valais a tiré les leçons de votre cas dans son règlement sur les prisons. Plus question de contraindre un médecin à nourrir un prisonnier de force si le détenu a donné des directives précises…

Oui. Sur ce plan, on a gagné. C’est une victoire des droits humains.

 

«Je n’ai pas mauvaise conscience»

 

Comment voyez-vous votre nouveau procès?

Je serai face à un crucifix, jugé par des chrétiens alors que je ne le suis pas. Et puis, les juges sont nommés par des partis qui se sont tous exprimés à mon sujet…

 

Qu’allez vous dire au juge?

Oh, la justice valaisanne est expéditive. Tout sera réglé en trois heures. Ailleurs, ce procès durerait une semaine, ça me laisserait plus de temps pour m’expliquer. Mais j’utiliserai mon temps de parole pour défendre la cause du chanvre.

 

C’est toujours ce qui vous motive?

Plus que jamais. Il faut décriminaliser le chanvre, parce qu’il a d’immenses vertus thérapeutiques. Il peut aussi fournir de la cellulose pour fabriquer le papier, et c’est une alternative au soja et au coton.

 

Mais, selon la justice, vous avez blanchi des millions avec ce commerce.

Je vendais mes semences au plus gros producteur des Pays-Bas, en toute légalité, et on m’accuse d’avoir produit de fausses factures. L’instruction a été faite à charge. Ils ont refusé d’entendre les témoins que je voulais citer. Je vais revenir là-dessus mardi.

 

Pourrez-vous échapper à la peine supplémentaire qui vous attend si vous êtes reconnu coupable?

On n’a jamais vu le Tribunal cantonal désavouer un tribunal de district. Par contre, au Tribunal fédéral, j’ai mes chances.

 

Ces procès coûtent cher. Vous bénéficiez de l’assistance judiciaire, c’est donc le contribuable qui passe à la caisse. Ça ne vous gêne pas?

Pas du tout. Je n’ai plus rien depuis que mes 51 tonnes de chanvre ont été séquestrées à Chavalon. On m’a diabolisé et jeté en prison, avant de m’infliger une peine record en Suisse. On m’a mis les frais de séquestre sur le dos. C’est pour cela que j’ai perdu ma ferme. Alors non, je n’ai pas mauvaise conscience à ne plus devoir débourser un sou pour tenter de réparer cette injustice.

 

Source: 24heures.ch

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