Coupons l'herbe sous le pied au narco-trafic


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Un très chouette article trouvé sur le site de la jeunesse communiste belge

https://chengetheworl...au-narco-trafic

 

Mardi soir l'Uruguay est devenu le premier pays au monde à légaliser vente et production de cannabis afin de combattre, et, pourquoi pas, de mettre fin au narco-trafic. L'Uruguay a donc décidé d'aller plus loin et d'adopter une attitude plus conséquente que les Pays-Bas qui n'autorisent que la vente, pas la production et que d'autres pays comme la Belgique qui tolèrent la possession. Un exemple à suivre ?

Criminalité et prohibition

 

En octobre dernier, plusieurs journaux titraient sur les violences entre bandes urbaines dans le quartier ixellois de Matonge: En cause, les agressions au couteau de 4 membres de ces bandes. La presse n'hésite pas à parler de préliminaires à une guerre des gangs. Au centre de la discorde, le commerce illégal de cannabis dans la zone de la Porte de Namur, un quartier où cette activité est malheureusement florissante.

Parmi les partis traditionnels, la réponse tient à peu près dans l'affirmation suivante : « il s'agit d'un problème de criminalité, nous allons augmenter le effectifs de police dans ce quartier. ». Le commerce illégal de drogues douces draine en effet son cortège de nuisances, voire de violences, à l'égard des riverains qui s'en plaignent à juste titre, à Ixelles comme ailleurs. Souvent cet état de fait est l'objet d'articles ou de reportages, mais la question des causes est, elle, souvent laissée en suspens. Pourtant, si l'on cherche réellement à mettre fin aux nuisances causées par l'économie souterraine, elle a beaucoup plus de pertinence que le discours sécuritaire, simpliste et parfois teinté de racisme qui accompagne le plus souvent ce thème.

Les reportages à sensations et de nombreux articles sur le sujet nourrissent des fantasmes sur ce qui n'est que dans la plupart des cas n'est qu'un moyen de subsistance. Certes les sommes brassées par le trafic illégal de cannabis, ce qui est fort logique quand on sait qu'il s'agit du produit stupéfiant le plus vendu au monde, mais le revendeur en bout de chaîne n'a rien à voir avec Tony Montana, le baron de la drogue du film Scarface. Une marge de 1 à 2 euros, parfois un peu plus, la peur permanente de se faire attraper ou dénoncer, les éventuels rackets ou autres formes de violence font de cette activité une nécessité économique plus qu'un choix. L'absence de diplôme, un marche de l'emploi bouché,... C'est l'absence de perspectives et pas l’appât du gain qui est la cause la plus fréquente dans le choix de cette activité.

Depuis qu'il existe des lois interdisant la consommation et le commerce de cannabis, une véritable guerre contre la drogue s'est engagée et celle ci entraîne des coûts pharaoniques: 70 milliards de dollars au cours des années 90, 20 à 25 milliards de dollars chaque année depuis et ce rien qu'aux états unis, la Belgique, elle, dépense près d'un milliard par an pour la lutte contre les drogues. Ces chiffres issus d'une étude du département de Droit et criminologie de l'université de Gand concernent autant les drogues légales qu’illégales. Fait révélateur, pour ces dernières le budget lié à la prévention ne représente que 1,36% de la somme totale et a reculé de 7% entre 2004 et 2008, preuve que la prohibition est un obstacle sérieux à la prévention.

Malgré les durcissements de législation ou l'augmentation des budgets, aucun résultat de cette guerre contre la drogue ne se fait sentir sur les quantités échangées ou sur le nombre de consommateurs. L'effet produit semble même être différent de celui escompté, la France, le pays d'Europe ou la législation est la plus répressive (le cannabis y est assimilé aux drogues dures) et aussi le pays qui compte la plus haute proportion de consommateur' notamment chez les 14-25 ans, tandis qu'aux états-unis 70% des étudiants affirment avoir consommé ou être consommateurs réguliers de cannabis.

Guerre contre la drogue ou guerre contre les pauvres ?

 

Les seules conséquences de cette guerre contre la drogue sont un durcissement des acteurs et des interactions au sein du marché noir, les querelles de territoire à Matonge sont malheureusement bien tendres au regard des règlements à la kalachnikov à Marseille ou des massacres entre gang au Mexique (15 500 morts, rien qu'en 2011) qui est la porte d'entrée pour le cannabis américain. C'est ce constat qui fera dire aux réalisateurs du documentaire "Les États-Unis et la drogue, une guerre sans fin", diffusé en août sur ARTE, que la guerre contre la drogue n'a pas pour objectif de combattre ou de mettre fin au trafic de drogue, mais bien d'offrir un moyen de pression et de répression à l'égard des populations économiquement faibles, les plus promptes à se soulever, qui sont au centre du commerce des drogues. A ce sujet, il est amusant de constater que la banque suisse HSBC qui a blanchi des milliards de dollars issus du trafic de drogue pour le compte des cartels mexicains a été relaxée par la justice américaine tandis que, selon le magazine américain Rolling Stone, 750 000 personnes sont arrêtées chaque année dans le même pays pour des infractions liées au cannabis. En Amérique latine aussi les USA ont une position ambigüe, et le narco-trafic, source de revenu pour la CIA hier, justifie aujourd'hui une présence militaire américaine et est donc un alibi à l'impérialisme , comme l'explique notamment Alain Labrousse dans son livre "Géopolitique des drogues".

Si l'on peut débattre de la question des drogues dures, il est aujourd'hui certain que le caractère illégal du cannabis ne se justifie plsu tout à fait sur un plan scientifique et qu'il possède même de multiples vertus thérapeutiques que son caractère illégal rend inexploitable pour de nombreux patients, pourtant en demande. L'impact négatif du cannabis sur la vie sociale et le sentiment de révolte à l'égard des injustices dans la société ne pourrait-il pas aussi être tempéré dans le cadre de la légalisation ? Sur base de ce constat et de celui de l'inefficacité de la répression, de nombreux pays s'engagent, de manière plus ou moins timide' dans la voie de la dépénalisation ou de la légalisation, avec des résultats plus que concluants, comme récemment dans plusieurs états américains, dont le Colorado et la Californie. Aux Pays-Bas où seule la vente et la consommation sont légales pour les majeurs, alors que la production reste illégale -un non-sens qui résulte d'un compromis politique- on compte le taux de consommateurs entre 14 et 25 ans le plus faible d’Europe et c'est toute une économie, légale cette fois, qui repose sur les fameux coffee shop. En 2012, la droite néerlandaise a introduit des "wietpass" dans certaines communes frontalières, restreignant l'accès aux coffee shop aux seuls néerlandais détenteurs d'un pass, dénoncé par beaucoup comme un moyen de fichage. En quelques jours les dealers avaient fait leur retour et la police enregistrait une hausse record des violences, ce qui fera dire au maire de Maastricht, qui avait ardemment soutenu l'introduction du wietpass, que le système était une erreur et qu'il fallait revenir en arrière, opinion partagée par le nouveau gouvernement libéral-travailliste .

Ce que ne semble pas avoir compris Bart de Wever qui a décidé d'accentuer la répression à l'égard des consommateur anversois en s'éloignant de la politique de tolérance appliquée depuis 2003 et en sanctionnant toute personne prise en possession de quantités, mêmes minimes de cannabis.

L’Uruguay a pris en main la question de la lutte contre le narco-trafic de façon audacieuse, célébrant ainsi les 80 ans de la fin de la prohibition de l'alcool aux USA :"coupons l'herbe sous le pied aux narco-trafiquants" en créant une industrie publique de vente et de production, les municipalités et l'état tireront profit des rentrées financières liée à la vente et c'est de nombreux emplois officiels qui pourront être créés. En Belgique, on aurait aussi tout intérêt à un commerce légal de cannabis. Outre les rentrées financières et le coup que cela porterait aux organisations criminelles, la légalisation, bien encadrée permettrait d'éviter la consommation de produits frelatés, la consommation par les mineurs et permettrait une vraie prévention quant aux risque d'une mauvaise consommation ainsi que l'encadrement des personnes dépendantes.

 

 

Un peu d'histoire

 

En Belgique, les produits stupéfiants sont interdits depuis la loi 1921, votée après la ratification par la Belgique de la Convention internationale de La Haye de 1912, dite « Convention internationale de l'Opium ». Le cannabis, quant à lui, sera spécifiquement interdit en 1930, suite à un Arrêté Royal venu préciser la loi de 1921.

En 1970, en plein dans la période hippie, où la consommation de cannabis connaît une progression importante, jusqu'à devenir un phénomène de société, les gouvernements européens décident de durcir leurs législations sur le cannabis.

En Belgique, c'est la réforme de 1975 qui marquera cette évolution, une série de nouvelles infractions font leur apparition, comme la consommation en groupe, la possibilité de doubler les peines en cas de récidive dans les 5 ans,... Pour lutter contre le trafic de drogues, il faut pénaliser le consommateur. Aucune distinction n'est faite ni entre le type de drogues (cannabis, héroïne, cocaïne sur le même pied), ni entre les différents types de comportements : on ne différencie pas l'usager du vendeur ou du producteur! Cette ligne directrice est confirmée par le ministère de la justice en 1993.

Il faudra attendre 2003 pour que le gouvernement arc-en-ciel (Ps, Ecolo, MR) se décident à adapter timidement la législation en matière de drogues aux réalités sociales et aux connaissances scientifiques qui, contrairement à la législation, ont bien changées depuis 1921.

Cette loi qui différencie le cannabis des autres drogues et consacre une certaine tolérance quant à l possession sera partiellement annulée en 2004 par la Cour d'Arbitrage à cause de graves lacunes dans la loi et suite aux critiques d'acteurs du milieu préventif : C'était, par exemple, au policier d'établir un diagnostic médical et psychologique du consommateur et de déterminer le caractère problématique ou non de sa consommation. La loi sera corrigée en 2005 mais sans tenir compte des motifs qui avaient menés à son annulation, la quantité tolérée de cannabis n'est toujours pas définie clairement. Et surtout, la directive de 2005 ne fait que modifier une loi de 1921, comme le signale l'ASBL InforDrogues « Elle clarifie (un peu) une réglementation qui n’a pas été fondamentalement revue depuis 1921 mais ne règle RIEN de la question de fond .»

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