Grand format - Le Colorado, labo de la légalisation du cannabis

Grand format - Le Colorado, labo de la légalisation du cannabis
Par Frett ,

L’Etat américain compte aujourd’hui presque plus de plantes de cannabis que d’habitants. Cinq ans après avoir autorisé, mais en encadrant strictement, la consommation, production et commercialisation du stupéfiant, l’heure est au bilan.

 

 

photo: Johan, 25 ans, cheveux bleus, vendeuse accréditée de marijuana chez Seed and Smith, comme l’atteste le badge autour de son cou, nous déballe sa vitrine. Elle commence par les « classiques » (au minimum, 25 dollars, le gramme, pour les curieux). « Chaque herbe a ses propriétés », explique la jeune femme avec un débit lent, le sourire aux lèvres. - DR.

 

Denver, première sortie de l’autoroute principale. Impossible d’éviter cette odeur symptomatique, elle est partout. « Oui, oui, ça sent la marijuana ici. C’est en dehors du centre-ville que sont installés la plupart des producteurs », s’amuse notre chauffeur Uber. A l’horizon pourtant, rien que du classique « made in America » : une succession interminable d’énormes maisons préfabriquées identiques qui alternent avec des zonings industriels tout aussi bien rangés. Cette banlieue mi-chic sagement quadrillée cacherait-elle bien son jeu ?

 

Colorado, terre de «weed»

Donuts, cupcakes, sodas, bonbons, crème hydratante, sels pour le bain… enrichis en THC cartonnent au Colorado et pèsent aujourd’hui 40 % des ventes officielles. L’industrie du coin redouble d’inventivité pour vous faire planer. - D.R.
Donuts, cupcakes, sodas, bonbons, crème hydratante, sels pour le bain… enrichis en THC cartonnent au Colorado et pèsent aujourd’hui 40 % des ventes officielles. L’industrie du coin redouble d’inventivité pour vous faire planer.
Pour rejoindre le business de la marijuana au Colorado, une licence délivrée par l’État est necessaire. Tant pour la vente médicale et/ou récréative que pour la production. On en compte environ 3.000 aujourd’hui au Colorado pour un total d’un peu plus de 1.000 dispensaires (lieux où la vente, parfois également la production, est autorisée, NDLR)
Au Colorado, malgré un véritable potentiel en termes d’étendues cultivables, la culture de cannabis (de masse, 500 tonnes ont été produites en 2017 !) se fait quasi exclusivement en intérieur, sous lampe bleue ou grâce à un système d’irrigation, appelée « aquaponie ». Afin d’éviter intempéries et maladies, de continuer à développer de nouvelles variétés de plantes hybrides souvent fragiles, le tout sans effleurer la moindre préoccupation écologique.
A Denver, capitale du Colorado, on compte 364 « dispensaries », soit des magasins autorisés par les autorités de la ville à vendre de la marijuana et des produits dérivés. On est loin ici de l’ambiance déjentée de certains coffee shop du centre d’Amsterdam avec des vitrines très organisées où il est totalement interdit de consommer.
Pas question donc dans les rues de la capitale ou ailleurs (18 villes autorisent le cannabis non médical dans l’Etat, chaque municipalité ayant le choix d’accepter ou non la substance sur ses terres, NDLR) de s’allumer un joint : vous risqueriez une amende minimum de 170 dollars.
Au Colorado, il existe très peu de lieux publics où la consommation de cannabis est autorisée. Mais des zones de « non-droits » sont tolérées par les autorités. On notera à ce niveau les excursions organisées par « 420 tours ». Comme ce workshop pour apprendre à « rouler de sushis et des joints ».

 

Notre véhicule s’arrête devant chez « Seed and Smiths », littéralement « Graine et Smiths », bâtiment quelconque en béton rectangulaire, à l’enseigne discrète. Rien d’affriolant. Il s’agit pourtant de l’un des 364 lieux autorisés par les autorités de la ville à la culture et à la distribution de la célèbre plante verte et de ses dérivés.

Pas « de père en fils » en dessous du logo. C’est que le commerce, légal, du cannabis est encore tout jeune au Colorado. Un état peu peuplé du centre des Etats-Unis, désormais célèbre aux quatre coins de la planète pour ses pistes de ski, ses canyons et, surtout, sa marijuana en libre accès. Le 1er janvier dernier, la loi locale autorisant l’usage, la production et la vente du stupéfiant, une première mondiale à l’époque du vote, fêtait ses cinq ans d’entrée en vigueur.

 

« Chut, ne réveillez pas les plantes »

L’ambiance banlieusarde s’évapore à peine la porte du « dispensaire » poussée. Musique reggae un poil cliché, quelques fauteuils pour patienter, une documentation de rigueur à feuilleter… Qui détaille les dernières promos de l’endroit à la manière d’un folder de supermarché. « 20 % de réduction sur le gramme acheté tous les premiers jeudis du mois », peut-on lire sur le premier de la pile.

 

Après une quinquagénaire grisonnante et un couple post-adolescent, c’est à nous. « Welcome ! Je peux voir vos papiers ? », demande le responsable de l’accueil.

Dans le petit Etat, l’achat et la consommation de cannabis sont strictement réservés à un usage adulte, soit aux plus de 21 ans. Et les contrôles sur le terrain sont bien réels. Chaque plante qui grandit chez « Seed and Smith » est, dès la graine, identifiée, enregistrée et « badgée » : elle est traçable par les autorités « jusqu’au joint dans lequel elle sera consumée ». Et, bien sûr, taxée (lire ci-contre).

« Ici, man, on fonctionne en circuit court. On produit l’herbe qu’on vend. On vous aurait bien proposé la visite de nos champs comme vous venez de loin. Mais nos plantes, là, elles sont endormies », poursuit le maître des lieux.

 

Au Colorado, malgré un véritable potentiel en termes d’étendues cultivables, la culture de cannabis (de masse, 500 tonnes ont été produites en 2017 !) se fait quasi exclusivement en intérieur, sous lampe bleue ou grâce à un système d’irrigation, appelée « aquaponie ». Afin d’éviter intempéries et maladies, de continuer à développer de nouvelles variétés de plantes hybrides souvent fragiles, le tout sans effleurer la moindre préoccupation écologique. « On doit reproduire à l’intérieur les conditions naturelles de croissance. Si on vous laisse entrer, vous allez les réveiller et notre production sera pour la poubelle ».

Reste donc le « magasin ». Johan, 25 ans, cheveux bleus, vendeuse accréditée comme l’atteste le badge autour de son cou, nous déballe sa vitrine. Elle commence par les « classiques » (au minimum 25 dollars le gramme, pour les curieux). « Chaque herbe a ses propriétés », explique-t-elle avec un débit lent, le sourire aux lèvres. « Celle-ci, c’est plutôt pour vous relaxer et bien dormir si vous êtes stressée. Celle-là pour faire la fête toute la nuit. Et là, vous avez les concentrés. »

 

La nouvelle mode à Denver. Comme leur nom l’indique, la concentration en THC (pour tétrahydrocannabinol, la principale molécule active du cannabis, NDLR) du produit est très élevée. Jusqu’à 80 % ! Un argument supplémentaire pour détourner population et touristes du marché noir… « Ca se fume à la “vapote”, l’effet est immédiat, comme un gros boom dans la tête, les jeunes adorent. Sinon, dans un autre genre, il y a les comestibles. »

Les comestibles ? 40 % des ventes selon les statistiques officielles, un succès aussi conséquent qu’inattendu. Donuts, cupcakes, sodas, bonbons, crème hydratante, sels pour le bain… L’industrie du coin redouble d’inventivité pour vous faire planer.

« On était les premiers »

Chaque vente est, elle aussi, directement enregistrée dans l’ordinateur de bord. « On nous paie beaucoup en cash, alors on met le montant de la taxe de côté chaque soir (environ 30 % du prix final, soit 15 % pour l’Etat et 15 % ou plus pour la ville, NDLR). Et, non », rappelle à l’ordre Johan influencée, sûrement, par notre accent exotique. « Nous n’avons pas de salles dédiées à la consommation. C’est totalement interdit. »

 

Si vous cherchez à Denver, l’ambiance d’un coffee shop enfumé et festif du centre d’Amsterdam, faites tout de suite demi-tour. « En 2012, quand on a voté la loi, le Colorado était le premier Etat au monde à légaliser l’usage récréatif et la production ! Nos législateurs ont bien sûr été extrêmement prudents (la Bible qui définit le champ d’application de la loi fait 1.500 pages et a mis deux années à être rédigée, NDLR). Sans oublier qu’au niveau fédéral, le cannabis est toujours illégal », cadre Brian Vicente, avocat et architecte principal de « l’amendement 64 », texte légal de loin le plus célèbre du Colorado.

Pas question donc, dans les rues de la capitale ou ailleurs (18 villes autorisent le cannabis non médical dans l’Etat, chaque municipalité ayant le choix d’accepter ou non la substance sur ses terres, NDLR), de s’allumer un joint : vous risqueriez une amende de minimum 170 dollars.

 

Même topo dans une chambre d’hôtel. Seule la consommation à « la maison » est autorisée. « En vrai, c’est un peu différent. Légalement, il n’y a que deux endroits dans la ville où vous pouvez consommer ce que vous venez d’acheter. Et quelques dizaines d’autres où cela est toléré. En gros, dans ces boîtes ou lieux “culturels”, la police ne vous ennuiera pas, même si, techniquement, vous êtes en infraction », précise Thomas Mitchell, journaliste pour Westword, canard local spécialisé dans la substance, qui se porte très bien parce qu’il est l’un des seuls médias à autoriser la publicité des « dispensaires ».

 

Parmi ces zones de « non-droits », on notera les bus de « 420 tours », dont le patron a eu la bonne idée de créer, dès 2014, des excursions d’un nouveau genre. Pour quelques dizaines de dollars, un guide vous emmène par petits groupes en camionnette visiter des champs, faire du shopping ou encore réaliser des activités inédites comme cet atelier pour apprendre à « rouler des sushis et des joints ». Pour occuper les touristes entre les haltes, le matériel embarqué à bord permet de « se divertir » en toute discrétion… En 2017, 87 millions de personnes ont visité le Colorado, une affluence record pour cet Etat d’à peine 5,7 millions d’habitants !

 

« Au moins, on ne met plus les blacks en prison pour ça »

Bien que difficiles à isoler d’autres données et phénomènes – ces dernières années, notamment, l’industrie technologique, comme dans d’autres villes de taille moyenne aux Etats-Unis, est arrivée à Denver, avec son dynamisme, ses millions de dollars de capitaux à risque et ses ingénieurs –, les effets de la marijuana sur le Colorado sont impossibles à ignorer. En cinq ans, la vie sociale et économique y a été profondément chamboulée. Avec des effets positifs et négatifs selon où le regard se pose.

« Ce n’est pas un secret : nous avons un énorme problème de racisme aux Etats-Unis. A Denver, les abus de la police envers les communautés noires et latinos sont de notoriété publique. L’herbe était un bon prétexte pour persécuter ces personnes. Jamais un blanc n’aurait été arrêté pour possession ! Au moins, depuis la légalisation, les flics sont obligés de mieux de se tenir », explique Stéphanie Roberts, professeure à l’Université du Colorado. Le juriste Brian Vicente l’assure : la décriminalisation était l’une des premières motivations de ses équipes de lobbyistes et des élus. Avant le développement économique et industriel du pays. « Chaque année, rien qu’aux USA, un million de personnes sont arrêtées pour possession de marijuana. C’est une énorme perte de temps et d’argent pour les pouvoirs publics. Il s’agit du stupéfiant le plus consommé de la planète, il faut voir la réalité en face. Le Colorado n’est qu’une étape. »

 

Dans les rues et commerces de la capitale, on croise peu de gens opposés à la réforme. Qu’ils soient ou pas, consommateurs. Dania, 25 ans, vendeuse de fringues dans une boutique du centre, est « une fumeuse du week-end ». « Le samedi, je me sentais obligée de boire de l’alcool avec mes amis. Mais je n’aime pas ça. La marijuana me permet d’être bien, de m’éclater. Au volant, c’est bien moins dangereux. Personne n’est jamais mort d’une overdose de “beuh”, non ? ».

Sa consommation est comme pour beaucoup de jeunes gens purement récréative. « Pour mon père, ancien ouvrier qui a de graves problèmes de dos, la marijuana, c’est autre chose. Ça l’a sauvé. Avant, on lui avait prescrit des antidouleurs dérivés d’opiacés. Je suppose que vous connaissez les dégâts que ça peut faire… ».

 

Outre Atlantique, la crise des opiacés fait des ravages. Héroïne, fentanyl, analgésiques dérivés et délivrés sous prescription médicale ont été impliqués dans 47.600 décès par overdose en 2017, soit six fois plus qu’en 1999. « Les gens travaillent à l’usine, se blessent, n’ont pas d’assurance santé. On leur prescrit des analgésiques hors de prix, ils deviennent accros et passent à l’héroïne parce que c’est moins cher. Ce n’est pas plus compliqué que cela. La marijuana médicale était déjà un vrai substitut. La vente hors prescription et la possibilité de faire grandir des plantes à la maison a rendu la substance accessible à tous », témoigne le journaliste Thomas Mitchell.

Au département de la santé publique, on se refuse cependant, faute de données, à analyser, à commenter ce potentiel glissement des consommateurs. « Mais désormais, la recherche médicale est bien plus intensive, facilitée par la légalité du produit et l’afflux de capitaux », acquiescent les responsables.

 

« Je vis dans ma voiture »

Autre boom, économique, après celui du tourisme : celui de l’industrie et, par ricochet, du marché de l’emploi. Selon le nouveau gouverneur, entré en fonction le 9 janvier dernier – le très pro-cannabis et démocrate Jared Polis –, le business de la marijuana a directement créé 23.000 jobs dans l’Etat entre 2014 et 2017. Mais qui dit aussi nouvelle industrie florissante et investisseurs, dit aussi effets collatéraux sur la population locale.

 

L’Etat comme les pouvoirs locaux y trouvent bien sûr leur compte. Depuis la légalisation, les producteurs et vendeurs de marijuana affichent un chiffre d’affaires de 6 milliards de dollars, en forte croissance annuelle. « Le Colorado a encaissé un sixième de la somme », assure Jim Burack, directeur de la division spéciale « marijuana » du fisc. Dont une bonne partie a financé l’encadrement et les contrôles sur le terrain. Mais comme promis à l’époque du vote de la population en 2012, le reste des bénéfices est investi dans les écoles publiques, les projets sociaux et l’amélioration de l’accès aux soins de santé. « Oui, les pouvoirs publics tiennent leur promesse. Mais rien qu’au niveau de l’école publique, il manque 7 milliards de dollars de financement au Colorado. L’effet est positif mais à relativiser », glisse Thomas Mitchell.

 

Ironie du sort : ce sont ces mêmes populations fragilisées, visées par les nouveaux programmes d’aide sociale, qui souffrent le plus des évolutions induites par la légalisation. Le Colorado reste peu peuplé… mais il se peuple de plus en plus : sur l’ensemble des Etats-Unis, la zone affiche la deuxième croissance démographique. L’effet est encore plus sensible à Denver, qui a attiré plus de 80.000 nouveaux habitants depuis 2014 (sur un total de 700.000 aujourd’hui). « Je vis dans mon taxi depuis quelques mois parce que mes filles sont parties étudier ailleurs et que mon loyer a trop augmenté, je ne pouvais plus payer », explique Gloria, chauffeuse agréée. « Le cannabis, c’est une industrie de blancs, il faut bien le comprendre. Il faut aujourd’hui être très riche pour y entrer et les riches, les jeunes cools, ils arrivent en masse dans la capitale. Moi je vivais à Five Points, c’était abordable, aujourd’hui, c’est devenu “tendance”… ».

 

A Denver, les buildings sont de plus en plus nombreux et de plus en plus hauts, échafaudages et grues sont omniprésents mais l’offre en nouveaux appartements est essentiellement luxueuse. Five Points, quartier « black » et populaire à l’origine, est l’un des meilleurs exemples de la gentrification et de la croissance peut-être trop rapide de la capitale. Au 1er janvier 2014, le prix médian à la location d’un deux chambres à Denver était de 1.380 dollars. Aujourd’hui, on est passé à 1.836 dollars, soit une hausse de 33 %. Le salaire de Gloria n’a pas augmenté aussi vite. Le Colorado est désormais l’Etat qui affiche le troisième plus haut taux de familles sans domicile fixe aux Etats-Unis, selon un rapport fédéral. A méditer, sans avoir l’esprit enfumé.

 

Le comportement des consommateurs a-t-il évolué en 5 ans?

A.C.

Selon le département de la santé, il n’y a pas d’augmentation sensible à constater depuis la légalisation pour usage récréatif de la consommation de cannabis par la population du Colorado. « L’usage chez les plus de 18 ans est stable entre 2014 et 2016, avec 13,5 % de la population qui a consommé la substance durant les 30 derniers jours. Nous avons cependant constaté la première hausse de consommation en 2017 avec un pourcentage de 15,5 % », précise Shannon Barbare, responsable de la communication.

Même constat en ce qui concerne l’usage de la substance chez les adolescents avec un taux stable de 19,4 % chez les collégiens en 2017. L’un des grands débats actuels – depuis 2016, suite à des plaintes, emballages et étiquetages des produits ont été renforcés et les « comestibles » contenant du THC sont également désormais soumis à une législation stricte, au niveau de leur composition et commercialisation – porte sur l’usage de la marijuana au volant. Encore plus complexe à réguler que la consommation d’alcool à ce niveau. Un nombre croissant d’accidents de la route n’a cependant pas été constaté ces dernières années dans l’Etat.

La marijuana au Colorado: quelques chiffres

A.C.

5 ans

C’est l’âge de la loi sur la légalisation du cannabis pour un usage adulte et récréatif au Colorado. Pionnier mondial en la matière.

65 %

C’est la proportion des ventes de cannabis pour un usage récréatif. Plus populaire donc que la marijuana pour usage médical, délivrée sous couvert d’une ordonnance.

6 milliards

C’est le chiffre d’affaires, en dollars, sur 5 ans de l’industrie.

927 millions

En dollars, c’est le montant de taxes encaissé par l’Etat depuis le 1er janvier 2014.

31 %

C’est le niveau de taxation de la marijuana pour un usage récréatif dans la capitale, Denver. 15 % des recettes reviennent à l’Etat, le solde à la ville.

3.000

C’est le nombre de licences actuellement accordées par l’Etat pour vendre et/ou produire de la marijuana à usage médical et/ou récréatif.

28

Grammes ou une « once » : c’est la quantité maximum de cannabis autorisée par personne et par transaction au Colorado.

25

C’est le prix de départ, en dollars, d’un gramme de « beuh » classique à Denver.

500

En tonnes, c’est la production de marijuana du Colorado en 2017.

L’avocat: «Trump va légaliser le cannabis avant la fin de son mandat»

A.C.

Brian Vicente est l’un des architectes principaux de l’amendement 64, la loi la plus célèbre du Colorado. Il a également collaboré avec son cabinet d’avocats spécialisés aux neufs autres textes autorisant la production et la commercialisation du cannabis Outre-Atlantique. Son dernier combat : légaliser la substance au niveau fédéral. Et à ce niveau, l’avocat spécialisé est plutôt « confiant ».

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« Depuis le départ, notre stratégie est “bottom up”  : légaliser d’abord au niveau d’un Etat, puis au niveau d’autres – on en est à 9 aujourd’hui –, pour ensuite obtenir le “go” au niveau fédéral. Nous avons créé une pression. Notre lobby à Washington est intense. La marijuana sera autorisée au niveau fédéral d’ici à 18 mois, j’en suis certain. Trump a besoin de faire au moins quelque chose de bien durant son mandat (rires). Plus sérieusement, l’idée sera celle de la tolérance : chaque état aura le choix de légaliser ou pas, mais il sera écrit dans la loi que le fédéral ne peut pas poursuivre. Les poursuites criminelles ne seront plus possibles, ce qui est le plus important. »

Le fisc local: «Nous assumons que le marché noir, à destination, surtout, de l’extérieur de l’état, existe»

Mis en ligne le 26/04/2019 à 18:21

Par Amandine Cloot

 

Jim Burack est à la tête du MED, pour « marijuana enforcement division ». Un département à l’intérieur du fisc qui a été spécialement mis sur pied pour encadrer production et commercialisation de la marijuana sur le terrain. Ainsi que percevoir les taxes sur la substance. Entretien.

Le fisc local: «Nous assumons que le marché noir, à destination, surtout, de l’extérieur de l’état, existe»
DR.
 

Quel est le niveau de taxes prélevées par l’Etat du Colorado sur la marijuana ?

Le cannabis médical est le moins taxé, à 2,9 %. Mais il faut une ordonnance pour s’en procurer. Le cannabis récréatif est taxé à 15 % par l’Etat et, généralement, mais cela varie de ville en ville, il faut ajouter environ, parfois plus, 15 % de taxes prélevées par l’autorité locale. Puisque chaque municipalité choisit de légaliser ou non. Il faut préciser que 65 % des ventes totales sont « récréatives ». La production est imposée également à 15 %. Nous estimons depuis le 1er janvier 2014, le chiffre d’affaires de cette industrie à 6 milliards de dollars. Notre département a encaissé 927 millions de dollars de taxes sur la période : l’amendement 64 qui régularise la consommation, la vente et la production de marijuana pour un usage récréatif a été écrit sur l’idée d’allouer le produit de cette industrie à la population. C’est un business en croissance qui ne faiblit pas.

 

Créer une législation à partir de rien, sans aucun précédent, cela a dû être complexe, non ?

Il a fallu deux ans après le référendum de 2012 pour mettre en œuvre la loi. Le texte qui organise la légalisation fait 1.500 pages. Auxquelles il faut ajouter chaque légalisation locale. L’encadrement a déjà beaucoup évolué sur 5 ans et cela va continuer. Notre travail est, par définition, complexe parce que la marijuana est toujours illégale au niveau fédéral. Notre mission est de protéger la santé publique, mais en organisant tout tout seuls, au niveau de l’état même. L’un des objectifs était bien sûr d’anéantir le marché noir pour le remplacer par un produit contrôlé et de qualité : nous devons donc savoir d’où vient chaque dollar investi, c’est un travail de titan.

 

Sur le terrain, comment s’organisent les contrôles ?

Nous accordons des licences (pour la vente médicale et/ou récréative et pour la production, NDLR). Ces licences sont payantes et ne sont pas limitées en nombre au niveau de l’Etat mais chaque autorité locale fixe son quota. On en compte environ 3.000 aujourd’hui au Colorado pour un total d’un peu plus de 1.000 dispensaires (lieux où la vente, parfois également la production, est autorisée, NDLR). Les conditions sont strictes pour se lancer dans un tel business : il ne faut, par exemple, aucun casier judiciaire depuis 10 ans en lien avec la drogue, depuis 5 ans avec d’autres délits. Les licences doivent être renouvelées chaque année, nous examinons et réexaminons chaque demande. Le financement est extrêmement réglementé aussi, aucune société cotée et seul un nombre limité d’investisseurs étrangers sont autorisés par exploitation. Chaque entreprise est auditée complètement par nos soins tous les trois ans. Chaque employé travaillant dans l’industrie de la marijuana doit également obtenir un badge auprès de notre administration. Le but est bien sûr de contrôler toute la chaîne, de savoir qui fait quoi, comment et où, en temps réel.

 

Et au niveau de la production ?

Nous avons mis sur pied un système de « tracking » depuis la graine jusqu’à la vente en dispensaires. Chaque plante possède ainsi une identité propre que nous pouvons tracer durant toute sa vie. Nous connaissons l’exact état de chaque stock de chaque magasin. Nous devons également à tout prix éviter la surproduction, veiller à ce que l’offre et la demande soient parfaitement équilibrées. Pour éviter le marché noir. Puisque l’on ne peut pas encourager les producteurs à vendre ailleurs. Nous limitons également le nombre de plantes par production.

 

Quid de l’état actuel du marché noir ? Des éventuels abus ?

Nous assumons que le marché noir, à destination, surtout, de l’extérieur de l’Etat, existe. Notre job est de le limiter un maximum. Localement, nous avons peu de délits, la législation est respectée. Le postulat de départ fonctionne : la qualité de la production est contrôlée via une série de laboratoires accrédités ; le consommateur est rassuré, il préfère acheter un produit sûr dans un endroit autorisé ; le marché légal l’emporte sur le marché illégal. Les abus les plus constatés portent sur la production personnelle de marijuana autorisée, certains en jouent.

 

Source: plus.lesoir.be

 

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