Cannabis thérapeutique en Creuse : « Un hectare de chanvre peut rapporter dix fois plus qu'un hectare de blé »

Cannabis thérapeutique en Creuse : « Un hectare de chanvre peut rapporter dix fois plus qu'un hectare de blé »
Par mrpolo ,

Entre un feu vert de l’agence du médicament (juillet) et le lancement d’une mission parlementaire (rentrée), les deux élus creusois en pointe sur le cannabis thérapeutique, Jean-Baptiste Moreau et Éric Correia, se sont retrouvés samedi à Saint-Marc pour faire le point sur leur combat.

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J.-B. Moreau et Eric Correia accueillis samedi 3 août à Saint-Marc-à-Loubaud par J.-Luc Léger. © Floris Bressy
 

Malgré le beau temps, il y avait plus de monde dans la salle de la mairie que sur les plages de Lavaud-Gelade juste à côté. Samedi après-midi, la 13e édition du festival du film paysan de Saint-Marc-à-Loubaud connaissait un temps fort entre deux projections : un échange sur le cannabis thérapeutique, en présence d’Éric Correia (conseiller régional) et de Jean-Baptiste Moreau (député).

Se poser les bonnes questions 

C’était l’une des premières fois que les deux principaux promoteurs de cette légalisation se livraient, ensemble, à un exposé public aussi complet sur le projet, dans lequel tous espèrent que la Creuse tire de précieux bénéfices.

En effet, ainsi que devait le rappeler en introduction Jean-Luc Léger, maire et initiateur du festival, le cannabis thérapeutique est non seulement porteur d’espoirs en matière médicale mais représente aussi un enjeu agricole et donc économique pour tout le département.

Le festival du film paysan de Saint-Marc-à-Loubaud

Un chiffre, marquant, a d’ailleurs été avancé par le député Moreau pour illustrer cet aspect : « la marge du producteur sur un hectare de chanvre – le nom usuel du cannabis N.D.L.R. – pourrait être dix fois supérieure à celle réalisée sur un hectare de blé, c’est-à-dire qu’elle passe d’environ 300 euros à près de 2.000 euros ».

Et d’estimer que « l’agriculture creusoise, très spécialisée dans l’élevage bovin, en est beaucoup trop dépendante d’autant qu’il est frappé par une crise structurelle depuis des années. Il faut donc se poser les bonnes questions. Quand vous parlez de certaines diversifications, au départ on se moque de vous. Mais quand vous annoncez ce chiffre sur le cannabis, tout de suite ça commence à causer ! »

La profession, avec laquelle le député-paysan ne file pas toujours (et surtout en ce moment) le parfait amour, accueillerait-elle la “perspective cannabis” avec trop de tiédeur ?

Faire bouger les mentalités

« Il est en tout cas souhaitable que la Chambre d’agriculture se penche sur le sujet, confie Jean-Baptiste Moreau. Je constate d’ailleurs qu’il y a dans chacun de mes déplacements désormais, un ou deux agriculteurs qui me posent des questions sur cette culture… »

C’est peut-être l’expérience professionnelle qui parle : le député entrevoit notamment des formes coopératives pour permettre les investissements nécessaires (en outil de production, en matériel de récolte…) ou pour commercialiser la production.

Éric Correia devait rappeler de son côté que la culture du chanvre fut jadis très présente dans le département pour des usages industriels, et cela jusqu’à récemment.

 

Une culture traditionnelle qui a été diabolisée

« Le problème est qu’on a fini par diaboliser cette plante pour ses effets psychotropes », a regretté l’élu régional avant d’évoquer, lui aussi, les freins institutionnels rencontrés depuis qu’il a lancé l’idée de la légalisation, à l’automne 2017.

Depuis, l’infirmier anesthésiste de profession a pesé de toutes ses connaissances scientifiques pour faire bouger les lignes culturelles. En résumé : la molécule qui est plébiscitée quand on roule un joint n’est pas celle qui sert pour faire le médicament.

Considérer que la légalisation du thérapeutique serait la porte ouverte à celle du récréatif est donc un « non-sens ». Et aussi un paradoxe, puisque la France produit déjà de l’opium pour la plupart de ses antidouleurs…

Éric Correia

« Il ne s’agit pas d’opposer les médicaments mais de faire comprendre qu’ils sont complémentaires. Certains patients ont plutôt besoin du cannabis, qui est plus doux. D’autres ne tolèrent même pas l’opium », schématisait Éric Correia.

Des points que Jean-Baptiste Moreau a bien l’intention de faire ressortir dans la mission d’information qu’il va conduire à l’Assemblée dès la rentrée.
« Tout remettre à plat, démythifier » : c’est le seul moyen, estime-t-il, pour lever les réticences qui subsistent pour l’usage thérapeutique.

Expérimentation du cannabis thérapeutique par les patients, la Creuse est prête à produire (juin 2019)

Mais à supposer que le combat aboutisse, reste à savoir si la Creuse sera, vraiment, la première à bénéficier de cette petite révolution verte. Par exemple, ne se fera-t-elle pas souffler la priorité par d’autres régions où l’appareil productif en maraîchage est mieux développé ?

La Creuse peut-elle avoir l’exclusivité ?

J.-Luc Léger questionnait lui-même : « pourrait-on empêcher d’une façon ou d’une autre la production et la transformation ailleurs qu’en Creuse ? » En législateur, Jean-Baptiste Moreau devait répondre que « cela semble compliqué »… Avant de confier que le contexte du PPC doit aider à favoriser les projets creusois avant les autres.

D’ailleurs, c’est aux deux élus creusois que de grandes entreprises pharmaceutiques se sont adressées pour venir travailler en France…

Et le député de dégainer un dernier chiffre : « En générant 20 à 30 milliards d’euros, cette nouvelle filière serait équivalente à celle du tournesol… Il y aurait donc largement de la place pour les agriculteurs creusois. »

Floris Bressy

 

Source: lamontagne.fr


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