Leçons sur l'industrie du cannabis aux États-Unis


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Aux États-Unis, des associations et des entreprises s’initient au commerce du cannabis au gré de l’assouplissement des lois étatiques.

 

Bob Calkin prend le micro pour s’adresser à son audience, du haut de sa petite scène, dans la salle de conférence du Sheraton Hotel de Miami. Ce cinquantenaire, arborant fièrement son bandeau rock des années 1980, était le baron de la marijuana à Los Angeles, et facture désormais 299 dollars par tête à chacune de ses apparitions au cours desquelles il apprend à gagner beaucoup d’argent en vendant de la weed – ou plutôt, en « prescrivant des médicaments ». Peu avant 9 heures, un samedi matin, 150 aspirants barons se sont précipités pour assister à cette leçon inaugurale de 10 heures, préparée par l’entreprise de Calkin, le Cannabis Career Institute.

 

Ce dernier vient de faire payer 45 000 dollars à son assemblée, pour une simple journée de boulot. « Si je voulais obtenir une licence m’autorisant à cultiver de la marijuana, je n’y inscrirais sûrement pas “Service de livraison de marijuana” sur le formulaire. Ce serait me rendre coupable au niveau administratif. Au lieu de cela, j’y noterais “Livraisons de soins de santé à domicile”. C’est neutre, et cela reste honnête », suggère-t-il à son audience.

 


 

Son discours est adressé au monde étrange de l’industrie du cannabis thérapeutique. L’herbe reste toujours illégale sur le plan fédéral mais est désormais légalisée comme médicament dans plus de 21 États, et en tant que drogue récréative dans deux États. En attendant, les comtés, les villes et les centres administratifs tentent tant bien que mal de réguler cette industrie qui est passée en très peu de temps du statut d’aventure illégale à celui d’entreprise rentable et respectable. En novembre, la Floride aura la possibilité de devenir le 22e État à légaliser le cannabis thérapeutique, si plus de 60 % des votants approuvent l’amendement à la Constitution de l’État. Le bulletin de vote stipule que le comté annulerait les poursuites pour les personnes ayant des « prédispositions à la dépression », pour leurs pharmaciens et personnels soignants ainsi qu’envers les centres de prescription de marijuana, inscrits sur le registre de l’État.

 

L’amendement spécifie que le département de la santé aura six mois pour s’affranchir des nouvelles régulations, qui implique de trouver la définition de ce qu’est une « dose appropriée » de cannabis par patient. Il aura neuf mois pour commencer à distribuer des badges d’identification, nécessaires pour recevoir ces prescriptions.

 

Dans cet amendement, la « prédisposition à la dépression » englobe le VIH, le SIDA, l’hépatite C ainsi que la maladie de Crohn, la sclérose latérale amyotrophique, la maladie de Parkinson et « toute autre condition dont la prescription par un pharmacien serait dans l’intérêt du patient et de sa santé ». En supposant que l’amendement soit adopté (et les chances sont nombreuses puisque les intentions de votes se situent entre 64 et 78 %), quiconque entreprendra une affaire liée à la marijuana sera capable d’engendrer des sommes faramineuses. Dans le Colorado, les ventes de marijuana ont rapporté 328 millions de dollars l’année dernière.

 

En Californie, c’était plus d’un milliard. Une étude financée par le Département du Budget a calculé qu’en Floride, les revenus étaient estimés entre 137 millions et 5,6 milliards de dollars par an.

 

Ces aspirants-entrepreneurs salivent déjà. Calkin a fait salle comble trois séminaires de suite, huit autres sont encore prévus jusqu’au jour de l’élection. À la conférence du 15 mars de Miami, on pouvait voir des femmes élégamment maquillées, en costume-cravate et portant des sacs à mains de luxe, assises à côté de rastas aux longues dreads. Avocats, docteurs et employés de banques côtoient entrepreneurs, bricoleurs, ou des types comme Dennis Vallardis, un pêcheur de langoustes trop exposé au soleil, originaire de Key Largo. 

 

Mark Santiago, 42 ans, commercial dans l’immobilier, désire ouvrir un centre de prescriptions dans le centre-ville de Miami, et prétend avoir l’ascendant sur ses concurrents, grâce à des « décennies d’expériences dans la culture de cannabis haut de gamme ». Il a déjà passé un marché avec Calkin pour devenir son fournisseur dans le sud de la Floride. « J’ai un solde à 8 chiffres sur mon compte bancaire. Je suis prêt à franchir le pas et entrer dans la cour des grands », parade Santiago.

« Je suis venu pour découvrir comment me faire de l’argent et créer des emplois. » Dennis Vallardis

 

 

Une fois de plus, la bulle spéculative autour de l’industrie du cannabis pourrait rapidement éclater. Tout dépend comment les lois et les régulations s’appliqueront à chaque niveau du gouvernement. L’histoire l’a déjà montré dans d’autres États : la route sera longue et parsemée d’embûches. Une chose est sûre : pour réussir dans les affaires, il ne suffira pas simplement de réaménager la chambre du petit dernier en plantation.

 

 

L’histoire du cannabis thérapeutique

 

 

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Campagne pour la légalisation.

 

 

Les Floridiens ont cette opportunité unique de voter pour l’adoption du cannabis thérapeutique pour une seule et bonne raison : l’argent. Il faudra 3 ou 4 convois de fonds remplis de billets verts pour rassembler avec succès les signatures nécessaires afin que l’amendement soit ouvert au vote, puis adopté. La Californie est devenue le premier État à avoir légalisé la marijuana en 1996 grâce à six milliardaires qui avaient financé les 2 millions de dollars de frais de campagne, de leurs poches. Depuis, c’est vingt nouveaux États qui se sont joints à la fête.

 

L’association citoyenne pro-cannabis People United for Medical Marijuana, la plus importante du comté de Floride, en était à son troisième coup d’essai début 2013. L’association n’était parvenue qu’à collecter 31 193 signatures, bien en-dessous des 555 618 signatures requises. L’objectif aurait été impossible à atteindre sans l’injection de grosses sommes d’argent.

 

Mais en effet, People United for Medical Marijuana avait réussi à retourner l’opinion publique en sa faveur. L’association était accréditée du vote de 600 membres, et les résultats s’avéraient être plutôt inattendus. Sept Floridiens sur dix, parmi les démocrates, les républicains et les indépendants, ont voté en faveur de la légalisation. Le chef de campagne pour People United, Ben Pollara, a correctement utilisé son carnet d’adresses.

 

Ce consultant basé à Miami, également conseiller d’Hillary Clinton et de Barack Obama, a fait la rencontre de John Morgan, un remarquable avocat établi à Orlando, qui empocha 672 000 dollars durant la réélection d’Obama. « Ben m’a montré le résultat du vote », nous raconte Morgan par téléphone, avec une voix sirupeuse, aux accents du Kentucky. « 7 sur 10. J’adore cette cote » Morgan raconte au New Times comment il a soutenu cette industrie, car elle a permis à son frère tétraplégique d’atténuer sa souffrance. « Il avait des spasmes dorsaux très violents. Le cannabis était le seul remède efficace. »

 

Son père, désormais décédé, se soignait également au cannabis : il souffrait du cancer et d’une destruction des voies aériennes. Il était constamment alimenté par des machines et relié à des médicaments qui ne pouvaient pas le soulager.

 

« Morgan forma un nouveau collectif associatif appelé United for Care et parvint à lever près de 5 millions de dollars de fonds. »

 

Morgan forma un nouveau collectif associatif appelé United for Care et parvint à lever près de 5 millions de dollars de fonds, par le biais notamment de son cabinet d’avocats et de certains de ses proches. L’unique autre principal donateur était Coral Gables, une association caritative emmenée par la Démocrate Barbara A. Stiefel, qui injecta 250 000 dollars dans United for Care. Morgan est devenu la voix et le visage de la campagne dans toute la Floride, à la radio comme à la télévision.

 

Les Républicains accusent Morgan de s’être approprié la mesure sur le cannabis pour favoriser son candidat, Charlie Crist, et ainsi prendre l’avantage sur Rick Scott pour devenir le futur gouverneur de l’État. Lors d’une interview pour le Businessweek, Alex Patton, consultant politique républicain basé à Gainesville raconte : « C’est un argument que les Démocrates peuvent utiliser pour renflouer le vote jeune. » Rick Wilson, un des soutiens de Scott, affirme que la mesure sur le cannabis changerait complètement la donne pour les élections de 2014.Le légendaire Charlie Crist, réputé pour avoir le retournement de veste plutôt facile, a signé la loi sur l’éradication de la culture du cannabis en serre, lorsqu’il était encore gouverneur.

 

Maintenant qu’il est démocrate, il est en faveur du tout-cannabis. Afin de ne pas desservir sa cause et promouvoir celle de Crist, Morgan nie en bloc fumer du cannabis thérapeutique. « Si c’était le cas, je lui ferai simplement un chèque » , explique Morgan. « Je ne suis pas une enflure, comme le déclarent certains. » Si l’amendement est adopté, Morgan affirme qu’il ouvrira le marché au public. « Une fois que ce sera légal, j’en aurai fini. Je ne vais pas me mettre à cultiver des géraniums et encore moins de la marijuana. Donc non, je ne vais pas me lancer dans ce business. »

 

 

Les cours de « culture du cannabis »

 

 

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Des cours à usage thérapeutique, par Sam Hodgson pour le New York Times.

 

 

Dépenser quelques centaines de dollars pour des cours sur l’industrie du cannabis thérapeutique semble être une bonne idée, et certaines écoles essayent déjà d’en tirer profit. David Jones, directeur de la communication pour le Florida Cannabis Network, une organisation à but non lucratif située à Melbourne, nous avertit : « Des pseudo experts tentent de tirer parti des personnes mal-informées. »

 

Certains cours parviennent tout de même à offrir une vision globale, d’autres brassent du vent. Calkin prétend que son Cannabis Career Institute permet aux gens de monter un vrai business, de trouver des partenaires et de recruter des cultivateurs capables de faire pousser du cannabis de très bonne qualité. Une fois que les apprentis ont déboursé les 299 dollars, ils peuvent participer à autant de séminaires qu’ils le désirent. « Dans l’industrie du cannabis, tout est une question de réseaux », rajoute Calkin. « Certaines personnes ne voudront pas travailler avec vous à moins qu’une connaissance commune se porte garante pour vous. Nous établissons le lien entre vous et ces personnes-là. Vous pouvez également devenir un expert consultant après avoir suivi un séminaire. Vous pouvez commencer à faire fructifier votre savoir en donnant des cours. »

 

Après avoir purgé la plus longue peine jamais purgée (30 ans) pour trafic de cannabis, Robert Platshorn est venu répandre l’idée que le cannabis était à recommander pour les personnes âgées. Il a réalisé un documentaire intitulé Mamie devrait-elle fumer de l’herbe ? (Should Grandma Smoke Pot? en version originale) et a un regard d’expert public sur le sujet. Fin mars, Platshorn a organisé son propre séminaire qui s’intitulait « Conférence sur la légalité dans le milieu du cannabis thérapeutique ». Tenue à West Palm Beach, toutes les places ont été vendues malgré les 100 dollars de frais d’inscription, supérieurs à ceux facturés par Calkin. « J’ai fait venir les experts les plus talentueux de l’État et même en-dehors, pour permettre aux Floridiens d’intégrer toutes les critères obligatoires pour se lancer dans la culture du cannabis », déclare Platshorn.

 

« Nous avons un système de notation, nous avons des devoirs, c’est beaucoup de travail. » Jeremy Bufford

 

Un de ses porte-paroles attitrés, Jeremy Bufford, affirme être le fondateur de la première école non-itinérante du monde du cannabis thérapeutique. En février dernier, cet autodidacte autoproclamé de 33 ans a rejoint l’école de cannabis thérapeutique de Tampa, située dans un bâtiment d’entreprise, qui abrite également une église au premier étage et des bureaux vides dans les étages supérieurs.

 

Son site web indique qu’il propose des cours en ligne sur le cannabis thérapeutique pour 499 dollars, dirigés par deux « professeurs », l’un d’entre eux étant le major de promo de l’Université d’Oaksterdam, une école cannabique située à Oakland, en Californie. En mars dernier, Bufford affirmait au New Times qu’il allait ouvrir une université à Miami en avril et qu’il ouvrirait 15 dispensaires dans toute la Floride. « Il n’y a pas d’alternative au bachotage, et puisque nos élèves vont nous vendre certains de leur savoirs acquis dans le futur, nous avons une part importante dans leur réussite », déclare-t-il. « Nous avons un système de notation, nous avons des devoirs, c’est beaucoup de travail. »

 

Rachel Dyaos, la directrice de l’école cannabique de Tampa, révèle que l’entreprise n’est plus sur le point de « matérialiser » une école à Miami. À la place, l’école a organisé un séminaire intensif qui s’est tenu les 17 et 18 mai à Miami. À cette époque, elle n’était pas en mesure de nous indiquer où précisément. « Nous n’avons pas encore signé de contrat avec le propriétaire du lieu de réception » ajouta-t-elle.

 

 

Les agents fédéraux

 

 

Les universités cannabiques feraient sûrement payer une fortune pour ce que je vais raconter gratuitement : le cannabis reste toujours illégal au niveau national, ce qui peut être source de bon nombre de problèmes.

 

Tout d’abord, les banques demeurent réticentes à l’idée d’ouvrir des comptes bancaires ou d’allouer des prêts pour les entreprises liées de près ou de loin au trafic de cannabis, de peur qu’Oncle Sam les poursuive en justice pour blanchiment d’argent ou trafic de drogues. Mais encore, la marijuana est toujours interdite au transport au-delà des frontières régionales, à cause des lois qui pèsent au niveau national. Il sera impossible d’acheter de la marijuana à un cultivateur californien le jour suivant l’élection. Si la motion est adoptée, les cultivateurs vont devoir partir de rien.

 

Cela dit, les agents fédéraux bataillent déjà contre ces lois litigieuses au niveau inter-institutionnel. Dans un mémo datant de 2009, le vice-procureur général David Ogden expliquait que le gouvernement ne poursuivrait pas les individus respectant la législation des États, à condition qu’ils respectent ces 7 commandements :

  • Tu ne posséderas pas d’armes à feu.
  • Tu ne commettras pas d’actes violents.
  • Tu ne vendras pas de cannabis à des enfants sans qu’ils aient d’ordonnance.
  • Tu ne blanchiras pas d’argent provenant des ventes de cannabis.
  • Tu ne posséderas et ne vendras aucune autre drogue.
  • Tu ne cultiveras pas plus de marijuana que ce que la loi préconise.
  • Tu n’établiras aucune relation commerciale avec des entreprises criminelles.

Les agents de la DEA, les stups américains, sont constamment aux aguets pour repérer ce type de violations. Entre 2009 et 2012, les fédéraux ont effectué des raids dans plus de 100 dispensaires en Californie. En novembre dernier, les agents de la DEA sont descendus dans une douzaine de dispensaires de Denver qu’ils suspectaient de blanchiment d’argent et de trafic en-dehors des frontières du Colorado. Rien qu’en avril, la DEA a fermé quatre dispensaires à Los Angeles.

 

En somme, si l’on désire monter une entreprise de cannabis thérapeutique, il ne faut pas essayer de passer pour un gangster. Toute entreprise ouvrant fin 2015 aura le potentiel pour devenir bénéficiaire, en vendant de l’herbe à des patients inscrits sur le registre médical. Dans le cas du sud de la Floride, on pourrait être tenté par une épopée à la Tony Montana : mieux vaut ne pas tomber là-dedans.

 

 

Choisir un business model

 

 

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Un sachet de marijuana prêt à la vente dans un coffe-shop à Northglenn, dans le Colorado, par Rick Wilking pour Reuters.

 

 

L’amendement de la Constitution stipule que la législation de l’État doit s’adapter avant le premier mai 2015, et que les cartes devront être délivrées avant le mois d’août. Les lois sur le cannabis thérapeutique diffèrent légèrement dans les 21 États ayant de nouvelles lois sur l’herbe, mais selon la législation locale de ces États, il y aura deux manières de gagner de l’argent. Un individu ou une société sont autorisés à monter un dispensaire ou un « centre de traitement par le cannabis thérapeutique », de faire pousser du cannabis et le stocker, ainsi que de vendre d’autres produits à base de cannabis, dans l’alimentaire, l’huile de cannabis ou encore les pommades.

 

« Je ne connais pas un seul assureur qui ait déclaré rembourser les prescriptions des patients. Principalement parce que c’est toujours illégal au niveau fédéral. » Kris Hermes

 

Pour la petite entreprise familiale, l’option « aide-soignante » est celle qui s’y prête le plus, une fois les casiers judiciaires passés au crible, pour commencer à vendre de l’herbe. Ou plutôt, à « délivrer des médicaments », et cela jusqu’à cinq patients. L’amendement proposé interdit formellement de distribuer des échantillons destinés aux patients.

 

L’étude sur l’impact financier attendu en Floride prouve que plus de 250 351 soignants et 1 789 centres de traitement seraient nécessaires pour soigner les 417 252 patients prévus. De plus, afin d’autoriser le travail des dispensaires et du personnel soignant, 15 États autorisent les patients à cultiver leur propre herbe, en imposant tout de même certaines restrictions : il faut que le patient atteste de difficultés financières, ou que le dispensaire le plus proche se trouve à plus de 40 kilomètres. Le Département de la Santé de Floride va tenter de déterminer qui sera en droit de cultiver des plants de cannabis et dans quelles proportions.

 

En plus de ces régulations mises en place par le département, la législature de l’État ainsi que les villes et les comtés, pourraient instaurer des lois supplémentaires.

 

En fin de compte, de combien de revenus parle-t-on ici réellement ? Une fois le nombre de patients établi et leurs besoins réels, il sera possible de véritablement donner un chiffre. Les dispensaires à travers le pays font payer entre 20 et 60 dollars les 5 grammes, l’équivalent de trois à quatre joints, selon Kris Hermes, un porte-parole pour Americans for Safe Access, une organisation nationale qui fait la promotion du cannabis thérapeutique. Les prix sont plus ou moins égaux à ceux que l’on trouve dans les rues de Floride : environ 50 dollars les 5 grammes. « En Californie, la plus puissante des marijuanas peut se vendre au détail à 400 dollars.

 

Cette dose tiendrait deux ou trois mois pour un seul patient. Pour un autre, peut-être deux semaines seulement », affirme Hermes. Mais les patients vont devoir payer l’herbe de leur poche. Les assurances santé ne couvrent pas les frais médicaux liés au cannabis. « Je ne connais pas un seul assureur qui ait déclaré rembourser les prescriptions des patients. Principalement parce que c’est toujours illégal au niveau fédéral », complète Hermes.

 

 

Trouver un associé dans un autre État

 

 

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Le Colorado a ouvert ses premiers coffee shops le 1er janvier 2014, pour SIPA.

 

 

Afin d’éviter les nombreux problèmes que peuvent rencontrer les novices, il faut trouver un associé. Surtout que cet associé a peut-être déjà traversé cette montagne de complexité administrative et juridique. Harold Brooks Jr, un dentiste résidant à Véro Beach, a rejoint les instituts de Floride et de Miami le 31 janvier. « Je vois un grand nombre de personnes en chaises roulantes, qui ont des maladies prédisposant à la dépression. Ils ne peuvent pas attendre que le cannabis devienne légal. Ils espèrent sincèrement que le cannabis va les aider à arrêter la Vicodine et les autres drogues auxquelles ils sont accros. »

 

Quand il a décidé de monter ce petit business, il savait qu’il avait quelqu’un à sa disposition pour lui prêter main forte. Son fils, Steve Brooks, possède deux dispensaires et quatre installations pour cultiver du cannabis, dans le Colorado. « Il prévoit d’ouvrir deux dispensaires supplémentaires et vient juste d’ouvrir un coffee shop. Il adore Miami et adorerait en ouvrir un là-bas, si l’usage thérapeutique venait à se légaliser. » raconte Harold.

 

Par téléphone, Steve Brooks nous explique qu’il faisait pousser du cannabis haut de gamme dans des résidences familiales avant que la bulle immobilière n’explose, il y a quatre ans de cela. Il s’est lié avec deux autres cultivateurs pour ouvrir leur premier dispensaire à Denver, fin 2010. « Je suis rentré dans les affaires sans rien savoir sur la question. Je n’avais jamais cultivé de cannabis de ma vie, je n’avais jamais dirigé d’entreprise. J’ai simplement employé une entreprise pour manager et me conseiller sur la production, et j’ai embauché les personnes qu’il fallait pour la vente au détail », nous confie Steve.

 

Les tâches quotidiennes les plus basiques pour les entreprises de distribution normales deviennent bien plus compliquées dans le monde du cannabis. Comme effectuer des dépôts. Steve dit qu’il s’estime heureux d’avoir pu trouver une banque locale, qu’il ne citera pas, qui ait bien voulu le laisser ouvrir un compte. « Notre banque ne le crie pas au grand jour », dit Steve. « Si elle le faisait, elle serait submergée de demandes de la part des entreprises de marijuana médicale. »

 

Ses cliniques n’acceptent pas de chèques, et bien qu’il soit en cours de négociations avec sa banque pour qu’elle accepte les paiements par carte bancaire, il encaisse principalement en espèces pour le moment. Steve n’a pas voulu dire combien cela lui rapporte par jour, mais a révélé qu’il a engagé un service de camions blindés pour venir chercher les recettes quotidiennes.

 

« Cependant, le gouvernement fédéral met la pression aux entreprises de transport blindé afin qu’elles arrêtent de nous proposer leurs services. Ils ont rendu cela plus dangereux pour le public et pour le patron en question. Maintenant nous avons recours à une société de sécurité pour acheminer l’argent, mais nous préférerions le camion blindé. »

 

 

Les lois de la marijuana médicale

 

 

Dans le sud de la Floride, les avocats poussent comme de la mauvaise herbe et proposent leur expertise. Souvent, lors des séminaires sur le cannabis, l’on peut tomber sur des avocats comme Jeff Feiler, un avocat spécialisé en droit pénal basé à Kendall. Feiler, habitué des plaidoiries, cheveux blancs, montre Rolex au poignet, dit qu’il est en train de fonder un cabinet dédié au secteur de la marijuana médicale.

 

En 2009, la fille de Feiler, Allison Feiler, et son ex-femme Loree Schwarz Feiler, juge au comté de Miami-Dade, ont ouvert une clinique à Denver appelée Produits Médicinaux de l’Arbre Vert. « En tant qu’avocat, je les ai aidées à naviguer dans les lois du Colorado », dit Jeff Feiler. « Je me suis assuré qu’elles sachent ce qu’il y avait à faire pour suivre les directives et les réglementations. » Aujourd’hui, l’Arbre vert est sur le point d’ouvrir sa quatrième boutique dans le Colorado.

 

Les avocats qui ont noué des liens forts avec l’Organisation nationale pour la réforme des lois sur le cannabis (National Organization for the Reform of marijuana Laws) montent également au créneau pour la moisson de parrains du cannabis cherchant des conseillers. Norm Kent, un avocat de Fort Lauderdale qui siège au conseil de la NORML, et son partenaire de droit Russell Cormican, ont récemment constitué la SARL Florida Cannabis Consultants LLC. Paul Petruzzi, un avocat de Miami membre de la NORML depuis plus de dix ans, a créé une page Facebook pour la promotion de son projet parallèle, Florida Marijuana Licensing LLC.

 

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Nous sommes payés moins qu’un enseignant. Nous nous trouvons dans une posture où nous devons gagner notre vie pour nos familles.
 » Julian Stroleny

 

En avril, Julian Stroleny et Christopher Pagan, deux avocats de 29 ans, ont démissionné de leurs postes au bureau du procureur général de Miami Dade pour suivre le boom de l’herbe. Pagan, qui a grandi à Fort Lauderdale, a traduit en justice d’importantes affaires criminelles, comme des fusillades, des viols et du trafic de drogue. Quand on lui a demandé combien d’affaires de culture de cannabis il a suivi, Pagan a répondu : « Trop, malheureusement. » Stroleny, originaire de Coconut Grove, s’est occupé de délits mineurs portant sur la drogue, et de délits de conduite sous l’emprise de stupéfiants. « Une proportion importante portait sur le cannabis », affirme-t-il. « En Floride, vous ne pouvez pas vous défendre en invoquant l’usage médical. C’est ce que l’amendement constitutionnel [va changer]. »

 

Stroleny et Pagan ont démissionné pour rejoindre le consulting en cannabis médical pour la même raison que tous les autres : l’argent. Stroleny dit que son père est décédé récemment et qu’il doit à présent aider sa mère et ses frères. Pagan dit qu’il va avoir un bébé. « Le bureau du procureur général ne paie pas très bien », ajoute Stroleny. « Nous sommes payés moins qu’un enseignant. Nous nous trouvons dans une posture où nous devons gagner notre vie pour nos familles. »

 

 

Les votants et les futurs patients

 

 

John Morgan déclare : « Si je dois revenir en 2016 [pour relancer une initiative sur le cannabis à usage médical] je le ferai. » Mais il ne pense pas qu’il va devoir le faire. « Je suis absolument certain que [l’amendement à la constitution] va passer. »

 

Son responsable de campagne, Pollara, a un point de vue plus nuancé : « J’ai des résultats qui montrent qu’il va falloir développer des efforts considérables pour amener les personnes favorables à l’amendement à aller voter et pour convaincre les personnes qui n’ont pas encore d’avis tranché mais qui sont sûrs d’aller au bureau de vote », dit Pollara. « Cela va être une campagne à l’échelle de l’État, avec des affiches dans chaque marché en Floride et une opération de porte-à-porte de grande ampleur. »

 

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Clinique thérapeutique.

 

 

Ceux qui se voient déjà gérer leur clinique se rendent compte qu’il serait raisonnable d’inciter les gens à prendre part au vote. Donc ils montent des associations pour collecter des dons, créent du matériel de campagne, et recrutent des volontaires. Les informations sur les contacts qu’ils établissent pourraient les aider à identifier de futurs patients.

 

Au séminaire sur le cannabis du 15 mars, un opérateur a installé une table pour vendre des t-shirts estampillés au nom de son association, Florida Cannabis Care, avec son logo représentant une croix rouge superposée à une feuille de cannabis dominant une carte de l’État verte. Un homme de 25 ans, mince, cheveux blond, arborant un tatouage « Florida Boy » sur la main, surnommé « Joey Pink » (il nous a demandé de ne pas utiliser son véritable nom de famille) a parcouru 280 km depuis Melbourne pour fourguer ses t-shirts à 20 $.

 

Il nous a dit que les bénéfices seraient utilisés pour soutenir des événements d’enregistrement des votants. « Nous voulons être sûrs de faire notre part du travail », dit Pink. « Nous devons éduquer le public, particulièrement les générations plus âgées, sur les atouts du cannabis médical. » Selon Pink, Florida Cannabis Care fournira du personnel soignant. Il ne veut pas gérer une clinique entière. « Je n’y connaissais vraiment rien en affaires. Je m’étais dit que c’était ce que je voulais faire quand j’ai suivi le séminaire du Cannabis Career Institute à Orlando. »

 

D’autres associations à but non-lucratif, comme la Florida Health Initiative basée à Miami, ont développé des sites web dans le but de trouver des volontaires et récolter des dons. D’après le cofondateur Mario Verde, son groupe crée de la documentation pour la campagne et fait du lobbying à Tallahassee. « Les gens vont obtenir leur cannabis, qu’importe la manière. C’est un fait. En rendant cela légal, au moins vous savez ce que les cultivateurs mettent dedans. »

 

 

Un marché coûteux

 

 

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Culture de marijuana thérapeutique, par GW Pharmaceuticals.

 

 

Lors d’une froide soirée de février à Mile-High City (surnom donné à la ville de Denver), John Knapp déverrouille la porte d’un entrepôt de briques rouges de plus de 8 000 m². Une caméra de sécurité suit ses mouvements. Le parfum de terre humide et froide des plants de marijuana cultivés en environnement contrôlé accueille les visiteurs avec la subtilité d’un bang avec une pipe de deux mètres. Le propriétaire de 28 ans de Good Meds (bons médocs), une entreprise qui gère des cliniques à Boulder et Denver depuis 3 ans, fait la visite guidée de son installation. Il franchit une porte dotée d’un signe avertissant que l’atmosphère de la salle de culture a un « taux d’oxygène faible ».

 

La photosynthèse bat certainement son plein ici. La salle est baignée d’une teinte dorée poussiéreuse provenant d’une batterie de lampes de culture à LED, qui fait pousser une dense forêt de plants de marijuana. « Nous avons environ 4 000 plants dans l’entrepôt quelle que soit la période », dit Knapp. Bien qu’il ne veuille pas donner de chiffre exact, il révèle que ses revenus mensuels se montent à « plusieurs centaines de milliers de dollars ». Il tempère cependant en disant que le coût de production d’une entreprise de cannabis médical s’élève à un nombre à 6 chiffres également.

 

C’est la plus dure leçon à tirer, à laquelle certains producteurs de cannabis médical ne prennent pas garde : il ne suffit pas de brancher des lampes LED dans un entrepôt, de planter une culture, puis de fumer un joint en regardant les plants pousser. Une entreprise réussie demande tout l’argent et les Louis d’or du dépôt de l’oncle Picsou, et même plus encore. Une licence dans le Colorado coûte de 3 000 à 14 000 dollars, et les licences complémentaires peuvent monter à 8 000 dollars de plus.

 

« On ne peut pas aller voir une banque pour n’importe quoi » Mark Santiago

 

L’État demande que chaque lieu de production de cannabis à but médical sous licence soit équipé d’un système de sécurité avec alarme sur tous les points d’accès et les fenêtres, système qui doit lui-même être installé par une compagnie agréée de systèmes d’alarmes. La surveillance doit être effectuée par une compagnie de sécurité qui doit elle aussi être approuvée par les organismes régulateurs de l’État. Les entreprises de cannabis médical doivent en outre placer des détecteurs de mouvements, des détecteurs de pression, et des boutons d’alarme.

 

Knapp et ses associés ont dépensé 60 000 dollars pour mettre en place un système de sécurité répondant aux standards de la régulation sur le cannabis au Colorado. « Nous sommes loin d’avoir toutes nos caméras en action. Chaque fois qu’on essaie de se déployer à une plus grande échelle, cela nous prend 10 000 par-ci, ou 10 000 par-là. »

 

Ils ont dépensé 500 000 dollars en matériel électrique d’un plus haut niveau pour l’expansion de la production. « Nous avons agrandi l’étendue de notre environnement contrôlé, ce qui nous a coûté 250 000 dollars. Nous avons dû faire appliquer un revêtement époxyde au sol de notre salle de séchage. Elle ne fait que 200 m², mais le devis le moins cher était à 8 000 dollars. » Les entrepreneurs dans la filière du cannabis médical doivent trouver des capitaux pour les bâtiments, les graines, les ordinateurs, et autres coûts de démarrage d’activité via des prêts non traditionnels. Les banques étant soucieuses de ne pas se faire attaquer pour blanchiment d’argent, et les investisseurs de Wall Street se tournant à présent vers une petite poignée de startups pour les mêmes raisons, les entrepreneurs comme Knapp sont contraints de se tourner vers la famille et les amis.

 

« On ne peut pas aller voir une banque pour n’importe quoi », dit Mark Santiago, le courtier en immobilier de commerces qui est associé à Calkin. « C’est pour cela que le crime organisé et des organismes douteux ont percé dans le marché. Les investisseurs honnêtes ne se bousculent pas, laissant le secteur mûr pour ces autres abrutis. » Il est préférable d’avoir un investisseur, un riche membre de sa famille ou un prêteur illégal – et qui a une tolérance élevée en matière de risque. « Vous devez les convaincre de risquer encore plus d’argent si tout s’écroule », dit Knapp. « Un investisseur pourrait y perdre tout son argent. »

 

 

Tout perdre

 

 

Il est facile de se perdre en rêves verts, mais confrontés au réel, ils peuvent s’effriter. Le lancement d’un programme de cannabis médical pourrait être cloué au sol par un certain nombre d’adversaires : la législature républicaine, le gouverneur Scott s’il venait à être réélu, ou des élus locaux. D’un côté, les revenus potentiels des taxes sont de la chair fraîche pour les politiciens. La Californie taxe à 7,5 % les ventes de cannabis médical, générant de 58 à 105 millions de dollars. Plusieurs villes taxent encore plus les ventes au niveau local.

 

Le Colorado taxe les ventes à 2,9 % et a collecté 6 millions de dollars lors des six derniers mois de 2013. Le Colorado taxe aussi le cannabis à usage récréatif, qui a été rendu légal en janvier, à hauteur de 25 %. Cela devrait rapporter de 45 à 98 millions de dollars à la fin de l’année. En Floride, le cannabis médical pourrait rapporter entre 19 et 337 millions de dollars en taxes par an.

 

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Weed, par Philip Poston.

 

 

Considérons ce qu’il s’est passé au New Jersey. En 2010, l’État à fait passer une loi sur le cannabis qui ne contenait aucune clause qui permettait aux patients de cultiver leur propre produit. Cela les a forcés à attendre l’ouverture de cliniques. Mais le gouverneur Chris Christie, un farouche opposant au cannabis, a limité le nombre à six seulement. Quatre ans après la légalisation, seulement trois de ces cliniques ont leurs licences, et seulement l’une d’entre elles est opérationnelle.

 

Et l’accès au cannabis médical est limité à ceux qui sont touchés par une certaine catégorie de maladies, ou ceux qui ont des maladies au stade terminal, dont on pressent qu’ils vont mourir dans l’année. Le New Jersey compte seulement 1 500 patients – qui doivent payer 200 dollars juste pour obtenir une carte médicale, quand d’autres États font payer de 5 à 15 dollars. L’étude de 2013 réalisée par le département des revenus de Floride estime que si un tel scénario devait se dérouler en Floride, seulement 452 patients rempliraient les conditions requises au cours de la première année.

 

En Californie, l’État pionnier de l’industrie de l’herbe médicale, le fiasco a suivi l’essor. L’État a légalisé le cannabis en 1996. Il n’y avait pour ainsi dire aucune réglementation de l’État sur les cliniques, il s’en est donc ouvert par milliers. En 2007, le conseil municipal de Los Angeles a tenté de limiter les cliniques aux 186 qui étaient déjà en activité, mais des entrepreneurs tenaces ont découvert une faille.

 

Bientôt, il y a eu plus d’un millier de cliniques autour de la seule ville de Los Angeles – presque à chaque coin de rue, près des écoles, partout. En 2012, 63 % des votants ont soutenu une mesure de restriction des cliniques aux officines qui s’étaient enregistrées avant 2007. Le procureur fédéral de la ville est en train de faire fermer 970 cliniques. À San Diego, le conseil municipal a voté pour ne garder qu’un nombre maximal de 36 cliniques. Certaines villes, comme Oakland et San Francisco, ont mis en place des règles strictes qui déterminent les emplacements autorisés où les éventuelles cliniques peuvent exercer leur activité, et rajoutent des charges à destination du gouvernement local. En Floride, la législation ou les municipalités peuvent fixer le nombre d’activités autorisées à s’ouvrir. Certains élus locaux peuvent opter pour l’interdiction pure et simple des commerces de cannabis médical.

 

Les vendeurs de cannabis médical devront être conscients des défis légaux qui se présenteront à eux. Le Michigan a approuvé le cannabis médical en 2008, mais lorsque deux propriétaires de boutiques se sont fait un procès, l’affaire a été portée jusqu’à la cour suprême de l’État, qui a conclu que la loi sur le cannabis médical de 2008 du Michigan « n’envisage pas la vente de cannabis à but thérapeutique de patient à patient ». Cela a laissé une marge de manœuvre pour que les patients et les aides soignants cultivent de l’herbe, mais a pour ainsi dire mis hors jeu les cliniques et boutiques, et beaucoup ont dû fermer. Maggie Volpo, une activiste du cannabis, a écrit sur son blog qu’elle n’avait pas d’autre choix que de fermer. Elle et son mari ont perdu toutes leurs économies.

 

 

Soutenir l’industrie du cannabis médical

 

 

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Du cannabis prêt à la vente dans le Colorado, depuis le 1er janvier, pour Reuters.

 

 

Si l’on se restreint au strict minimum, il est possible d’éviter les précédents chapitres. Bâtir un empire dans le cannabis médical ne demande pas tant d’efforts. Il suffit par exemple de prétendre que l’on possède une entreprise cotée dans l’industrie du cannabis pour faire mordre les pigeons à l’appât avec la promesse d’actions attractives. Au cours de l’année précédente, ceux qui investissaient dans les petites actions sont devenus dingues de ces entreprises cotées en cents qui évoquent d’une manière ou d’une autre le cannabis.

 

John Veit, le vice-président du Cannabis Career Institute, dit qu’il y a approximativement 60 entreprises qui affirment être dans le commerce du cannabis ou du chanvre et qui proposent des ventes publiques d’actions aux bourses officieuses regroupant les entreprises trop petites ou non répertoriées officiellement (les Pink Sheet et le Over-The-Counter-Bulletin-Board, dites OTCBB). « Certaines sont réglo », dit Veit. « Certaines sont juste formées d’une paire de gars dans une pièce qui ont sorti un article sur PR Newswire, dans l’espoir d’être aperçus dans le journal et d’éveiller l’intérêt des gens sur leurs actions. En termes de volume, j’ai déjà vu des actions de cannabis enregistrer des gains de 600 à 3 000 %. »

 

Le problème est le suivant : les entreprises cotées en cents n’ont pas à faire face à l’indiscrétion gênante de l’État fédéral, comme General Motors ou Facebook y sont confrontés, qui peut prendre la forme de rapports financiers trimestriels à rendre en temps et en heure, ou encore de ne pas mentir à ses investisseurs potentiels. « Vous pouvez raconter que vous venez d’acheter un champ de chanvre de 400 hectares en Chine », précise Veit. « Vous pouvez dire que vous avez développé un nouveau bidule qui s’intègre au système de vérification des patients d’un État. Vous n’avez pas l’obligation de prouver que c’est vrai à qui que ce soit. »

 

« Nous ne sommes pas une compagnie fantôme » Chris Clarke

 

L’entreprise Cyber Kiosk Solutions Inc., basée à Coral Springs, traite sous le sigle CYBK. Le 12 février, Cyber Kiosk a fait paraître un communiqué annonçant qu’Irwin « Izzy » Zalcberg, un « investisseur de petits titres très connu, au large éventail de connexions dans les hautes sphères du monde des entreprises » a investi un million de dollars dans la société. Zalcberg « a pris du temps sur ses vacances à l’étranger pour finaliser la transaction », s’est épanchée la dépêche. Une citation attribuée au directeur général de Cyber Kiosk dit : « M. Zalcberg a manifestement reconnu l’opportunité et la valeur uniques que notre logiciel de vérification de l’âge et de l’identité et de prévention des fraudes procure à l’industrie du cannabis légal. »

 

Deux semaines plus tard, une autre parution proclamait que la société avait « reçu des engagements de la part de cliniques du cannabis du New Jersey et du Colorado, avec un total de neuf endroits où effectuer des tests préliminaires du logiciel de vérification d’âge et d’identité et de prévention des fraudes ». Cyber Kiosk a inclus une décharge qui spécifie que « CYBK ne publiera pas le nom des cliniques jusqu’à l’aboutissement des tests ». Pratique.

 

Le cours de l’action a bondi de 11 cents à 33 cents sept jours plus tard, avant de chuter à 20 cents, puis 15. Une visite au quartier général de l’entreprise à Coral Springs a révélé un bureau vide. Le site internet de l’entreprise est pathétiquement banal et ne comporte aucune information sur le logiciel dédié aux cliniques du cannabis. Selon le rapport trimestriel de septembre 2013 de l’entreprise, Cyber Kiosk était une compagnie de location de limousine à Jacksonville de 1997 à 2012. L’entreprise a alors un découvert de 370 dollars sur son compte bancaire.

 

Au début, Chris Clarke, le PDG de Cyber Kiosk, ne voulait pas faire de commentaire. Après plusieurs tentatives, il a récemment donné une brève interview par téléphone. Clarke insiste sur le fait que son entreprise est une société informatique légitime, qui travaille avec le secteur du cannabis médical. « Nous ne sommes pas une compagnie fantôme », dit-il. « Nous avons cru que nous pouvions nous agrandir dans ce secteur et gagner de l’argent. Nous avons un business plan très solide. » Malgré les communiqués prolifiques de Cyber Kiosk, Clarke dit qu’il n’est pas à la recherche de relais médiatiques. « Je ne suis même pas intéressé par ce que vous pourrez dire sur nous », conclut-il. « Peut-être en mai ou en juin, nous pourrons en reparler. Envoyez-moi un mail. »

 

Source: https://ragemag.fr/lecons-industrie-cannabis-etats-unis-78788/

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