Les enfants des montagnes du Rif du Maroc


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Quiconque visite pour la première fois les magnifiques montagnes du Rif du nord du Maroc s’émerveille devant le caractère idyllique, tranquille et paisible de la vie. Mais le visiteur qui s’y attarde constate rapidement la profonde et irrémédiable pauvreté qui afflige les habitants de cette région sauvage et accidentée. Et comme c’est toujours le cas en contexte de pauvreté aigüe, les enfants du Rif doivent, pour survivre, faire preuve de ténacité, d’adaptabilité et de rapidité d’esprit.

 

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Pour ces enfants, la scolarité est loin d’être chose acquise. Bien que la gratuité scolaire existe dans l’état, elle demeure limitée et trop souvent inaccessible pour les enfants du Rif qui vivent dans des endroits reculés, qui n’ont pas accès à des moyens de transport ou qui doivent simplement vaquer à d’autres occupations. Plusieurs familles reconnaissent que l’éducation peut améliorer les conditions socioéconomiques, mais cela non plus n’est pas acquis, et nombreux sont les parents qui, par nécessité, tire profit de leurs enfants en les mettant au travail – cultiver le cannabis dans les champs, préparer des tagines aux touristes, laver des voitures sur l’accotement de routes sinueuses, avec l’eau qu’ils achemine eux-mêmes des cascades d’Akchour.

 

En effet, les garçons s’affairent à maintes besognes à ces magnifiques et populaires cascades situées tout près de Chefchaouen, une des principales villes des montagnes du Rif. Lorsque nous commençons notre ascension pour rejoindre les routes privées de terre qu’ont faites les locaux pour desservir les vastes champs de cannabis qui s’étendent un peu au-delà de la crête qui surplombe le principal sentier touristique (fleurissant à l’abri des regards des touristes, qui ignorent tout de leur existence), un garçon d’environ neuf ans nous offre du haschisch, alors qu’un autre récure une soupière plus grande que lui, accroupi dans une section calme et peu profonde des chûtes. Deux autres garçons, âgés d’environ 14 ou 15 ans, s’adonnent activement à la préparation d’un tagine pour une famille du sud du Maroc, assise à une table non loin de là. Tous semblent futés, confiants et complètement à l’aise dans leur rôle prématuré d’adulte.

 

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Ainsi, les enfants de cette région apprennent vite, et leur mode de vie se situe dans d’étranges limbes. D’une part, ils sont condamnés à la pauvreté inexorable, et d’autre part, ils espèrent toucher le gros lot – le gros lot faisant évidemment référence aux produits aromatiques à base de plantes cultivées dans les montagnes du Rif – en concluant une grosse vente qui leur permettrait d’échapper à la pauvreté, une fois pour toutes. Pour la majorité d’entre eux, la vie se résume à toucher de maigres rémunérations, à attendre des mois, sans salaire substantiel, la venue du prochain petit coup de chance. La plupart de ces enfants n’auront jamais la possibilité de gagner un salaire consistent et suffisant, ni d’ailleurs lorsqu’ils seront adultes.

 

En revanche, les garçons du Rif ont accès à un privilège que de plus en plus d’enfants occidentaux cossus et bien couvés n’ont pas : la liberté de simplement vivre, et de vivre simplement. Ils sont libres de subvenir à leurs besoins à même la terre, à même les touristes, de la façon dont ils le veulent, pourvu qu’ils n’aillent pas jouer dans les mauvaises plates-bandes, et qu’ils s’assurent de distribuer aux bonnes personnes les ristournes qui leur sont dues.

 

Pour les filles, c’est une tout autre histoire. Bien que le Maroc soit extrêmement modéré sur le plan des normes islamiques, les fillettes sont néanmoins très restreintes dans leurs activités quotidiennes, et indéniablement moins libres. Ce n’est pas le cas de façon systématique, et plusieurs jeunes filles ont la liberté de jouer et de courir avec les garçons, mais une incontestable partialité règne ; alors qu’on prétend les protéger et préserver leur vertu, dans certains cas, on fait exactement le contraire.

 

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On m’a parlé d’une industrie dynamique dans laquelle des filles mineures (et parfois des garçons) sont poussées, par leur propre famille, à la prostitution. Elles sont offertes pour seulement 50 dirhams (soit un peu plus de 5 $) la nuit. On m’a aussi raconté que ce commerce n’a pour clause que l’enfant soit retourné en bon état – dans l’éventualité où des dommages sont causés, la situation peut généralement être réglée en payant à la famille une somme équivalente à la perte potentielle de revenu.

 

Ce versant obscur des montagnes du Rif est choquant, et extrêmement préoccupant, mais il n’est pas surprenant que de pareilles situations surviennent dans une région d’une telle pauvreté, et visitée par tant de touristes, de commerçants et de trafiquants de haschisch. Toutefois, certains signes indiquent qu’il y a amélioration, et alors que le Maroc poursuit sa course vers la modernisation, les garçons et les filles des montagnes du Rif vivront sans aucun doute dans de meilleures conditions.

 

Un peu plus tard, nous nous arrêtons pour faire laver notre voiture par un des petits groupes de garçons qui abondent sur le bord de la route qui nous ramène à Tétouan. Nous les saluons, et j’entame dans un français maladroit une conversation avec un des garçons. Il s’appelle Mohammed, et fait partie des plus fortunés : bien qu’il doive travailler fort durant les vacances, il retournera à l’école la semaine prochaine. Pendant que nous parlons, son père s’approche, pose fièrement son bras sur les épaules de son fils. Alors que nous les quittons, père et fils nous font un signe d’adieux.

 
Par Seshata écrivain cannabique freelance habitant à Amsterdam, aux Pays Bas.
 


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Merci pour ce partage. Je trouve assez intéressant, d'autant plus que cette région ne m'est connue que sur carte.

 

De notre côté, nous avons l'argent. Mais nous aimerions avoir du temps à passer en famille, entre amis ou en nature. Les gens se dirigent vers les campagnes ou cultivent fruits et légumes dans leurs jardins. Nous aimerions (pas tous, mais plusieurs sur ce site je pense) pouvoir consommer des produits de notre autoproduction. Entre autres, le cannabis.

 

De leur côté, ils espèrent gagner assez d'argent pour quitter la ''campagne''. Et peut-être rejoindre les grosses villes. (enfin, je pense...)

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Salut, merci mrpolo.

 

Les traficants sont comme les enseignes de distribution, on achête à prix dérisoires  pour revendre à des prix de malades, sans se soucier des agriculteurs, seulement de son portefeuille.  Beurkk ... Monde d'égoiste.

 

a+

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