Faut-il légaliser les drogues? Le débat entre à l'université


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L'Université de Neuchâtel en suisse organise une conférence sur les politiques en matière de drogues et lance une recherche sur les nouvelles approches des stupéfiants

 

Faut-il légaliser les drogues? La question s’immisce dans les sphères académiques. Elle fera l’objet d’une conférence organisée par l’université de Neuchâtel le 3 décembre prochain, suivie d’un colloque. Avec en tête d’affiche, Ruth Dreifuss, ancienne présidente de la Confédération et membre de la Global Commission on drug Policy, qui milite pour la fin de la prohibition des drogues.

 

En ligne de mire: la session spéciale de l’Organisation des Nations Unies sur la drogue, qui réunira en avril 2016 les Etats membres de l’ONU pour réfléchir à la coopération internationale en matière de contrôle des stupéfiants. La dernière réunion spéciale de l’ONU sur ce thème s’est tenue en 1998. Elle marquait l’affirmation de la «guerre contre les drogues», visant la prohibition et l’éradication.

Vingt ans plus tard, le ton a changé. Malgré l’engagement de sommes colossales, le crime organisé continue à prospérer sur le marché noir mondial de la drogue.

file6na6atuf1kllhh2h2n9.jpg?itok=TMqUNnaDifférentes variétés de fleurs de marijuana affichées au dispensaire du cannabis médical de Portland, en Oregon.
© AP / Gosia Wozniacka

 

Problème de santé publique

Julie de Dardel, post-doctorante à l’Université de Neuchâtel, en est convaincue: «Avec le constat général de l’échec des politiques de prohibition, nous sommes à l’aube d’un changement global des approches en matières de drogue. Il y a dix ans, légaliser les stupéfiants était une idée marginale. Aujourd’hui, c’est une posture relayée par des cercles influents. Plus personne ne pense qu’un monde sans drogue est possible».

La chercheuse entame une étude sur la circulation des idées et des politiques novatrices en matière de drogue au niveau global. Le thème, dit-elle, trouve un regain d’intérêt dans les milieux scientifiques également, «de plus en plus engagés pour appuyer des réformes des politiques publiques et relayer le débat dans la société civile».

 

Comme en Uruguay, faire sauter les verrous

Des expériences récentes contribuent à faire sauter les verrous. L’Uruguay a été le premier pays à légaliser le cannabis en 2014, dans le but affirmé d’endiguer le marché noir. Plusieurs Etats américains, dont Washington et le Colorado, ont autorisé la consommation récréative d’herbe. «Il est trop tôt pour tirer un bilan de ces politiques. Mais le Portugal, qui a décriminalisé l’usage de toutes les drogues il y a une dizaine d’années, obtient des résultats très positifs. Nous assistons à un basculement d’une politique prohibitive à une approche qui considère la drogue comme un problème de santé publique».

 

Autre élément clé: la manne du marché de la drogue échappera aux pouvoirs publics, tant qu’elle restera dans les circuits illégaux. «On estime par exemple à deux milliards de francs par année le produit de la vente de cannabis et cocaïne en Suisse. A l’heure où les gouvernements font face à de gros déficits budgétaires, ce n’est pas négligeable», souligne Julie de Dardel.

 

En Suisse, le débat sur la dépénalisation du cannabis occupe depuis quelques années plusieurs villes en quête de nouveaux modèles pour lutter contre le trafic noir de stupéfiants. Le chef de la police judiciaire neuchâteloise Olivier Guéniat, qui participera à la conférence du 3 décembre à Neuchâtel, s’intéresse de près à la question: «Nous vivons dans un système paradoxal, avec une interdiction qui n’est pas effective, puisqu’elle est sans cesse transgressée, et qui ne permet pas de protéger les jeunes: 40% des 25-29 ans ont déjà consommé de la drogue».

 

Légaliser ou non? Si la question n’est pas nouvelle, elle intéresse toujours plus largement, des instances policières aux cercles académiques. Mais elle a le don de paralyser les politiques, qui préfèrent éviter d’empoigner le débat de front, pour le moment.

 

Source: letemps.ch

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