La prohibition du cannabis est ruineuse, dangereuse et inefficace. C'est absurde


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LE PLUS. Et si on dépénalisait le cannabis ? Début avril, Patrick Mennucci a relancé le débat sur le sujet. Après de nouveaux règlements de compte à Marseille liés au trafic de drogue, le député socialiste des Bouches-du-Rhône s'est justifié en expliquant que la politique de démantèlement des réseaux de trafiquants ne pourra jamais suffire. Une opinion que partage Aurélien Véron. Pdt du Parti libéral démocrate
 

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Et si on dépénalisait le cannabis ? (T. WIRTH/AFP).

 

Le sujet se banalise. Tous les ans, un Français sur dix brave l'interdit, et un tiers d'entre eux en fume régulièrement. En ville comme en milieu rural, les consommateurs ne s’en cachent plus. Ils s’allument un joint comme ils ouvriraient une bouteille de vin. Cet hiver, un SDF quadragénaire est même allé se plaindre au commissariat de Clermont-Ferrand de la mauvaise qualité du cannabis qu’un dealer lui avait vendu.

 

Cette désinhibition vient trop tôt, car le pouvoir politique reste attaché – qui s’en étonne ? – à l’approche prohibitionniste, paternaliste et répressive. Faire pousser des plants pour son propre usage personnel reste un crime passible de 20 ans de prison.

 

Il est paradoxalement moins dangereux, sur le plan pénal, de se tourner vers les mafias armées qui transportent et distribuent cette plante et ses dérivés que de faire pousser quelques plants dans son jardin. Moins chère et plus fiable, l’auto-culture représenterait pourtant la moitié de la consommation en France à en croire différentes études.

 

Retenir les leçons de l'échec de la Prohibition

 

Les États-Unis ont été le fer de lance de la prohibition depuis un siècle, avec les résultats consternants que nous connaissons. Treize années d’interdiction de l’alcool à l’échelle du pays ont surtout fait la fortune d’Al Capone et des mafias.

 

La violence du marché noir et les règlements de compte firent exploser l’insécurité, sans mettre fin ni aux beuveries, ni à l’alcoolisme. L’alcool frelaté des distilleries clandestines a entraîné la mort de plusieurs dizaines de milliers d’Américains.

 

En voulant protéger les citoyens contre eux-mêmes, la répression a finalement déstabilisé tout le pays et abouti à un massacre. D’autant que cette guerre idéologique contre un plaisir socialement accepté a coûté sa crédibilité au gouvernement fédéral.

 

En Europe, les pays tentés de suivre cet exemple ultra puritain en sont vite revenus, devant ses résultats accablants. Mais l’Amérique n’a pas retenu les leçons de cet échec cuisant. Elle a renoué avec ses vieux démons prohibitionnistes en partant en guerre contre la drogue dans les années 1970 et 1980, entraînant tout le continent vers un nouveau désastre.

 

PS et Républicains persistent dans l’erreur 

 

Dans 15 pays d'Amérique latine, 3/4 des militaires sont mobilisés contre les narcotrafiquants dont les violences touchent un tiers des populations civiles. Au total, 20 à 25 milliards de dollars ont été dilapidés chaque année pendant des décennies sans autre résultat que des dizaines de milliers de civils blessés, enlevés ou abattus, et un désespoir général.

 

Au début des années 2000, les anciens présidents Louise Arbour (Suisse), Fernando Henrique Cardoso (Brésil), Cesar Gaviria (Colombie), Ricardo Lagos (Chili) et Ernesto Zedillo (Mexique), l’ancien secrétaire d’État des États-Unis George Shultz et l’ancien président de la Fed Paul Volcker ont engagé le combat contre la prohibition.

 

Ils ont entraîné les États-Unis à renouer avec la liberté de consommer, voire de cultiver et de la distribuer du cannabis comme c’est aujourd’hui le cas au Colorado et dans l’État de Washington. Le 27 avril 2014, l’éditorial du très sérieux "New York Times" affichait la couleur : "Repeal prohibition, again".

 

Cette évolution favorable à la liberté de consommer une herbe fumée par l’homme depuis plusieurs milliers d’années n’a pas atteint l’hexagone. Les ténors du PS et de les Républicains persistent dans l’erreur prohibitionniste, préférant la répression et ses effets secondaires à la responsabilité individuelle.

 

Un trafic aux multiples dommages collatéraux

 

Comment en irait-il autrement au moment où ils s’apprêtent à voter la loi sur le renseignement à la quasi-unanimité ? Mêmes causes, mêmes effets.

 

Le commerce illégal du cannabis ne cesse de prendre de l’ampleur, au point de devenir l’économie dominante dans certains quartiers pris en otage par les réseaux de revendeurs. Le cannabis ne devrait concerner que celui qui le consomme, car il ne nuit nullement à autrui, pas plus que la cigarette ou l’alcool.

 

La prohibition s’en moque et met toute la société en danger par ses dommages collatéraux. Les mineurs sont bien entendu la cible des revendeurs sans scrupules alors que c’est un produit particulièrement nocif tout au long de la période de croissance. Des "go fast" aux tirs de rue à la kalachnikov, la violence monte inexorablement en France, portée par ce marché grandissant.

 

En plus de l’insécurité qu’il suscite, son caractère illicite incite les dealers à couper le cannabis avec des substances moins coûteuses mais parfois dangereuses. Les rapports de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT) pointent la mauvaise qualité des produits distribués en France, quand ils ne sont pas frelatés au point de mettre réellement en danger les consommateurs.

 

Nous devons mettre en place un marché encadré

 

Même les contribuables sont victimes de cette politique répressive. Les tribunaux sont engorgés d’affaires de petits trafics, et les prisons de consommateurs récidivistes et de petits dealers.

 

La prison étant une excellente école du crime, ces marginaux ressortent parfois transformés en vrais criminels infiniment plus dangereux pour la société. L’étude de Pierre Kopp, Christian Ben Lakhdar et Romain Perezestime pour Terra Nova estime ce coût à 568 millions d’euros chaque année pour le contribuable.

 

La conclusion est claire. La prohibition est ruineuse, dangereuse et inefficace. Et d’autant plus absurde que nous sommes le premier pays consommateur d’anxiolytiques et d’antidépresseurs. Nous devons lui substituer un marché encadré, garantissant la qualité des produits vendus et limitant leur accès aux mineurs.

 

D'autant que c’est un marché potentiellement juteux, comme l’atteste le dynamisme des investisseurs aux États-Unis. Le marché légal y pèse déjà presque 3 milliards de dollars, et pourrait atteindre 10 milliards dans les prochaines années si d’autres États poursuivent dans cette voie.

 

Laissons les citoyens (adultes) choisir

 

Le Colorado, qui taxe le cannabis à 30%, a récolté 50 millions de dollars du "cannabusiness" en un an, sans parler des recettes indirectes du tourisme "cannabique". En France, une fiscalité raisonnable sur cette plante et ses dérivés pourrait rapporter 1.7 milliards d’euros chaque année selon le rapport Kopp, en plus de soulager tribunaux et prisons.

 

L’opinion publique admet de plus en plus l’échec de la politique répressive. Que le cannabis soit inoffensif ou non, le choix de le consommer doit avant tout relever du libre choix de chacun. Cela n’interdit nullement la poursuite des recherches sur le sujet afin d’informer le grand public de ses conséquences.

 

La classe politique doit comprendre que le temps de la prohibition est derrière nous. Nous devons laisser les citoyens (adultes) choisir l’usage ou non de produits récréatifs. Il est non seulement contre-productif, mais aussi injuste d’alourdir les dangers qu’ils présentent pour eux-mêmes.

 

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Par Aurélien Véron
Pdt du Parti libéral démocrate

 

Source: leplus.nouvelobs.com

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Bonjour à tous.

 

La pénalisation du cannabis coute annuellement 500 millions de chf en Suisse pour 8 million d hab.

Des milliers de milliards dans le monde depuis la "guerre contre la drogue" de Nixon.

 

C est dans le pire que l homme politique se révèle le meilleur.

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