Alcool et cannabis au volant : peut-on appliquer la même méthode de détection ?


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Plus de la moitié des Etats américains autorisent actuellement, pour un usage récréatif ou médical, la consommation de cannabis [sous sa forme végétale, marijuana : on ne trouve pratiquement pas aux Etats-Unis de résine]. Cela oblige les polices locales à mettre à jour leurs méthodes, notamment pour la sécurité routière.

 

La question qui se pose depuis le début de la vague de légalisation en 2012 est : comment définir le seuil au-delà duquel il est illégal de conduire sous l’influence du cannabis ?

Des Etats où l’usage récréatif est légal (Colorado ou Washington) et d’autres où il est médical, (Ohio ou Montana) ont adopté des règles calquées sur celles en vigueur pour l’alcool au volant. Si vous conduisez avec un certain taux de cannabis dans le sang – 5 nanogrammes par millilitre de sang (5 ng/ml) – vous êtes hors-la-loi et on vous confisque votre voiture.

 

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Le test de ce conducteur a été raté. PETER PARKS / AFP

 

Une étude de l’AAA Foundation for Traffic Safety avance l’idée, déjà formulée à plusieurs reprises par le passé, que cette méthode est simpliste et inefficace, car on ne peut pas juger la capacité d’un conducteur uniquement par le taux de tétrahydrocannabinol (THC) dans son sang. Définir des seuils « arbitrairement » comme c’est le cas aujourd’hui est une méthode qui « n’a aucun fondement scientifique », explique l’étude.

« Elle pourrait laisser des conducteurs dangereux dans la nature pendant que d’autres seront injustement condamnés pour conduite dangereuse. »
Que dit l’étude ?
 

Pour résumer, ceci : le taux de THC dans votre sang n’est pas un indicateur fiable pour savoir si vous être en possession de tous vos moyens derrière le volant.

 

Les auteurs ont examiné les dossiers de 602 conducteurs arrêtés aux Etats-Unis avec du THC dans leur sang, notamment les Drug Recognition Expert (DRE). Ces examens, certes un peu arbitraires, sont pratiqués par les policiers lorsqu’ils arrêtent des suspects. En plus d’un prélèvement sanguin, le suspect doit marcher en ligne droite sur 9 mètres, se toucher le nez avec le doigt et rester debout sur une jambe pendant trente secondes.

 

Les policiers américains assurent que les seuls tests physiques permettent de démasquer 88 % des conducteurs ayant bu.

Ce que les auteurs de l’étude ont noté, en comparant les 602 conducteurs à 349 volontaires sobres ayant passé le même test, est que, sans surprise, une bonne partie des personnes qui avaient du THC dans le sang rataient le test.

En revanche, ils n’ont trouvé aucun lien entre le taux de THC et la réussite du test :

  • 80 % des personnes avec du THC dans le sang ayant raté le test avaient un taux de 1 ng/ml ou plus.
  • Mais 30 % de ceux qui ont réussi le test avaient ce même taux. 

Autrement dit, des personnes avec un taux de THC très bas dans le sang peuvent se comporter comme s’ils étaient très défoncés. Et des personnes avec un taux de THC stratosphérique peuvent être en pleine possession de leurs moyens. Il faut également prendre en compte le fait que les fumeurs réguliers peuvent encore avoir du THC dans le sang plusieurs mois après en avoir consommé, ce qui fausse complètement les tests.

 

Comme le dit très bien Vice :

« Le fait que le cannabis a des effets différents sur différentes personnes n’est pas une surprise pour n’importe qui âgé de plus de 15 ans. Le mépris des législateurs pour cette vérité universelle est frustrant, mais pas vraiment surprenant. »

 

L’AAA dit que les conclusions de son étude ne doivent pas être comprises comme une invitation à s’allumer un joint au volant. Elle rappelle que consommer du cannabis avant ou en conduisant reste dangereux. Selon ses chiffres, les accidents de voiture mortels impliquant le cannabis ont presque doublé dans l’Etat de Washington depuis la légalisation.

 

Elle ne fait que souligner que lutter contre le cannabis au volant en utilisant les mêmes méthodes que pour l’alcool n’a aucun sens. Elle recommande qu’« en attendant qu’une méthode scientifique fiable » soit trouvée, « les policiers utilisent des tests psychologiques et de comportements pour juger si un conducteur qui a fumé du cannabis est apte à conduire ou non ».

 

En France, où le débat sur la dépénalisation n’est pas prêt d’avoir lieu, les recommandations de l’AAA n’auront aucun effet. Il n’existe aucune notion de taux de THC dans le sang pour la conduite. Si vous êtes contrôlé avec ne serait-ce qu’un taux de 1 ng/ml, vous êtes coupable d’un délit passible de deux ans de prison, 4 500 euros d’amende et 6 points de permis.

Sur Les Décodeurs :   6 graphiques qui montrent les limites de la répression des drogues en France

 

 

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