Cannabis: quatre modèles de régulation


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Eclairage. La légalisation du cannabis prend des voies diverses selon les pays, d’un régime de tolérance au marché libre.

 

 

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MONTEVIDEO, URUGUAY, 2013 Manifestation devant le palais législatif. Le pays est le premier à légaliser le cannabis.

© Pablo Porciuncula / AFP

 

Uruguay: monopole d’Etat

En 2013, l’Uruguay devient le premier pays à légaliser le cannabis à des fins non médicales sur l’ensemble de son territoire. Des mouvements sociaux réclamaient déjà la légalisation de la production de chanvre pour usage personnel dans les années 2000. Les personnes âgées de 18 ans ou plus ont le droit de se procurer jusqu’à 40 grammes d’herbe par mois. Ils peuvent en acheter en pharmacie (10 grammes maximum par semaine), la cultiver eux-mêmes (six plantes maximum par foyer) ou faire partie d’une association de consommateurs qui s’occupe de produire et de distribuer le chanvre. Chaque consommateur doit s’inscrire dans un registre de l’Institut de régulation et de contrôle du cannabis.

La vente aux étrangers et la publicité sont interdites. Début 2016, 3200 personnes s’étaient inscrites pour l’autoculture. En Uruguay, 6,5% de la population consomme du cannabis (près de 10% des jeunes de 13 à 17 ans).

Etats-Unis: le modèle libéral

Le 1er janvier 2014, le Colorado ouvre le premier marché libre du cannabis. Les Etats de l’Alaska, de l’Oregon et de Washington lui emboîtent le pas, à la suite de l’approbation d’initiatives populaires en faveur de la levée de l’interdiction. La loi fédérale, elle, interdit encore le chanvre. Les Etats-Unis ont opté pour un modèle libéral de légalisation de ce produit, proche de celui de l’alcool. Dès l’âge de 21 ans, un individu peut se procurer, auprès de magasins spécialisés disposant d’une patente, une once d’herbe (28,4 grammes) à 10-12 dollars le gramme. Un système de traçage «de la graine à la plante» permet de suivre l’entier de la production et doit éviter des transferts vers le marché noir.

Au Colorado, les revenus des taxes se montaient, pour 2014-2015, à 78 millions de dollars et devraient atteindre 120 millions en 2015-2016, soit 1% des revenus de l’Etat. Les points de vente ne cessent de se multiplier: le marché du cannabis a généré un chiffre d’affaires de 588 millions dans cet Etat, pour 45 à 50 tonnes de cannabis vendues. Un nouveau type de produit est apparu: les denrées comestibles au cannabis, qui représentent près de 30% du marché. La vente libre a certainement absorbé une grande part du marché noir, qui était estimé à 130 tonnes avant la légalisation au Colorado.

Mais la consommation des adultes et des mineurs a augmenté (15% des plus de 18 ans et 12% des 12-17 ans disent en avoir fumé au cours du dernier mois). On note aussi une hausse des intoxications liées au cannabis et des accidents de la route. Malgré ce bilan en demi-teinte, l’opinion publique reste favorable à la légalisation. Le Canada va-t-il suivre l’exemple du Colorado? Le premier ministre, Justin Trudeau, a annoncé vouloir légaliser le commerce et la consommation de cannabis en 2017.

Les «cannabis social clubs» espagnols

Dans les années 70, la Cour suprême espagnole décrète que la consommation et la possession de cannabis, pour un usage individuel ou partagé, ne constituent pas des infractions criminelles si elles ne sont pas destinées au trafic de drogue. Se basant sur ce régime, une première association voit le jour au début des années 90 et commence à cultiver du cannabis pour ses membres. Dénoncée par la police, elle sera condamnée. Mais elle est imitée bientôt par une deuxième association au Pays basque. Dénoncée à son tour, sa condamnation sera cette fois rejetée par la Cour d’instruction de Bilbao.

Le modèle se répand. La première Fédération des associations de consommateurs de cannabis voit le jour. Le phénomène prend de l’ampleur en Catalogne, où l’on compte 400 clubs en 2014, dont certains ouverts aux touristes. Un moratoire sur l’ouverture de nouveaux clubs est décrété. Les associations de consommateurs s’entourent de règles: leurs membres doivent être majeurs et déjà consommateurs, ou disposer d’un certificat médical. Ils obtiennent une quantité limitée de cannabis (2-3 grammes par jour).

Leurs buts doivent contribuer à réduire les risques liés à la consommation, et le profit sur le cannabis vendu est interdit. Il y aurait 500 à 600 clubs sur le territoire, selon les estimations. En Espagne, près de 6,6% de la population (15-64 ans) fume du cannabis.

Pays-Bas: «coffee shops»

Face à une hausse de la consommation de drogues à la fin des années 60, les Pays-Bas décident de décriminaliser l’usage du cannabis. A l’origine, les autorités veulent séparer le marché de la marijuana de celui de l’héroïne ou de l’amphétamine, pour éviter que les fumeurs de joints n’accèdent trop facilement à d’autres substances. C’est ainsi que naît le régime de tolérance: les personnes en possession de petites quantités de cannabis ne sont plus poursuivies.

La production, elle, reste interdite. Les coffee shops prolifèrent sur cette contradiction: le cannabis qui entre dans le coffee shop est illégal, lorsqu’il en sort il est légal. De 1500 dans les années 90, ils passent à 580 en 2015, à la suite de plusieurs mesures de restrictions (pas de publicité, vente de 5 grammes maximum par transaction, alcool interdit). Après avoir connu une hausse avec la première vague de shops, la consommation s’est tassée depuis, pour rejoindre la moyenne européenne (7%).

 

Céline Zünd


Sources: «Nouveaux développements concernant la régulation du marché du cannabis: de A (Anchorage) à Z (Zurich)». De Frank Zobel et Marc Marthaler (2016). Troisième édition mise à jour du rapport «Des Rocky Mountains aux Alpes». Addiction Suisse, Lausanne.

 

Source: hebdo.ch

 

 

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