Champignons hallucinogènes, marijuana, ecstasy... Les drogues sont-elles le nouvel horizon de la médecine pour traiter la douleur ?


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Après les différentes légalisations de drogues comme le cannabis, de nombreux chercheurs repensent l'utilisation des molécules. MDMA, cannabis, champignons hallucinogènes... Ces drogues pourraient être à l'origine de futurs médicaments novateurs.

Don't worry, be happy
 

 

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  Atlantico : Aux Etats-Unis, la Food and Drugs Administration a fait un premier pas vers une légalisation médicinale du MDMA (molécule de l'ecstasy). Certaines molécules de drogue peuvent-elles être bonnes pour la santé ? Quels seraient ces effets positifs ?

 

Muriel Grégoire : En premier lieu, j’aimerais resituer le sens du mot drogue : toute substance entraînant des modifications de conscience et/ou l’activité mentale, donc les produits illicites mais aussi l’alcool ou les médicaments.

 

En France, il n'a été gardé que le rapport avec l’illégalité. Dans les pays anglo-saxons, ils utilisent le mot drugs quel que soit son statut juridique. Cela nous fait remonter à Platon qui parlait du pharmakon comme de toute substance pouvant être à la fois remède et à la fois poison. La plupart des drogues synthétiques ont été trouvées dans des laboratoires légaux et ont eu un statut de médicament.

 

Avec ce paradigme, il est plus aisé de parler de certains effets qui peuvent être bénéfiques pour des substances. Vu leur statut illégal, il est compliqué de pouvoir faire des études pour confirmer ou infirmer scientifiquement des intuitions cliniques rapportées par des usagers et des praticiens. Les autorisations sont très strictes, voire impossibles à obtenir.

 

Voyons maintenant les principales molécules étudiées actuellement :

Le MDMA, depuis déjà quelques années, a pu être étudié sur des volontaires, militaires présentant un syndrôme de stress post-traumatique de retour de la guerre du Golfe. Les résultats très encourageants de la phase 2 des essais cliniques aux Etats-Unis vont permettre de commencer la phase 3 qui comprend une ouverture à un champ plus large de patients. Le syndrôme post-traumatique, avec dépression, anxiété, cauchemars récurrents, isolement, est largement diminué voire endigué. Le MDMA est donné en adjuvant d’une psychothérapie. Les doses et le temps d’exposition sont très contrôlés.

 

D’autres molécules telles que la kétamine (anesthésiant humain et vétérinaire), qui est un anesthésiant dissociatif donc psychédélique à dose certaine, ont des propriétés anti-dépressives connues depuis longtemps. Cela fait assez peu de temps qu’une équipe suisse a étudié ces effets. Ils se servent aujourd’hui d’un spray nasal à base de kétamine. Là aussi, ce produit accompagne la psychothérapie. D’autres applications médicales sont connues et appliquées en plus de l’anesthésie dans le traitement des addictions à l’alcool et aux opiacés. Ici aussi, la prise est très cadrée et accompagnée par une psychotérapie. Des usages médicaux comme l’épilepsie et la douleur sont aussi reconnus.

 

Les hallucinogènes, tels le LSD ou les champignons, ont des vertus anti-dépressives et anxiolytiques (là aussi accompagnés par une psychothérapie). Ils permettent d’après les études sur des personnes en fin de vie d’améliorer très significativement leur bien-être ; ce sont des choses rapportées par les usagers depuis de nombreuses années. Ces effets-là perdurent au-delà des prises pendant plusieurs mois, permettant de ne pas multiplier les doses.

Le cannabis est lui aussi reconnu comme ayant des vertus thérapeutiques, comme anxiolytique, antalgique, anti-épileptique, anti-spasmodique. Le cannabidiol est l'une des molécules actives du cannabis, très peu psychotrope.

 

Ces substances peuvent avoir des effets positifs comme négatifs, comme toute substance active. Certaines sont déjà des médicaments, d’autres comme le cannabis le sont depuis longtemps de manière traditionnelle. Certaines substances illicites du fait de leur toxicité forte, repérées même sans étude particulière, ne donneront probablement jamais lieu à des études permettant une commercialisation. L’important dans ce contexte est l’accompagnement, l’élimination des éventuelles contre-indications et le cadre thérapeutique.

 

Les molécules de drogue sont-elles l’avenir de la médecine, les médicaments de demain ? 

 

Il faut nuancer le propos. Mais oui, certaines substances sont prometteuses, méritent d’être étudiées et peut-être de changer de statut à des fins thérapeutiques. Elles peuvent apporter soulagement et parfois guérison. Les médicaments connus ne soignent ni ne soulagent tout, alors soyons ouverts.

 

Les hommes se sont depuis tout temps soignés avec la pharmacopée que lui offrait la nature, mais le caractère psychoactif des substances les rend intouchables aux yeux de certains. Les psychotropes légaux peuvent eux aussi avoir des effets positifs et négatifs, c’est la manière dont ils sont utilisés le plus souvent qui fait le danger ou pas. Les drogues sont utilisées parfois comme automédication et les patients nous apprennent de ce fait les effets, qu’ils soient positifs ou négatifs. Il faut savoir les écouter, tout comme les scientifiques qui osent aller dans des chemins pas toujours balisés par l’idéologie officielle, mais dans le respect des personnes et du cadre établi de ce type d’études.

 

C’est l'une des voies possibles, mais une personne est à prendre dans son ensemble et dans les cas sus-cités, la molécule, évidemment primordiale, est associée à une prise en charge globale.

 

Quelles sont les dernières difficultés qu’il reste à résoudre avant une potentielle commercialisation de ces molécules ?

 

Pour être commercialisé comme médicament, il faut passer par toute une série de phases cliniques longues et complexes. Ceci implique que ces essais soient autorisés, ce qui n’est pas simple concernant des molécules classées stupéfiants. Des aménagements sont possibles selon les pays. Les plus pragmatiques comme les Etats-Unis, l’Angleterre, la Suisse ou Israël réussissent à le faire. Il faut qu’avant même les études il y ait déjà des données en faveur d’une balance bénéfice/risque positive.

 

Le plus grand frein à la commercialisation est la position idéologique. L’évidence clinique et scientifique ne suffit pas toujours à convaincre dans ce domaine.

Il est évident que toute drogue n’a pas un potentiel thérapeutique à étudier mais il est dommage de se priver de certaines.

 

Quelle utilisation pour ces drogues ? Comment l’encadrer ?

 

Les applications sont variables selon les substances. Celles psychédéliques seraient plus à usage psychique, de par leur capacité à développer le sentiment d’empathie, d’union, la reviviscence de souvenirs. Leur action principale sur la sérotonine explique aussi ces actions sur l’humeur et l’anxiété.

Il existe déjà dans d'autres pays des exemples positifs de cannabis thérapeutique ou autres molécules, alors pourquoi ne pas nous inspirer tout en se servant de ce qui fonctionne chez nous ?

 

Par ailleurs, ces pays ne sont pas des pays permissifs sur la question des usages de drogues, c’est le volet thérapeutique qui ici est en jeu. En France, nous avons un cadre légal strict en ce qui concerne les prescriptions de certaines substances permettant de contrôler plutôt bien leur usage (prescription limitée dans le temps, par un spécialiste, prise en charge globale). Alors tant que ces molécules restent interdites mais utiles pour quelques-uns, peut-être pouvons-nous penser à une évolution des lois qui doit passer par celles des mentalités.

 

 

Muriel Grégoire est addictologue, psychiatre et responsable de l'hospitalisation à l'Hôpital Marmottan où elle gère également les consultations en rapports aux nouveaux produits de synthèse.


Source: atlantico.fr
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