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Cannabis thérapeutique : la lenteur française épinglée


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Dans un avis rendu fin novembre, le Comité éthique et cancer estime contraire à l'éthique de ne pas permettre à une femme atteinte de cancer de disposer du cannabis qui la soulage de ses douleurs.

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Photo Brendan Smialowski. AFP

 

Depuis le temps que la question a été posée, on pensait l’affaire résolue. C’est sans compter sur la capacité, parfois, des autorités françaises, politiques ou administratives, à prendre leur temps. Alors que le cannabis médical est désormais disponible dans plusieurs pays comme l’Allemagne, la Belgique ou encore le Royaume-Uni, sous forme de comprimés ou de feuilles à utiliser en inhalation, la France bloque toujours. Au point que le très officiel Comité éthique et cancer, présidé par le Pr Axel Kahn, a rendu le 26 novembre un avis désavouant frontalement les autorités qui s’opposent à ce qu’une femme, atteinte de cancer et qui se disait soulagée par la consommation de cannabis, puisse en bénéficier.

Deux médicaments autorisés

Tentons de décortiquer cette course de lenteur. En juillet, la ministre de la santé, Agnès Buzyn, avait semblé ouverte sur la question, notant qu’il existe des médicaments à base de cannabis. «C’est du cannabis médical sous forme de gélules, ces médicaments sont autorisés mais ils sont en négociation de prix. Lorsque le prix sera fixé, des personnes vont avoir accès à ces médicaments.» Et la ministre d’ajouter : «D’autres voudraient aller vers l’autorisation d’utiliser la cigarette de cannabis comme du cannabis médical et là, un certain nombre de recherches sont en cours dans différents pays pour savoir si vraiment cela apporte un plus par rapport aux médicaments en comprimés. […] Je l’ai dit au Parlement, j’attends des notes de mes services pour savoir quelle est la différence entre le cannabis en comprimés et le cannabis en cigarettes pour savoir si nous devons aller plus loin.»

 

Bref, on attend. L’Agence nationale de sécurité des médicaments, aussi. Par le biais de comités techniques, elle lance des auditions. On attend encore. Formellement, seuls deux médicaments à base de cannabinoïdes sont apparemment autorisés. Le premier, le Marinol, est un produit ancien : il est peu efficace, réservé aux douleurs neuropathiques liées à des lésions du système nerveux central. Sa prescription étant conditionnée à une autorisation préalable de l’Agence du médicament française (ANSM), autant dire que son utilisation se compte sur les doigts d’une main.

 

Quant à l’autre médicament, il s’agit du Sativex, indiqué chez les patients souffrant de sclérose en plaques. En 2014, il a obtenu son autorisation de mise sur le marché, mais comme l’a dit Agnès Buzyn, il n’est toujours pas disponible faute d’accord de prix entre le laboratoire et les autorités de santé. «Pour s’approvisionner dans un autre pays d’Europe, ce n’est pas simple, il faut la prescription d’un médecin local. Résultat, il est plus facile de se procurer illégalement du cannabis que de vouloir respecter la loi en cas de douleurs rebelles», notait cet été le Figaro.

«Principe de non-malfaisance»

C’est dans ces conditions de blocage qu’une malade, atteinte de cancer, a saisi le Comité éthique et cancer, en l’interrogeant sur le caractère moral ou non de l’interdiction du cannabis dans ce contexte thérapeutique. Elle-même affirme «tirer bénéfice de la consommation de ce produit qui la soulage de douleurs intenses et chroniques». En comparant l’interdiction actuelle à une forme de refus de soins, cette malade met en avant «le principe de non-malfaisance qui doit guider les pratiques des professionnels de santé».

 

Le Comité d’éthique a rendu une réponse très argumentée. «On s’est attaché à examiner la question de l’usage du cannabis dans un contexte de soin», explique Axel Kahn, constatant «que la littérature scientifique sur les effets thérapeutiques du cannabis restait insuffisamment concluante, notamment en raison de défauts méthodologiques des études jusqu’à présent réalisées». Et sur ce point, il recommande une évaluation rigoureuse des différents bénéfices potentiels des substances actives du cannabis : «De telles études permettraient de préciser les indications et les contre-indications de ces substances, les modalités de leur utilisation et les précautions à respecter.» Et de noter, au passage : «Il revient aux autorités de santé de les diligenter et d’en définir les conditions.»

 

Malgré ces données insuffisantes, le Comité se montre très clair. Et pour cause… Axel Kahn a eu beau chercher à savoir «s’il existait des raisons éthiques de s’opposer à la consommation de cannabis par des malades qui s’en disent soulagés», il n’en a trouvé aucune : «Aucun des arguments possiblement en la défaveur d’une telle consommation ne lui est apparu de nature à continuer de l’interdire.» Cependant, «les dangers propres des produits fumés amène le Comité à ne pas recommander une telle forme d’administration». Conclusion : «L’accès au cannabis thérapeutique où à ses dérivés permettrait de plus aux autorités de santé d’apporter aux malades les garanties nécessaires quant à la qualité, aux concentrations, ainsi qu’aux modalités d’obtention et d’utilisation optimale».

Le message est clair. Reste à attendre…

 

Eric Favereau

 

Source: liberation.fr

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