Loir-et-Cher - Faut-il dépénaliser, voire légaliser le cannabis ? Qu’en pensent les acteurs locaux ?


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Pour beaucoup, la loi de 1970 interdisant le cannabis n'est plus adaptée à la société actuelle. « Cette drogue s'est banalisée. Les peines et les stages de sensibilisation n'endiguent pas le nombre de consommateurs », déclare Denis Récamier, directeur de VRS (Vers un réseau de soins). L'association vient en aide aux personnes confrontées aux problèmes de conduites addictives.

 

" La dépénalisation du cannabis serait une première étape "

 

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La consommation du cannabis s'est banalisée. « La répression et les peines n'endiguent pas le nombre de consommateurs. » - (Photo archives NR, Jérôme Dutac)

 « Aujourd'hui, un jeune qui fume du cannabis est considéré soit comme un délinquant soit comme un malade. Mais des millions de consommateurs ne sont ni l'un, ni l'autre. A partir du moment où ils ne tombent pas dans la dépendance, ni dans le trafic, ce sont juste des adolescents comme les autres qui veulent tester quelque chose qui leur est interdit. Le fait d'être stigmatisé comme un délinquant pour avoir fumé du cannabis va rendre le jeune méfiant, et nous aurons du mal à le toucher. L'usager va ainsi s'isoler dans une certaine clandestinité multipliant les risques, déplore Denis Récamier. Si on n'a pas une approche pragmatique et fine de la situation, on passe à côté d'une politique de santé publique. »


" On se trompe de combat "

 

Le docteur Viau, généraliste-addictologue à Saint-Ouen, demande davantage de permissivité. « Je reçois des personnes qui ne sont pas des toxicomanes mais qui ont juste besoin d'un certificat médical pour leur avocat avant de passer devant le tribunal, parce qu'ils ont perdu leur permis à cause d'un joint fumé. Ce sont des gens qui vont perdre leur emploi ou vont conduire sans permis. On se trompe de combat. Le trafic de drogues fait beaucoup plus de morts.

 

A qui profite le crime ? La France est le pays d'Europe de l'Ouest qui a la législation la plus dure envers le cannabis, mais c'est aussi chez nous qu'on fume le plus. » En France, les regards se tournent vers les expériences à l'étranger. Le directeur de VRS est satisfait de voir s'ouvrir le débat sur le sujet : « Pour sortir de cette image systématique du délinquant, la dépénalisation du cannabis serait donc une première étape salutaire dans le but de renforcer la politique de prévention. Ce qui fonctionne avec les jeunes, c'est de travailler avec eux sur leurs capacités et potentiels à développer des facteurs de protection, c'est-à-dire l'estime de soi, savoir dire non, l'affirmation de soi pour être plus armé pour faire face aux sollicitations de la société.

 

On veut juste travailler plus sereinement, plus simplement et naturellement. »
Chez de jeunes consommateurs qui auraient un usage quotidien du cannabis, les principaux risques sont neurologiques (difficultés en terme de concentration et d'apprentissage). Pour le docteur Viau, le seul danger du cannabis réside dans la façon de le consommer et de le mélanger. « Que les moyens utilisés dans la répression soient mis dans la prévention auprès des jeunes », demande Denis Récamier, qui estime qu'il est néanmoins nécessaire de garder un volet répressif, quand fumer peut être dangereux pour autrui ou le bien public. « Ce sont les conséquences de l'usage qui peuvent être réprimandées. »

 

Évolution sociétale inévitable ou fumeurs qui prennent leurs rêves pour la réalité ? Cinq jeunes consommateurs ont accepté d’en débattre pour nous.

 

 

Le cannabis légal créerait des emplois et apporterait de l'argent dans les caisses de l'État, plaident ces jeunes adultes. - (Photo archives NR, Jérôme Dutac)

 

" C'est comme l'apéro ça réunit les gens "

Autant lever le suspense tout de suite : la légalisation du cannabis, ils sont pour : « L'interdiction n'est vraiment plus d'actualité aujourd'hui, elle n'est plus adaptée à la société », affirment ces cinq jeunes loir-et-chériens. Agés de 22 à 24 ans, consommateurs occasionnels ou plus réguliers, ils sont tous dans la vie active, même si deux d'entre eux sont en ce moment en recherche d'emploi.

 

La légalisation du cannabis est un sujet qu'ils ont déjà évoqué entre eux. Leur point de vue sur cette consommation, c'est d'abord qu'elle est « une pratique sociale, c'est comme prendre l'apéro, ça réunit les gens ». L'intérêt d'une « modification des perceptions, apportant un nouveau regard » dans le cadre de pratiques artistiques telles que le dessin ou la musique est également évoqué.

Comme pour l'alcool, ils verraient la vente légale du cannabis « réservée aux majeurs, contrôlée pour la qualité, et encadrée par l'État, avec des taxes qui feraient rentrer de l'argent dans les caisses », un argent que ces jeunes aimeraient voir dédié à « l'amélioration de la prise en charge de la santé ». Parmi les avantages économiques de la légalisation du cannabis, nos témoins évoquent avec spontanéité « la création d'emplois dans l'agriculture, le commerce, et le tourisme aussi, comme aux Pays-Bas où c'est légal ».

 

L'idée que le cannabis mène à la consommation de drogues plus dures semble à ces jeunes tout à fait fausse. Par contre, ils imaginent que cela pourrait servir de produit de substitution pour décrocher de drogues plus dures. Pour eux, le cannabis n'est ni plus, ni moins dangereux que l'alcool, « et si on pouvait s'en procurer légalement, ça permettrait aussi de fumer sans mélanger à du tabac, et donc, d'arrêter la clope pour ceux qui le veulent », ajoutent-ils.

 

Cannabis et conduite

 

Mais le sujet qui les fait le plus réagir, c'est la conduite. « Si le cannabis était légalisé, il faudrait mettre au point des tests plus efficaces, qui mesurent le niveau réel d'emprise : huit heures après avoir fumé un pétard, elle n'existe plus, affirment-ils, mais les traces de cette consommation, elles, sont toujours là ». Une forme d'injustice par rapport à l'alcool selon eux, et qui constitue aujourd'hui leur crainte principale : l'un d'eux a d'ailleurs arrêté de consommer du cannabis, quelles que soient les circonstances, pour ne pas risquer de perdre son permis. Légalisation ou pas, le candidat qui agirait sur ce point précis retiendrait sans doute leur plus grande attention.

 

la question à quelques politiques du Loir-et-Cher (41)

Faut-il dépénaliser, légaliser ou ne rien changer en matière d'usage de cannabis ?

 

> Thomas Ménagé, chef de cabinet de Nicolas Dupont-Aignan : « Je pense qu'à 33 jours de l'élection, il y a des questions plus importantes pour les Français (chômage, insécurité) ! Je suis hostile à la légalisation ou à la dépénalisation du cannabis pour la santé des Français. Je déplore que certains candidats le proposent de façon démagogique et inconsciente. Il s'agit d'un sujet trop grave pour être abordé la veille des élections par des candidats en mal de popularité. Je souhaite lutter contre les trafics qui gangrènent nos quartiers et les dealers qui terrorisent la population. Je propose des mesures concrètes comme la création de Groupements de démantèlement des réseaux associant les services de renseignements à la police, la gendarmerie, le fisc et les douanes. »

 

> Michel Chassier, secrétaire 41 FN, pour Marine Le Pen : « Toutes les études confirment le lien entre consommation de cannabis, accoutumance aux drogues dures et apparition de troubles psychotiques. L'augmentation régulière du taux de THC en fait désormais une drogue dure qui provoque des ravages, particulièrement chez les adolescents.

La dépénalisation serait une folie, une promesse démagogique et irresponsable. Les gouvernants qui se sont succédé depuis 30 ans n'ont pas pris la mesure du phénomène et n'ont pas su endiguer l'augmentation du nombre de consommateurs, laissant se développer une économie parallèle parfois considérée comme une soupape de sûreté pour éviter l'embrasement des quartiers dits sensibles.

Marine Le Pen préconise la tolérance zéro pour les marchands de mort. »

 

> Christine Jagueneau, référente 41 En Marche ! pour Emmanuel Macron : « Pour un meilleur fonctionnement police-justice, Emmanuel Macron propose de passer du délit de détention/ consommation de cannabis à une contravention ; évitant le tribunal correctionnel. Rappel : 170.000 interpellations par an pour usage de stupéfiants, 100.000 renvois devant les tribunaux, 20.000 condamnations à des amendes et moins de 2.000 à des peines de prison ferme.

Selon E. Macron, cette évolution serait " beaucoup plus économe en temps pour la police et la justice et bien plus dissuasive qu'une peine de prison dont tout le monde sait qu'elle ne sera finalement jamais exécutée ". Position défendue dans un rapport interministériel d'août 2016. »

 

> Frédéric Orain, 1er secrétaire fédéral du PS, pour Benoît Hamon : « Benoît Hamon est pour une légalisation du cannabis, une distribution gérée et contrôlée par l'État. La politique répressive est un échec. 17 millions de Français ont déjà consommé. Le laxisme serait de persévérer dans cette voie nuisible à tous : la police est dévalorisée, les habitants subissent les nuisances insupportables, les consommateurs s'exposent aux dealers et à la tentation de basculer vers les drogues dures. Les produits ne sont pas contrôlés, et sont parfois extrêmement dangereux. Il faut tuer ce trafic. Misons sur le plus important, l'éducation aux dangers. De nombreux États ont su évoluer. Cette légalisation n'entraîne pas de montée de la consommation. Voulons-nous enfin ouvrir les yeux sur cet enjeu majeur ? »

 

> Pierre Boisseau, comité de soutien de Jean-Luc Mélenchon : « Le programme de la France Insoumise prévoit une légalisation encadrée du cannabis dans un but précis. Le cannabis doit être appréhendé dans le cadre de la lutte contre les addictions. Le trafic actuel ne permet pas de mener les politiques d'information et de prévention nécessaires pour œuvrer dans le sens de la santé publique. Or les consommateurs sont extrêmement nombreux. Il faut cesser la politique de l'autruche et se donner les moyens de mettre en œuvre une politique de recherche, de prévention et de soins pour les personnes ayant une consommation pathologique. Nous souhaitons dépénaliser, permettre la vente et taxer le produit. »

 

> Maurice Leroy, président du comité de soutien, et Guillaume Peltier, chef de file LR, pour François Fillon : « Nous sommes clairement opposés à la dépénalisation du cannabis. Il est urgent de rappeler que c'est une drogue, dangereuse, notamment pour les jeunes. Le trafic de drogue procure des revenus considérables aux mafias et finance le terrorisme. Derrière la banalisation scandaleuse du " joint ", il y a des enjeux criminels très importants. Nous proposons des amendes systématiques pour l'usage de cannabis, l'expulsion des trafiquants des logements sociaux, le rétablissement d'une fermeté totale (peines plancher, expulsion des délinquants étrangers, 16.000 places de prison), la simplification des procédures et l'augmentation des moyens et des effectifs pour la sécurité et la justice. »

 
Claire Neilz et Catherine Simon
 


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