Interview d'Aurélien BERNARD de Newsweed par le Huffpost

Interview d'Aurélien BERNARD de Newsweed par le Huffpost
Par mrpolo ,

Aurélien dirige Newsweed, un média sur l'actualité légale et mondiale du cannabis. Il prédit que la plante permettra des avancées sociales majeures.

 

Une fin d'après-midi de ce début de printemps, je partage un verre avec un couple d'amis à la terrasse d'un café. Notre conversation glisse du sujet du handicap à celui du cannabis et, discutant de ses propriétés récréatives, nous abordons ensuite ses vertus thérapeutiques. Chacun partage ses expériences, tout le monde y a goûté au moins une fois, et nous sommes d'accord pour conclure que le discours à son sujet est flou, biaisé, idéologisé. La copine qui nous accompagne me dit qu'un de ses amis tient un magazine sur le cannabis, que je devrais le rencontrer car il est intarissable sur le thème et qu'il saurait me parler des heures durant de ses qualités médicales, de son histoire et de ses contradictions. Quelques semaines plus tard j'allais donc rencontrer Aurélien dans ses locaux.

 

"Je m'appelle Aurélien et je suis éditeur web. Je dirige Newsweed, un média sur l'actualité légale et mondiale du cannabis qui accueille entre 300.000 et 400.000 lecteurs par mois. Nous sommes une équipe de trois, faisons bosser quelques freelances et traitons les sujets sanitaires, économiques, sociaux et scientifiques en lien avec l'herbe tout en veillant à ne pas prendre position; notre but est de rester objectifs, de communiquer sérieusement et de rétablir l'équilibre face au discours essentiellement négatif sur le cannabis.

 

Si nous sommes dans une démarche passionnelle, militante, nous risquons d'être pris en défaut; nous sommes un média rigoureux et documenté. En 2017, 5 millions de Français ont consommé du cannabis, ce chiffre ne peut être balayé d'un revers de manche accompagné de sa formule "la drogue c'est mal", il s'agit d'un véritable fait de société qui ne concerne absolument pas uniquement des personnes marginales ou celles qui seraient tentées de se réfugier dans les paradis artificiels. Il faut bien comprendre que l'image du jeune baba cool à dreadlocks défoncé sept jour sur sept n'a rien à voir avec la réalité et doit être dépassée.

 

Toutes les familles ont une histoire avec le cannabis, et la plupart du temps, tout se passe très bien, les gens travaillent, font des études, ont des amis, des enfants, une vie active et banale en somme; personnellement, je ne fume pas de cigarette, sauf avec un verre et j'adore le cannabis, même si je n'en fume qu'occasionnellement. Aux USA et au Canada, dans les états l'ayant légalisé, ce sont chez les personnes âgées que l'augmentation de la consommation a été la plus forte; le cannabis remplace l'aspirine du soir, le petit médoc pour s'endormir, la verveine.

 

 
Le cannabis ne mène pas aux drogues dures, c'est une vue de l'esprit qui remonte aux années 30, en Amérique.

 

On pourrait imaginer la mise en place d'une éducation lucide au cannabis. Nous nous souvenons tous des interventions de policiers au collège qui venaient nous expliquer à quel point l'herbe est dangereuse; qui n'a pas entendu que le shit était coupé à la crotte de chameau, que la défonce durait 48h, que c'était la porte d'accès à tout un tas de drogues chimiques et dévastatrices? Ce sont des discours caricaturaux et très éloignés du réel. Pourquoi ne pas faire venir des médecins qui pourraient sérieusement répondre aux ados et appréhender le sujet d'une manière objective?

 

Le cannabis ne mène pas aux drogues dures, c'est une vue de l'esprit qui remonte aux années 30, en Amérique. Nous sommes alors pendant la prohibition, en pleine ségrégation raciale. Le message avait pour but d'ostraciser les populations Noires et Latinos, consommatrices de cannabis, qui devenaient alors un repoussoir: "vous voyez que les minorités sont dépravées, elles se droguent!" Depuis les années 70, on sait que c'est faux, que la passerelle vers les drogues dures est avant tout l'alcool.

 

Pourtant, nous sommes éduqués très jeunes, dans un cadre familial, à sa consommation. Je rappelle qu'il est la première cause d'accidents mortels sur la route et que son pouvoir addictif n'est plus à démontrer. Du côté de la cigarette, nous sommes à 80% de fumeurs dépendants quand le chiffre est de 10 à 12% chez les consommateurs de cannabis, ce qui est résiduel. Et ne parlons pas des dépendances au café, au sucre, au Coca, voire même au sport! Avec un peu de recul sur le cannabis et en écartant les fantasmes, je ne vois rien de mauvais à allumer un joint à la fin d'un repas en famille, ça serait même une démarche idéale, il serait vecteur de plaisir et de convivialité, comme quand on débouche une bonne bouteille. Il faudra à terme réfléchir à des lieux sympas dédiés au cannabis, ce qu'on appelle déjà des "cannabistros".

 

Dans cet esprit, nous avons mis en place des "Weediners". Ce sont des dîners que nous filmons et diffusons sur YouTube, pendant lesquels des personnalités issus de tous les milieux discutent de leur actualité autour d'un repas gastronomique infusé au cannabis sans THC. Personnellement, je pense que la légalisation du cannabis récréatif sera actée pendant le second quinquennat de Macron, il se pourrait même que ce soit l'un de ses thèmes de campagne.

 

 
L'alcool est la première cause d'accidents mortels sur la route et son pouvoir addictif n'est plus à démontrer. Ne parlons pas des dépendances au café, au sucre, au Coca!

 

Quant au cannabis thérapeutique, je suppose qu'on devrait y avoir accès dès l'année prochaine. À droite comme à gauche, le sujet devient de plus en plus consensuel; depuis la légalisation en Californie je rencontre des parlementaires, de tous bords, qui s'ouvrent au sujet au moment où la recherche médicale est en plein essor. On comprend de mieux en mieux ce qui a été appelé "système endocannabinoïde", un réseau de récepteurs et de molécules du corps humain régulant l'homėostasie, le processus de régulation qui permet de conserver le fonctionnement normal de l'organisme. Hors, le phytocannabinoïde, issu de la plante, permettrait de réguler les organismes qui seraient déficitaires en endocannabinoïdes et entrer dans la composition de nombreux traitements.

 

Les autres états ne nous ont pas attendus pour accélérer leurs recherches dans ce domaine, avec Israël en tête. Le Canada devrait légaliser totalement le cannabis dès la fin de l'été et se positionne déjà comme le plus gros exportateur mondial de cannabis médical; avec la mise en place du CETA, il y a un énorme marché vers l'Europe qui se met en place, douze pays l'ont déjà dépénalisé.

 

 
Pourquoi ne pas l'inclure dans la mise en place d'un plan banlieues audacieux? Il faut casser les trafics.

 

Tout est prêt! Il y a une manne d'emplois et de rentrée d'argent immense que les politiciens ne peuvent plus négliger. À nous d'imaginer un accompagnement spécifiquement français au développement du cannabis médical et récréatif; il va falloir cultiver, vendre, communiquer, distribuer.

 

Pourquoi ne pas l'inclure dans la mise en place d'un plan banlieues audacieux? Il faut casser les trafics, ouvrir les banlieues aux villes-centres avec des consommateurs qui s'y déplaceraient, créer des emplois, organiser des vocations, former, entretenir des exploitations, et pourquoi pas s'inspirer des expériences étrangères comme les "Cannabis Club" belges et espagnols, qui sont des regroupements de cultivateurs mettant en commun leurs moyens et se redistribuant leur récolte.

 

On se rendra bientôt compte que la consommation de cannabis n'a pas la gravité qu'on lui prête encore aujourd'hui et que, face au mouvement général de dépénalisation, nous devons reconsidérer notre regard sur cette plante qui pourrait être à l'aube d'avancées sociales et économiques majeures."

 

Par QUENTIN HOUDAS

Source: huffingtonpost.fr

 

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