LE THC M’A TUE
« Le taux de THC était autrefois de 7 à 8 %. Mais il est en augmentation constante depuis plusieurs années pour atteindre aujourd'hui jusqu'à 30 %…. Il s'agit de variétés hybrides, comme le “ skunk “… Cette situation conduit à s'interroger sur l'appellation de drogue « douce » parfois donnée au cannabis », un cannabis précise le site officiel du ministère de l’intérieur « beaucoup plus nocif » et susceptible « d'entraîner des comportements plus dangereux et une dépendance plus rapide. »
30 % de THC et quoi encore ?
Une étude conduite par le professeur Mura (un ardent prohibitionniste) portant sur 5 252 analyses effectuées entre 1993 et 2000 lors de saisies, montre effectivement une nette augmentation de la teneur en THC. la plus élevée observée en 1995 était de 8,7 % alors qu’en 2000, 3% des échantillons d'herbe et 18% des échantillons de résine analysés contenaient plus de 15 % de THC.
Cet argument cher aux prohibitionnistes ne date pas d’hier. Dans une tribune du Figaro publiée suite aux conclusions du rapport Roques en 1998, dix experts, le docteur Mura en tête, écrivaient déjà : « Contrairement aux “ joints des années 70 “ d’origine marocaine (titrant environ 7 % en THC), aujourd’hui le cannabis hollandais titre de 20 à 40 % d’agent psychoactif, devenant ainsi un hallucinogène puissant, dont les effets rappellent ceux de l’acide lysergique (LSD) ».
C’est en partie à cause d’une répression féroce que le taux de THC a augmenté de manière exponentielle depuis les années 70. Et oui ! La répression a poussé les professionnels américains, puis hollandais à travailler sur des variétés plus puissantes aux cycles plus courts dont l’emblème reste la Skunk, un croisement entre une Acapulco Gold et une Santa Marta Gold, deux Sativa (l’une originaire du Mexique, l’autre de Colombie) avec une variété Indica en provenance d’Afghanistan.
Braves gens, rassurez-vous,
en France, si on se réfère à l’enquête de l’OFDT (2008) sur « la part de la production domestique de cannabis », le taux de THC moyen de l’herbe qui pousse en plein champ comme dans nos placards, avoisinerait les 8%.
Il n’empêche, les partisans de la pénalisation ont tous dans leur bagage un « baratin » sur le taux de THC, lequel, à les écouter, a tellement progressé en vingt ans que le cannabis de naguère méritait vraiment son appellation de « drogue douce ».
Certains poussent le bouchon un peu plus loin et le taux de delta-9 tétrahydrocannabinol un peu plus haut en nous faisant croire à un cannabis génétiquement modifié… Récemment, la question était posée en Une du quotidien Le Parisien.
Argument de choc et de choix pour les prohibitionnistes de tout poil, il peut être contré en soulignant que l’herbe a certes gagné en puissance ce dont nous nous félicitons (et parfois regrettons) mais que tout comme l’amateur d’alcool fait la différence entre une bière et un cognac, le cannabinophile sait distinguer entre deux variétés de beuh… Encore que, ajouterons-nous perfidement, le jour où le cannabis sera légal, outre le nom de la variété et le mode de culture, la teneur en THC sera précisée sur les pochettes vendues dans les Cannabistrots tout comme la provenance et le taux d’alcool sont aujourd’hui indiqués sur les bouteilles de vin.
La légende veut que plus une herbe soit forte, plus augmente le risque de devenir schizophrène ou dépendant. C’est absurde, on risque tout au plus de passer un mauvais quart d’heure et de ne pas recommencer de sitôt.
Et puis, il y a une question qui est rarement posée et qui pourtant mériterait de l’être, le cannabis d’avant sa banalisation était-il comme on veut nous le faire croire, du « foin » sans conséquence sur le mental — et le physique — de celui qui la consommait ?
Avant que la loi l’interdise et qu’il devienne populaire, le cannabis voyageait dans les chaussettes sales des routards et venait d’inde ou bien du Pakistan. Tous les « vieux » fumeurs que j’ai croisés sont unanimes : l’herbe produite aujourd’hui dans les usines néerlandaises ou des pays de l’Est ne vaudra jamais un bon Charas de la vallée de Parvati ou un haschich en provenance d’une autre célèbre vallée, celle de Chitral, « un joyaux enclavé dans l’Indu Kush » dixit les guides touristiques, une province pakistanaise difficilement accessible.
Patrick se remémore : « Dans les années 70, on ne trouvait pas de beuh, mais du shit et on préférait le Chillum au pétard. En ce temps-là, les flics n’y connaissaient pas grand-chose, aussi tous les routards ou presque rapportaient dans leurs bagages de quoi assurer leur survie ou financer leur prochain périple. Je me souviens avoir acheté dans la rue du haschich couleur sable qui provoquait des hallucinations, avoir goûté à un haschich encore plus redoutable que le précédent qui, présenté sous forme de boules d’un vert foncé avec des reflets dorés, était soi-disant réservé aux temples hindoues et à leurs divinités. Je m’en souviens comme si c’était hier. Vous allumiez le Chillum et vous étiez propulsés dans le cosmos. »
Au fil des années, les amateurs de cannabis se multiplient. Le haschich marocain perd de son attrait et les herbes africaines débarquent compressées ou non, toujours pleines de graines et de branches, bien souvent de piètre qualité, mais qui n’est pas un jour tombé sur une Zaïroise à vous retourner la tête ? Ah ! J’allais oublier l’huile de cannabis, une conséquence directe de la prohibition qui, quand elle était fabriquée artisanalement, atteignait des taux de THC impressionnants.
Dans les années 80,
ceux qui avaient ramené des graines d’Afghanistan et des manuels d’horticulture de Californie produisaient sous le soleil du Lubéron des herbes plus surprenantes et sans doute plus chargées en THC que bien de variétés vendues aujourd’hui dans les Coffee-shops bataves. Mais dans la mémoire des fumeurs, les années 80 sont avant tout liées à l’arrivée massive du Libanais. Jaune ou rouge, il transitait dissimulé dans les rangers des soldats de la Finul (Force intérimaire des Nations Unies au Liban). J’en garde comme tant d’autres un souvenir ému. Le rouge était plus décapant que le jaune et le fumer entraînait des quintes de toux suivis des fous rires à n’en plus finir.
Comme la demande est en pleine expansion, que l’offre doit suivre et que l’argent n’a pas d’odeur, les années 90 rime avec Tchernobyl le surnom donné au haschich coupé avec du henné ou de la terre, potentiellement et paradoxalement beaucoup plus nocif pour la santé qu’un haschich titrant 20 % de THC et dont le principal effet était de déclencher des maux de tête.
Parallèlement, les Hollandais qui ont tout appris des Américains, lesquels se sont lancés dès les années 80 dans la culture Indoor, comblent vite leur retard et sortent de leur jardin secret des variétés de plus en plus sophistiquées avec pour devise : un maximum de rendement dans un minimum d’espace. Au fil des années, les croisements se multiplient et de nouvelles variétés apparaissent plus ou moins puissantes, un critère pour les consommateurs qui s’en félicitent plus qu’ils s’en plaignent car, s’ils fument du cannabis, c’est pour que ça fasse de l’effet et qu’ils ne soient pas obligés de rouler pétard sur pétard à la recherche d’un petit high, non ?
En 2005,
des échantillons de résine et d’herbe ont été collectés par l’OFDT dans différentes villes de France afin de mesurer leur taux en THC. Sur les 96 échantillons de résines recueillies, le taux moyen en THC est de 10,6 %. Concernant la beuh, la plus dosée contenait 23,8 % de THC et la moyenne avoisinait les 8 % sur les125 échantillons analysés. Il n’y a pas de quoi fouetter un chat, mais s’étonner que dans nombre d’échantillons récupérés, le taux de THC soit réduit à peau de chagrin, ce qui pose nécessairement la question de la qualité du cannabis en vente sur le marché noir.
Il y a dix ans, 90 % des fumeurs trouvaient leur bonheur dans le haschich en provenance du Maroc. En 2011, ils ont changé et sont de plus en plus nombreux à préférer l’herbe comme le souligne le rapport de l’Observatoire National de la Délinquance et des Réponses Pénales (ONDRP).
Cette évolution qui s’est traduite par un essor sans précédent de la cannabiculture vient des consommateurs qui en ont eu marre de payer au prix fort du cannabis frelaté et bien pauvre en THC. Cet argument d’un cannabis d’autant plus nocif que son taux de THC est élevé est une plaisanterie, ne serait-ce parce qu’il concerne une minorité d’amateurs expérimentés, bien souvent des cultivateurs en herbe.
« Pour rendre les petits consommateurs accros, c’est-à-dire dépendants, il n’y a pas mieux que d’augmenter la dose de produit toxique, le THC dans la plante. Le Haschich proposé aux jeunes est OGM et contient désormais des concentrations de THC qui sont passées de moins de 5% à 35-40% selon l’Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies. »
Cet extrait d’un communiqué publié par Famille de France s’appuyant sur des chiffres publiés par l’OFDT (chiffres que j’ai cherchés sans jamais les trouver) a pour unique objectif de semer le trouble dans l’esprit d’adultes sous informés et de créer la panique…N’écrivent-il pas sur le site de l’association que le cannabis d’aujourd’hui peut engendrer « la possible déchéance et la mort » ?
Par JP Galland publié dans le dernier numéro du journal Asud