“Cette drogue a détruit une partie de ma vie”


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Spice, une des premières marques de cannabis synthétique. © Wikipedia
 

Vendus dans des petits sachets à l'air inoffensif, les cannabis de synthèse sont potentiellement dangereux, voire mortels. Populaires depuis une dizaine d'années chez les jeunes et "légales" tant qu'elles contournent la législation, ces drogues de synthèse sont plus puissantes que le cannabis dont elles imitent les effets, tant au niveau de leur puissance, de leurs effets secondaires, que de leur potentiel addictif. Brenda et Vincent témoignent aujourd'hui du traumatisme causé par leur consommation de cannabis de synthèse.

 

Spice, K2, Bizarro, Yucatan Fire, Black Mamba, Eclipse… Autant de noms exotiques que de graphiques sophistiqués et colorés sur ces petits sachets d'herbes dont le secret inavoué est de faire planer celui qui les fume.  Estampillés “impropres à la consommation humaine” et désignés comme encens à brûler, ces drogues, vendues surtout sur Internet, ont la particularité de passer entre les mailles du filet de la réglementation, d'où leur popularité chez les jeunes et les amateurs de substances psychoactives. Ce qui ressemble à de la marijuana est en fait un mélange de plantes imprégnées de molécules de synthèse qui agissent sur les mêmes récepteurs que pour le THC (principe actif du cannabis) dans le cerveau. Si l'on se sent l'âme d'un chimiste, on peut même confectionner son propre cannabis de synthèse en se procurant ces molécules sous forme de poudre via Internet. Enfin, depuis 2014, des e-liquides aux cannabis synthétiques ont fait leur apparition. La réglementation peine à suivre ces produits dont les fabricants, essentiellement chinois, peuvent modifier à l'infini le dosage, la variété, et l'appellation. Parmi les 130 cannabis de synthèse dénombrés en Europe, 34 ont été répertoriés et classés comme stupéfiants sur le sol français.

 

Vagues d'intoxications chez les adolescents

 

Indétectables via les tests de dépistage classiques parce qu'ils ne contiennent pas de THC, ces cannabis synthétiques, au moins pour certains d'entre eux, sont bien plus puissants, plus dangereux et plus addictifs que le cannabis naturel. Hallucinations, paranoïa, agitation, comportements agressifs, troubles de la parole, détresse respiratoire, infarctus du myocarde, décès, ont été observés chez de jeunes consommateurs aux Etats-Unis, où l'augmentation du nombre des passages aux urgences, depuis cinq ans, alarme les autorités. En Europe, des décès par overdose ont été rapportés, notamment en Angleterre et aux Pays Bas. Des effets à long terme (complications psychiatriques, perte de mémoire et dépendance) ont aussi été décrits. En l'état actuel des études américaines, la dangerosité de ces produits serait liée à une plus forte affinité pour les récepteurs cannabinoïdes CB1 et CB2 que le THC du cannabis naturel. Contrairement au cannabis naturel, les chercheurs observent que ces molécules ne contiennent pas de cannabidiol (propriétés antipsychotiques).

 

 

Brenda: "Je suis partie dans un délire fou"

Brenda, jeune étudiante alsacienne, n'avait jamais fumé de joint quand elle a voulu tenter l'expérience avec ses amis, en avril 2014, lors d'un voyage à Londres, organisé par leur lycée.

 

«C’était notre dernière soirée. Nous sommes allés dans le quartier de Camden Town, réputé pour la drogue. Nous sommes entrés dans une petite boutique de souvenirs et on a demandé au vendeur s’il avait quelque chose à fumer. Mes amis étaient fumeurs, moi non. Je voulais essayer. On ne savait pas qu’on achetait du cannabis de synthèse. Le vendeur nous a présenté plusieurs petits sachets assez beaux au niveau du package. Ça donnait envie d’acheter. On en a acheté un pour un peu plus de 20 livres. De retour à l’auberge de jeunesse le soir, mes amis ont commencé à fumer. Je les ai rejoints un peu plus tard. Ils avaient l’air bien. J’ai tiré à peine deux “lattes” et je suis partie aussitôt dans un délire fou.

 

"Je hurlais que j'allais mourir"

 

J’ai d'abord eu vraiment très mal à la tête, j’avais de plus en plus de mal à respirer, et j’ai fait une grosse crise de panique. Je hurlais que j’allais mourir. Je ne voyais plus correctement. Mes amis me paraissaient très loin alors qu’ils étaient très proches de moi. Je ne distinguais plus ce qu’ils me disaient. J'avais très soif et je n’arrivais pas à tenir mon verre d’eau tellement je tremblais de partout. Ensuite je me suis calmée, je me sentais bien. Puis je suis “redescendue” et j’ai eu de nouveau très peur, j’ai paniqué. J’ai vomi tout ce que j’avais dans l’estomac. Je me sentais perdue. Avant de m’endormir, j’ai dit des choses incohérentes, d'après mes amis.

Je ne garde que de vagues souvenirs, ce sont mes amis qui m’ont raconté. Je leur en ai voulu de ne pas avoir appelé les secours. C’était une expérience traumatisante dont je me suis heureusement relevée assez vite. Je pense être très sensible car j’ai très peu fumé et mes amis, eux, l'ont bien vécu. Mais si j'avais plus fumé, cela aurait pu être bien pire. Il faut alerter les jeunes. Il n’y a pas de mal à se faire plaisir, mais il faut savoir ce que l’on consomme.»

 

Vincent: “Je suis atteint de dépersonnalisation”

Vincent, musicien parisien, fumait régulièrement des joints lorsqu'en novembre 2014, alors qu'il était en panne de cannabis, un de ses amis lui a proposé d'essayer la version synthétique de cette drogue, fabriquée par ses soins, à partir d'une poudre achetée sur Internet.  

 

 “Mon ami m'a conseillé ce produit qu'il avait l'habitude de fumer et me l'a vendu comme un produit similaire au cannabis, en plus fort. En fait, cela n'a rien à voir avec le cannabis. La première fois, je l'ai consommé seul et j'ai fait une attaque de panique violente où j'ai cru mourir: mon rythme cardiaque s'est emballé, je tremblais violemment jusqu'à convulser, j'avais beaucoup de mal à respirer… Très étrangement, et malgré ce trip angoissant (je pense que j'étais déjà tombé addict), j'ai retenté l'expérience, à doses minimes, avec des amis. Eux ne ressentaient rien de spécial alors que je faisais des attaques de panique. Je pense que ce produit avait déjà déclenché quelque chose au niveau de mon cerveau. J'ai mis de côté le cannabis de synthèse et j'ai fumé du cannabis naturel. A nouveau des attaques de panique. Je sais que l'on peut en faire avec le cannabis, mais ce n'était pas du tout mon cas. Ce terrain fragile est arrivé chez moi avec le cannabis de synthèse.


"Je me sens coupé du monde, déconnecté de mes émotions et pas dans mon corps"

 

J'ai donc abandonné toutes consommations depuis le 1er janvier de cette année. Quand j'ai compris que ce produit avait déclenché chez moi une maladie psychiatrique: la dépersonnalisation ou déréalisation. C'est une maladie très peu connue mais qui commence à prendre de l'ampleur, notamment à cause des cannabis de synthèse, réputés pour transformer une anxiété modérée en crise extrême. Etre dépersonnalisé ou déréalisé, c'est se sentir coupé du monde avec l'impression de vivre en permanence dans un rêve, déconnecté de ses propres émotions, avec la sensation que l'on n'est pas dans son corps ou bien que l'on en sort… Chez moi, c'est un état permanent. J'ai une glande en suractivité qui "coupe" la moitié de mon cerveau. Au départ, ça a été dur pour moi de comprendre que j'étais malade. Je me réfugiais dans la chaleur de mon entourage familial. Lorsque j'étais subitement pris de vertiges violents et d'une immense fatigue, je me disais que c'était dû à un dérèglement de mon oreille interne. Un test neurologique m'a permis de comprendre que c'était dû à l'anxiété. Je me suis ensuite pris en charge tout seul et j'ai pris le taureau par les cornes, grâce à mon psychiatre et à l'hôpital Saint-Anne, où je suis suivi.


"Le cannabis de synthèse a détruit une partie de ma vie et une partie de moi-même" 

 

Le cannabis de synthèse a détruit une partie de ma vie et une partie de moi-même. J'ai perdu ma petite amie. Mes relations sociales sont plus difficiles qu'avant. Je ne peux plus me reposer ni dormir car ça tourne beaucoup dans ma tête. Je me sens très diminué. La première épreuve de la journée, c'est de sortir du lit le matin. Ensuite, suivent toutes les autres. C'est assez infernal. J'espère que ça va s'arrêter un jour. On est un million de dépersonnalisés dans notre pays qui est en retard au niveau des traitements, même si les choses s'améliorent. Aujourd'hui, je suis malade alors que certains en fument et n'ont pas de problème. Malchance? Bien qu'il a l'air en forme, l'ami qui m'a fourni a gardé quelques séquelles. Consommer ces produits, pour moi, revient à tirer au sort une maladie dans un grand chapeau. Il faut les éviter et se méfier des cannabis hollandais et belges qui sont parfois mélangés avec des cannabis de synthèse.”

 

 

 

Source: https://www.parismatch.com/Actu/Societe/Cette-drogue-a-detruit-une-partie-de-ma-vie-Cannabis-de-synthese-817865

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