Légaliser le cannabis pourrait protéger l’environnement et la planète


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Et si légaliser le cannabis permettait de mieux protéger l’environnement, d’éviter des pollutions et de défendre les éco-systèmes ? C’est ce qui ressort de plusieurs études menées aux Etats-Unis sur la question.

 

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La production et la commercialisation de cannabis sont des activités économiques de taille significative. Bien qu’étant illégal dans la plupart des Etats du monde, le commerce du cannabis représente selon les estimations environ 150 milliards de dollars de revenus, et environ 200 millions de consommateurs.

 

C’est aussi une « industrie » autour de laquelle se nouent des enjeux importants (santé publique, sécurité publique, revenus, gestion du trafic…). Depuis quelques années, les spécialistes de la question s’interrogent sur la meilleure façon de gérer ces enjeux : continuer à interdire le cannabis, lutter contre sa production, ou bien légaliser la production, le commerce ou la consommation afin d’avoir un meilleur contrôle sur la filière.

 

Peu d’Etats et de pouvoirs publics dans le monde se sont pour l’instant lancés dans la seconde option. Mais une chose pourrait peut-être les faire changer d’avis : en plus d’éventuels bénéfices économiques pour les pouvoirs publics, légaliser le cannabis pourrait avoir des effets extrêmement bénéfiques sur l’environnement et la planète.

 

L’impact environnemental du cannabis

 

Dans un précédent article, nous avions décrypté l’énorme impact environnemental du tabac. Entre la production des plants de tabac, leur séchage et leur traitement, le transport de la marchandise, la fabrication des cigarettes, des filtres et des feuilles à rouler, le tabac est une industrie très polluante et très nocive pour l’environnement. D’une manière générale, l’industrie du cannabis pose les mêmes problèmes que l’industrie du tabac : il faut faire pousser les plants de cannabis, qui nécessitent des intrants, des pesticides et des engrais.

 

La culture du cannabis est très gourmande en eau, voire en énergie. Au final, on estime que fumer un joint de cannabis équivaut à émettre dans l’atmosphère 900 g de CO2 environ, si l’on prend en compte tous les impacts de la chaîne de production et du cycle de vie. Et on parle là uniquement de CO2 : c’est sans compter les autres pollutions diverses engendrées par la production du cannabis tout au long de la chaîne.

 

Mais alors, comment légaliser le cannabis pourrait aider à réduire cet impact environnemental ? Et si la légalisation permettait de redéfinir des conditions de production et de commercialisation plus écologiques ?

 

La culture indoor de cannabis : pollution, gaspillage énergétique et impact environnemental

 

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Il faut savoir qu’une grosse partie de l’impact environnemental du cannabis est lié à ses conditions de production. D’abord, la culture indoor (en intérieur) pose de sérieux problèmes en termes environnementaux. 

 

Puisque la culture du cannabis est illégale dans une majorité de pays dans le monde, beaucoup de producteurs ont lancé des espaces de production en intérieur afin d’éviter d’être repérés par les contrôles aériens ou satellites des autorités de lutte anti-drogue (c’est notamment le cas des productions individuelles, mais aussi de productions à plus grande échelle). Le problème, c’est que le cannabis est une plante équatoriale, qui nécessite donc une quantité significative d’eau et de lumière pour pousser correctement.

 

En cultivant le cannabis à l’intérieur, on doit donc faire en sorte de lui fournir cette eau et cette lumière, notamment grâce à des systèmes d’irrigation et de lampes à UV. Il faut aussi des régulateurs de température et des purificateurs et déshumidificateurs d’air, afin de maintenir les plants dans de bonnes conditions.

 

Au final, tout cela consomme énormément d’énergie. On estime ainsi qu’aux Etats-Unis, la culture indoor de cannabis représente à elle seule 1% de la consommation électrique totale du pays. Faire pousser 4 plants de cannabis en intérieur entraînerait une consommation électrique équivalente à celle de 29 réfrigérateurs.

 

En Californie, où la production est parmi les plus élevées des Etats-Unis, on estime qu’un peu moins de 10% de la consommation électrique totale des ménages est liée à la culture indoor de cannabis ! La production d’1 kg de cannabis en intérieur conduirait donc à l’émission directe et indirecte de plus de 4.6 kg de CO2. C’est à peu près autant d’émissions que pour la production d’1 kg de jambon par exemple, ou de 15 kg de fraises.

 

Au final, aux Etats-Unis la production de cannabis en intérieur serait équivalente à la pollution engendrée par 3 millions de voitures.

Légaliser la production permettrait de remettre une bonne partie des cultures en extérieur, et donc de réduire la consommation énergétique liée à la culture en intérieur. Bien sûr, certaines cultures resteraient en indoor (dans les climats moins favorables, ou pour les productions qui nécessitent un contrôle plus strict du processus de culture), mais pour une bonne partie de la demande, la culture en extérieur pourrait suffire.

 

Légaliser la marijuana pour contrôler la culture sauvage de cannabis en extérieur

 

Légaliser le cannabis pour éviter la destruction d’espaces naturels

L’autre gros problème de la production de cannabis, c’est que la culture, même en extérieur est extrêmement polluante car elle est sauvage et se réalise dans des conditions mal maîtrisées. D’abord, pour échapper aux contrôles de police, les cultivateurs cherchent des terres reculées, à l’écart des espaces urbains. On estime que 31 000 hectares sont consacrés uniquement à la culture sauvage de la marijuana rien qu’en Californie.

 

Et une grande majorité de ces plants cultivés en extérieur sont installés dans des zones forestières sauvages, voire au coeur d’espaces protégés ou sensibles. Aux Etats-Unis selon les derniers recensements, 71 forêts nationales classées dans 21 Etats abriteraient des cultures illégales. Cela implique que les cultivateurs doivent au préalable défricher, détruire les forêts, et donc détruire des espaces naturels. Forcément, cela affecte la biodiversité et l’écosystème local.

 

Mieux contrôler les conditions de production

 

Mais ce n’est pas tout : sous la pression des contrôles, les trafiquants sont contraints d’être très mobiles. Ils doivent donc être capables de rendements très rapides, afin de pouvoir délocaliser rapidement leurs sites de production sans se faire repérer par la police. Résultats ? Pour augmenter les rendements, les cultivateurs transforment massivement l’écosystème : ils construisent des systèmes d’irrigation importants en détournant les fleuves, des barrages susceptibles de perturber les écosystèmes.

 

Ils utilisent également massivement des pesticides, engrais et herbicides afin de faciliter la pousse des plants. En 2011 par exemple, dans les Forêts Nationales de Mendocino, 56 sites de production illégaux ont été démantelés, et 23 tonnes de déchets, 1 tonne d’engrais, 30 kg de pesticides et herbicides y ont été retrouvés, ainsi que 10 km d’irrigation illégale et 13 barrages.

 

L’utilisation de produits toxiques et de pesticides (dans des quantités beaucoup plus importantes que nécessaires), entraîne forcément des contaminations de l’écosystème : dans la forêt nationale du Sierra en Californie, 70% des oiseaux (en particulier les hiboux) seraient contaminés par des pesticides, mais aussi 76% des poissons.

 

On a également constaté une diminution radicale de la population de certains mammifères comme les Pékans, liée à des empoisonnements aux pesticides utilisés dans les plantations illégales.

 

L’utilisation de systèmes d’irrigation artisanaux entraîne l’assèchement des cours d’eaux et des réserves phréatiques locales puisque le cannabis est l’une des culture les plus gourmandes en eau (un plant nécessite environ 23 litres d’eau par jour). Tout cela a même poussé certains sénateurs américains à publier une lettre ouverte sur leurs inquiétudes liées aux dommages environnementaux causés par les plantations illégales de cannabis.

 

Si le cannabis était une culture réglementée comme les autres ?

 

Selon plusieurs études, notamment une analyse publiée dans le Journal de Droit Environnemental de Columbia, légaliser la production de cannabis permettrait de mieux encadrer les pratiques de production. En fait, le cannabis deviendrait une culture comme une autre, soumise aux régulations agricoles et aux contrôles de la qualité de l’eau et de l’utilisation de produits chimiques. Cela permettrait d’abord de réduire la pression sur les écosystèmes et la biodiversité en contrôlant les zones de production, cela permettrait de réduire l’utilisation de pesticides en mettant en place une production raisonnée, de réduire l’impact des transformations des paysages avec des systèmes d’irrigation homologués…

 

Bref, légaliser permettrait aux autorités environnementales mais aussi sanitaires d’avoir un contrôle sur les conditions de production, plutôt que de laisser des trafiquants gérer des productions sauvages et extrêmement polluantes.

 

Légalisation du cannabis et environnement : cumuler les effets bénéfiques

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Outre ce contrôle accru et la réduction des pollutions sauvages, la légalisation du cannabis permettrait d’éviter les effets de transfert de moyens. Plutôt que d’investir chaque année des millions dans des programmes de lutte contre les sites de production illégaux, les pouvoirs publics pourraient allouer ces ressources (financières, logistiques et humaines) à des programmes de protection de l’environnement.  

 

De la même façon, cela éviterait d’avoir à mettre en place des programmes de destruction des sites de production qui sont à la fois coûteux en termes financiers et en termes environnementaux. En effet, lorsqu’un site de production est découvert par les autorités de lutte anti-drogue, les plants sont soit brûlés soit détruits à l’aide d’herbicides puissants. Cela contribue donc soit à polluer l’air, soit à polluer le sol et l’écosystème. Aux Etats-Unis en 2013, près de 4 millions de plants de cannabis ont ainsi été éradiqués, notamment grâce à l’utilisation de puissants herbicides…

 

 

Un autre effet bénéfique est à considérer : la réduction du transport. Une légalisation du cannabis pourrait permettre à des productions locales de se développer et donc d’éviter que des camions, voiture, avions ou autres bateaux remplis de cannabis doivent traverser les frontières illégalement pour alimenter les marchés nationaux. Et surtout, cela éviterait les dégâts collatéraux liés au trafic. On sait par exemple que les cartels sud-américain, pour transporter leur marchandise, utilisent des techniques très nocives pour l’environnement, par exemple en cachant leur marchandise au milieu de produits très toxiques contenant des composés organiques volatils.

 

Cela permet aux odeurs du cannabis d’être couvertes par celle des produits chimiques et d’éviter d’être repérés lors des contrôles avec chien. Le problème c’est que ces produits sont ensuite jetés et déversés, souvent dans la nature et dans des zones riches en biodiversité (comme à la frontière américano-mexicaine).

 

Une étude menée par une douzaine de scientifiques spécialistes de l’environnement sous la direction de l’Université d’Oxford, concluait en 2014 que la légalisation du cannabis permettrait à la fois de cumuler les bénéfices environnementaux liés à un meilleur contrôle de la production, d’éliminer les effets néfastes de la culture sauvage, mais aussi de développer une meilleure allocation des ressources dans la protection de l’environnement.

 

En effet, si l’on considère que chaque année, la lutte contre le cannabis coûte à l’Etat plus d’un demi milliard d’Euros en termes d’infrastructures et d’opérations de police, cela représente autant d’argent que l’on pourrait allouer à la protection de la biodiversité par exemple. Concrètement, cela permettrait de multiplier par 3 le budget de l’Etat alloué à la gestion de l’eau et à la biodiversité (qui n’était que de 276 millions en 2015).

 

Au final, la plupart des études montrent qu’un cannabis légalisé est aussi un cannabis plus écologique. La lutte contre le cannabis mène à des effets très pervers en termes environnementaux, ce qui amène de plus en plus d’experts et de politiques locaux aux Etats-Unis à se poser la question de sa légalisation et de sa réglementation. Bien sûr, d’autres effets sont à considérer, notamment l’effet de cette drogue sur la santé. Mais en termes écologiques, les preuves sont là : pour protéger l’environnement, il vaut mieux légaliser que d’interdire.

 

 

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