La mission d’information sur la possibilité de punir l’usage illicite de stupéfiants par une amende forfaitaire poursuit ses auditions. Mardi 12 septembre, l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT) a mis en garde contre le risque de « standardiser » la sanction au détriment des soins.
Fumeur de cannabis / MARTIN BERNETTI/AFP
Mieux identifier le profil des consommateurs pour mieux les prendre en charge. C’est en gros le message que l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT), auditionné par la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’usage de stupéfiants, a voulu faire passer aux députés, alors que ceux-ci étudient la possibilité de punir les usagers de drogues (en particulier de cannabis) par une simple amende en lieu et place de la procédure judiciaire – longue et coûteuse – actuellement en vigueur. Les consommateurs de stupéfiants sont aujourd’hui passibles d’un an de prison et de 3 750 € d’amende.
Individualisation de la prise en charge
« S’il est effectivement nécessaire de réformer la réponse pénale qui est par ailleurs inefficace, les amendes forfaitaires risquent de standardiser les sanctions », a estimé Julien Morel d’Arleux, directeur de l’OFDT. Pour ce dernier, la mise en place d’amendes ne doit pas uniquement servir à désengorger les tribunaux et les commissariats. La réforme doit être l’occasion de repenser la réponse pénale en trouvant un équilibre entre « sanction et soin ».
Le directeur de l’OFDT plaide ainsi pour une meilleure prise en charge des usagers de droguevia le développement de « peines alternatives », comme les stages de sensibilisation ou le suivi médical. Julien Morel d’Arleux a également expliqué que pour être efficace, la réponse pénale doit être « individualisée » pour s’adapter à toute « la palette des consommateurs ».
Citant l’exemple du système judiciaire portugais, le directeur de l’OFDT a émis l’idée de créer des commissions pluridisciplinaires – regroupant professionnels de santé et juges – qui examineraient individuellement chaque cas d’usager en fonction du type de consommation. L’objectif est de trouver des réponses plus adaptées pour les jeunes, sachant que la France est le pays du monde où les mineurs consomment le plus de cannabis. Ces commissions permettraient de mieux prendre en charge les consommateurs les plus problématiques en les orientant vers un traitement médical spécifique.
Changer la perception sociale du cannabis
Également entendue mardi 12 septembre par la mission d’information, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues (Mildeca) a rappelé que la réponse pénale variait largement en fonction des régions et des tribunaux (du simple rappel à la loi au procès). Et si la France possède une des législations les plus sévères au monde en matière de répression contre les consommateurs, sur plus de 100 000 procédures traitées chaque année, 45 000 aboutissent à un simple rappel à la loi.
Ainsi, les amendes rendraient systématiques les condamnations pour usage de drogue et mettraient fin à une certaine « tolérance » vis-à-vis du cannabis. Pour le président de laMildecaNicolas Prisse, « le système d’amendes forfaitaires doit s’appliquer indistinctement à toutes les drogues. Car si seul le cannabis est sanctionné d’une amende, cela induit qu’il est moins dangereux », a-t-il expliqué.
L’OFDT a souligné lors de l’audition que le cannabis nuit gravement à l’apprentissage scolaire et provoque chez les jeunes des retards de développement. « Tout l’enjeu aujourd’hui est de faire changer les mentalités en France vis-à-vis du cannabis car il bénéficie d’une bonne perception sociale. C’est comme un rite de passage chez les adolescents », a avancé Julien Morel d’Arleux. Selon l’OFDT, seulement 20 % des adolescents considèrent que l’usage de cannabis est dangereux pour la santé.
Sylvain Labaune
Source: la-croix.com